L’année 2017 s’ouvre dans un contexte marqué par de nombreuses tensions et incertitudes. La montée sans précédent des inégalités et d’un sentiment de déclassement resté sans réponse satisfaisante entraîne des réactions en chaîne, notamment une tentation de repli sur soi, tant à l’échelle individuelle que collective, dont l’élection de Donal Trump aux États-Unis ou encore le Brexit sont le reflet. Dans ce contexte, l’Union européenne et la communauté internationale doivent porter une nouvelle vision politique, avec en son cœur la lutte contre les inégalités, l’exclusion et – parce que nul développement ne saurait-être soutenable sans cela – la protection de notre environnement. Une vision politique qui fasse aussi la part belle à la coopération entre les pays, car sans cette coopération, les grands problèmes de ce monde ne pourront être résolus, à l’image de l’évasion et de la concurrence fiscales ou de la lutte contre le changement climatique.
La communauté internationale, l’Union européenne et la France peuvent, pour ce faire, bâtir sur ce qui fut l’un des grands succès diplomatiques de l’année 2015 : les Objectifs de développement durable (ODD). Universels et indivisibles, ces 17 objectifs, assortis de 169 cibles, donnent une définition claire de l’avenir que nous voulons collectivement. Ils dessinent pour 2030 un monde plus solidaire et plus durable, et portent un projet de transformation des modèles de développement.
Une définition qui n’est pas sortie d’un chapeau. Tout comme l’Accord de Paris sur le changement climatique quelques mois plus tard, les ODD sont le fruit d’années de négociations entre États, avec une participation sans précédent de la société civile. Ces deux accords de développement durable représentent les seuls succès récents, mais des succès marquants, du multilatéralisme.
L’objet des ODD autant que leur méthode d’élaboration rendent leur réussite impérative. C’est la mission centrale que l’Iddri s’est fixée dans le cadre de son nouveau projet stratégique à cinq ans, en identifiant les conditions de formulation de stratégies et de mise en œuvre du développement durable dans le cadre international et national, ainsi que dans les collectivités et les entreprises. Pour cette première newsletter de l’année, un an après l’entrée en vigueur des ODD, nous vous proposons un premier état des lieux.
Si de nombreux pays sont encore en phase d’apprentissage, d’autres se sont déjà saisis des ODD, utilisés non seulement comme des objectifs, mais aussi comme de réels leviers d’action.
Les ODD, leurs indicateurs et leurs cibles sont tout d’abord une opportunité pour faire progresser le pilotage de l’action publique par un ensemble d’indicateurs plus riche que les seuls indicateurs économiques. Plusieurs pays (Finlande, Estonie, Sierra Leone) ont commencé à utiliser les ODD pour ce faire, comme le montre le Policy Brief de l’Iddri qui analyse les rapports des 22 pays qui se sont portés volontaires pour le Forum politique de haut niveau (FPHN) de 2016. D’autres en sont encore aux prémices, comme la France qui n’a pas attendu les ODD pour se doter de deux dispositifs de pilotage de l’action publique par des indicateurs de développement durable : la loi Sas sur les nouveaux indicateurs de richesse et la Stratégie nationale de développement durable. Ici, les ODD ne doivent pas être simplement une couche de gouvernance supplémentaire, mais peuvent permettre de renouveler, harmoniser et donner plus de poids à ces dispositifs. Au niveau européen, les ODD sont le socle sur lequel bâtir pour renouveler le récit européen et, plus prosaïquement, la stratégie Europe 2020, en donnant plus de place aux enjeux de solidarité et d’environnement dans le tableau de bord de l’Union et dans ses mécanismes de suivi de l’action comme le Semestre européen (voir tribune Iddri).
Au-delà des États, les ODD peuvent aussi s’appliquer aux collectivités locales (tribune Iddri "Want sustainable urban development? It’s time for Local Agenda 2030") et aux entreprises. Les ODD représentent aussi un cadre de redevabilité, qui ne sera efficace que si la société civile s’en saisit. C’est le cas dans certains pays, comme en Allemagne où une coalition d’ONG s’est constituée pour suivre la mise en œuvre des ODD par le gouvernement, ou au niveau européen avec le collectif SDG Watch Europe. Ce n’est pas encore le cas dans d’autres pays, comme en France où seules les associations de coopération internationale sont réellement mobilisées.
Pourtant, en adoptant les ODD, les États ont pris certains engagements nouveaux, plus ambitieux que dans leurs législations, en matière d’inégalités (voir la tribune La mesure statistique des inégalités doit servir de boussole aux gouvernements et la study de l'Iddri "Reducing inequalities within countries: converting the global debate into action") ou d’éducation par exemple. C’est l’un des messages du rapport de l’Iddri sur les ODD en France.
Les ODD peuvent également aider à dépasser une difficulté récurrente en matière de développement durable : le fonctionnement en silos des institutions, publiques comme privées. Répondre à l’enjeu alimentaire par exemple ne peut se faire sans intégrer la juste rémunération des agriculteurs, les impacts environnementaux de la production, et l’impact des politiques françaises et européennes sur les partenaires commerciaux. Là aussi, des pays comme la Norvège utilisent les ODD pour progresser vers une gestion intégrée du développement durable (voir Policy Brief Iddri), et des associations s’en emparent pour faire converger leurs combats sur l’environnement, la santé, la protection de l’enfance, ou encore la protection sociale.
S’appliquant aussi bien au pays développés, émergents et en développement, les ODD sont enfin un appel à la coopération internationale. Le FPHN joue un rôle clé ici : en 2016, il a permis aux États d’échanger sur les processus et les cadre institutionnels de mise en œuvre de l’Agenda 2030 pour le développement durable qu’ils ont lancés chez eux ; celui de 2017 devra faciliter un échange et un apprentissage collectif sur les politiques et mesures concrètes. Tous les organismes multilatéraux qui travaillent sur des thématiques précises – comme le travail décent (ILO), l’alimentation (FAO), l’enfance (UNESCO), le climat (CCNUCC), la biodiversité (CDB) – doivent également contribuer à ce travail. La dernière publication de l’Iddri et de l’IASS sur l’ODD Océan met en lumière les besoins de coopération internationale pour organiser le suivi de l’ODD n°14.
Au-delà de la formulation d’un projet commun, les ODD constituent donc aussi des leviers d’action dont les acteurs peuvent se saisir pour relever le défi d’un monde plus solidaire et plus durable. C’est dans cet espoir que l’ensemble de l’équipe de l’Iddri vous souhaite une excellente année 2017.