Le 2 août dernier, après sept mois de négociations, les 193 États membres des Nations unies sont parvenus à un accord sur le « programme de développement pour l’après 2015 ». Ce programme sera formellement adopté par les chefs d’États et de gouvernement lors d’un sommet onusien de haut niveau, le 25 septembre à New York. Le texte de l’accord, intitulé « Transformer notre monde : le programme de 2030 pour le développement durable », définit les grands axes qui structureront la coopération internationale et les politiques nationales de développement durable pour les quinze prochaines années, avec pour pierre angulaire une liste de 17 Objectifs de développement durable (ODD) assortis de 169 cibles.

Que retenir du texte ?

Le texte final est l’aboutissement de nombreux compromis internationaux ; il a (forcément) les défauts de ce genre de négociations : engagements édulcorés pour certains, cibles trop nombreuses, très hétérogènes et sans égale importance, pour d’autres. L’accord n’a pas encore mis en discussion tous les problèmes de compatibilité entre les différents objectifs.

Il a aussi d’indéniables vertus. L’accord constitue une avancée considérable au regard de la Déclaration des Nations unies pour le Millénaire, qui avait mis en place les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) en 2000.

Les principes qui sous-tendent l’accord vont profondément modifier la manière dont nous avons pensé les politiques de développement jusqu’à aujourd’hui. L’accord est d’une part universel : tous les pays devront œuvrer à sa mise en œuvre, selon leurs capacités et niveau de développement. « Transformer notre monde » n’est pas un programme de développement défini par le Nord pour le Sud, mais bien un programme de développement durable défini par et pour le Nord et le Sud. Il a été défini, et ne pourra être mis en œuvre que par une coalition des acteurs du développement et de l’environnement (Nord, Sud, public, privé, ONG, centres de recherche). La solidarité Nord-Sud reste importante, mais elle n’est plus centrale : elle est une composante, parmi d’autres, de partenariats tous azimuts.

Le programme est d’autre part indivisible : les ODD et leurs cibles sont interconnectés et intègrent les trois dimensions du développement durable. Le titre même de l’accord témoigne de cette intégration : alors que certaines voix souhaitaient cloisonner développement durable et éradication de la pauvreté, en incluant cette dernière dans le titre, les États ont finalement fait le choix de considérer l’éradication de la pauvreté comme partie intégrante du développement durable. En ce sens, l’accord matérialise le concept de développement durable – après plus de trente ans d’existence, diront les critiques (Rapport Sustainable Development of the Biosphere, Clark et Munn, 1986).

Quelles conséquences pour la COP21 ?

L’accord postule l’existence de trajectoires de développement compatibles entre elles et permettant d’atteindre les objectifs conjointement. Les pays en développement ne pourront plus opposer le besoin de combattre la pauvreté à celui de lutter contre le réchauffement climatique. Ces deux objectifs font dorénavant partie du même projet de « transformation ».

Plus concrètement, le Plan d’action d’Addis Abeba, défini comme l’un des moyens de mise en œuvre des ODD, a commencé à répondre à la question de l'additionnalité. En effet, il reconnaît, contre la demande de certains pays en développement, l’idée de « bénéfices mutuels » et donc implicitement l’impossibilité de séparer les financements en faveur du développement de ceux favorables au climat « quand les actions sont bien conçues ». Par ces textes, lutte contre le changement climatique et développement sont liés, les financements ne peuvent s’additionner comme depuis deux silos séparés.

Après le temps des engagements vient celui de l’action. C’est sa mise en œuvre à partir du 1er janvier 2016 qui devra confirmer la capacité de l’accord à « transformer notre monde » et inscrire les modèles de développement sur des trajectoires soutenables, dont un accord ambitieux à Paris demeure une condition clé.