À moins d’un an de la fin du mandat actuel des institutions européennes, l’Espagne a pris la présidence du Conseil de l’Union européenne au 1er juillet avec quatre priorités1  : « réindustrialiser l’Europe et garantir son autonomie stratégique ouverte, faire avancer la transition écologique et l’adaptation environnementale, promouvoir une plus grande justice sociale et économique, et renforcer l’unité européenne ». Cette présidence intervient alors que de nombreux dossiers du Pacte Vert restent à finaliser et, pour certains, à publier, et que les élections nationales en Espagne prévues le 23 juillet prochain pourraient influer sur ces priorités et le déroulement de cette présidence. Dans ce contexte incertain, ce billet de blog propose un tour d’horizon de quatre enjeux clés pour la transition écologique en Europe dans les prochains mois.

Une première priorité de la présidence espagnole concerne la transition énergétique et en particulier la conclusion de la réforme du marché électrique européen proposée en mars dernier par la Commission européenne dans le cadre de son paquet industrie verte. L’objectif paraît atteignable compte tenu des progrès réalisés en un temps record lors des derniers mois de la présidence suédoise. Il reste des sujets sur lesquels s’accorder, notamment la possibilité de recourir à des contrats de long terme pour les sites de production existants faisant l’objet de réinvestissements qui intéresse tout particulièrement la France. Néanmoins, la condition pour avancer rapidement sur cette réforme, qui est de se focaliser sur l’adoption de mesures de gestion des variations des prix révélés par la crise énergétique via notamment l’extension des contrats de long terme et de traiter dans un deuxième temps d’enjeux structurels de marché, semble pour l’heure rester la boussole des acteurs impliqués. D’autres dossiers énergétiques importants concernent les négociations, que la présidence espagnole entend conclure, avec le Parlement européen sur la directive sur la performance énergétique du bâtiment et le paquet gaz sur lequel l’objectif de la. Enfin, même si la situation d’approvisionnement en gaz et en électricité de l’EU est meilleure aujourd’hui qu’il y a un an et que l’Union s’est dotée d’instruments pour gérer la crise avec notamment des objectifs de réduction de la consommation de gaz naturel qui ont été prolongés, il n’est pas à exclure que la présidence se trouve dans la situation de rediscuter de la question de la sécurité énergétique en fonction de l’évolution de l’hiver.

Un deuxième sujet important concerne le plan industriel du Pacte vert, dont le double objectif est de développer une industrie verte et de réduire les dépendances extérieures pour augmenter l’autonomie stratégique de l’UE. La présidence espagnole aura pour charge de mener les discussions au Conseil relatives au règlement sur les matières premières critiques afin d’intégrer cet enjeu clé pour la transition énergétique et la décarbonation des industries dans la politique européenne. Ces deux textes (matières premières critiques et industrie à zéro émission nette) devraient trouver leur voie dans un contexte politique porteur. Toutefois, le défi sera de gérer en parallèle la déception au regard du peu de progrès réalisés sur le financement de ces transitions industrielles qui, de fait, mettent aujourd’hui les États membres en concurrence frontale pour l’accueil des investissements dans les industries clés pour la transition énergétique. Si ces discussions devaient ne pas aboutir, la présidence pourrait jouer un rôle clé pour identifier le besoin de renforcer la gouvernance et la coopération entre Européens pour réussir cette transition industrielle et faire le lien avec les questions de financement. Le rôle actif de l’Espagne dans le débat sur la gouvernance économique européenne, qui doit aussi être une priorité de sa présidence, pourrait aider à lier les deux sujets, dans un contexte de décision politique néanmoins compliqué par la hausse des taux d’intérêt sur les dettes souveraines. 

Un troisième sujet clé est celui de la loi de restauration de la nature, adoptée de justesse par le Parlement européen au prix d’une baisse de l’ambition des mesures proposées. Ce résultat est bienvenu compte tenu de la bataille politique d’une intensité rare. En outre, la restauration représente un élément important de réponse aux crises environnementales, nécessaire à l’équilibre du Pacte Vert dans son ensemble qui, si l’on observe les législations adoptées aujourd’hui, penche sérieusement vers l’atténuation du changement climatique. La position du Parlement désormais connue, la présidence espagnole a annoncé vouloir conclure les négociations entre le Conseil et le Parlement, mais le niveau de priorité accordé à ce sujet pourrait être moindre en cas d’alternance politique sur le plan national.

Enfin, sur le plan international, l’Espagne souhaite mettre à profit sa présidence pour rapprocher l’Union européenne de ses partenaires sud-américains. Si les négociations sur l’accord de libre-échange avec le Mercosur s’annoncent compliquées, la création de partenariats autour de la transition énergétique juste peut aussi être un sujet à explorer avec de nouveaux pays, au-delà des exemples sud-africain, vietnamien, indonésien et maintenant sénégalais. Et, dans le sillage du Sommet de Paris pour un nouveau pacte financier mondial, des progrès sont attendus de la part de l’UE en matière de financement et de solidarité envers les pays les plus vulnérables. 

Dans un contexte politique tendu et marqué par des compétitions électorales importantes et dont les lignes de fractures passent désormais par les textes du Pacte vert, la présidence espagnole doit relever le défi de faire avancer de nombreux textes européens en parallèle alors que le débat sur l’avenir et les suites du Pacte Vert a déjà commencé. L’enjeu est d’abord et surtout de faire aboutir ce qui a été initié. Puis il faudra dresser le bilan du Pacte vert qui a permis des progrès essentiels, mais dont il faudra aussi identifier les manques pour être en capacité de le compléter par d’autres approches et outils afin d’approfondir la transition tout en le combinant aux autres objectifs de l’Union européenne lors du prochain mandat.