Si nous n’avons jamais été aussi prêts d’atteindre un tel accord universel pour le climat, quelques points de désaccords demeurent toutefois et devront être réglés, et traduits dans le texte de négociations, pour y parvenir. Le temps presse donc pour parvenir à un accord d’ici Paris. Les co-présidents appellent les pays à « accélérer les négociations », et l’agenda de la semaine à Bonn s’annonce déjà très chargé avec des discussions thématiques organisées en petits groupes parallèles. Ces cinq jours ne permettront certes pas de régler l’ensemble des questions qui restent en suspens, mais nous pouvons néanmoins en attendre un certain nombre d’avancées.
Le premier enjeu est celui de l’appropriation du texte des co-chairs par les pays, car, rappelons-le, pour l’instant, le seul texte « officiel » de négociations est le texte de Genève. En juillet dernier, les co-chairs ont proposé un « outil » qui permet d’esquisser pour la première fois les contours de l’accord de Paris et d’y voir un peu plus clair sur sa structure et sur l’identification des domaines d’accord et de ceux où des divergences cruciales subsistent, qu’il faudra discuter et trancher d’ici décembre. Il est important que les Parties puissent échanger et avancer sur ce texte dès maintenant, sans laisser un travail énorme pour la courte session d’octobre et les derniers jours de négociations à Paris. Même si des discussions et des désaccords émergeront certainement sur certains éléments de ce texte, on peut espérer que la méthode transparente et consultative adoptée par les co-chairs pour élaborer ce nouvel outil (qui a consisté à réorganiser les éléments sans éliminer aucune option des parties) ainsi que les larges consultations qu’ils ont menées contribueront à un travail constructif sur ce texte. Cependant, on peut craindre quelques blocages sur la méthode choisie pour l’organisation du texte, notamment sur la relégation en troisième partie de nombreux éléments sur lesquels les co-chairs n’ont pas identifié de consensus. Un temps précieux pourrait être perdu à critiquer ces choix ou à re-discuter du placement de ces éléments.
Sur le fond, le travail sur le texte doit permettre d’aboutir à clarifier et renforcer la première partie du document des co-chairs relative à l’accord de Paris afin de diminuer le nombre d’options et d’identifier clairement les derniers points de divergence à régler, en particulier concernant la revue stratégique ainsi que la révision régulière des contributions nationales et des progrès accomplis (que ce soit pour l’atténuation, l’adaptation ou les moyens de mise en œuvre). La question de la finance reste également au cœur des discussions et des clivages. Si peu d’avancées sont à attendre de ce côté à Bonn, la conférence d’Addis-Abeba (Éthiopie) en juillet dernier, qui a réaffirmé l’importance des questions climatiques pour le financement du développement, et de nombreux rendez-vous à venir à l’automne à New York (sommet spécial des Nations unies sur le développement durable), Ankara (réunion des ministres des Finances et des gouverneurs des banques centrales du G20), Paris (consultations ministérielles informelles) et Lima (réunion des ministres des finances) seront clés pour faire avancer ce dossier complexe.
Ce travail sur la partie « accord » ne doit néanmoins pas conduire à reporter les points de blocage à la deuxième partie du texte (relative aux décisions de la COP) ni à en créer de nouveaux quant au placement des différents éléments dans les deux parties. À cet égard, la réaction des Parties à l’organisation de l’outil et, en particulier, à la troisième partie, sera déterminante. Pour parvenir à avancer sur ces sujets, un esprit de compromis et une réelle volonté de négocier seront particulièrement importants. Enfin, il est important qu’avant de quitter Bonn les négociateurs se soient mis d’accord sur une méthode de travail qui garantisse d’avancer efficacement sur le texte dans le peu de temps qu’il reste d’ici à Paris. Sur l’ensemble de ces sujets, sur la forme et le processus d’une part et sur les questions de fond d’autre part, on peut espérer que ces 5 jours de négociations permettent d’accélérer les discussions en cours, d’éliminer des options et d’avancer vers un réel texte de négociations, plus clair et plus concis, pour octobre, puis pour Paris.
Par ailleurs, à ce stade, 57 pays (parmi lesquels les 28 de l’Union européenne) ont présenté leurs contributions nationales. Nous en avons analysé un certain nombre, dont celle du Mexique, des États-Unis, du Canada, de l’UE, de la Chine ou encore du Japon. Ces pays représentent près de 60 % des émissions globales, et d’autres contributions sont attendues dans les semaines à venir. La publication d’un grand nombre de contributions, ainsi que les annonces d’actions nationales ou bilatérales (comme entre l’Allemagne et le Brésil récemment), représente un signal de mobilisation très important et inégalé par le passé, qui doit maintenant être accompagné et renforcé par un texte ambitieux à Paris.
Il est en effet important que les dispositions du texte adopté à Paris puissent accélérer et accompagner les changements transformationnels que représente cette mobilisation croissante des pays, au sein de la CCNUCC via les INDCs, mais également dans un ensemble divers d’autres forums et institutions, et des acteurs non étatiques, en particulier des collectivités locales qui sont plus engagées que jamais pour construire un avenir durable. Il s’agit bien d’un effort historique, visant à engager l’ensemble des pays et des acteurs dans des trajectoires de développement bas carbone et résilient. Il sera donc particulièrement important que Paris crée les conditions (et les mécanismes adéquats) pour accélérer cette transition.