Quelques éléments du 13e plan quinquennal chinois commencent à filtrer. La Chine fait face à un choix complexe et difficile : poursuivre sur un modèle de croissance tirée par les investissements, les infrastructures et l’industrie, ou changer pour un modèle basé sur l’innovation, la consommation des ménages et la production à plus forte valeur-ajoutée.
Des éléments du 13e plan quinquennal (2016-2020) de la Chine commencent à filtrer des discussions politiques et des discours des hauts responsables politiques chinois. Ce 13e plan quinquennal, qui sera bientôt accessible au public après consultation du Congrès national en mars, arrive à un moment important, alors que la Chine se trouve à un tournant économique majeur. Le pays fait face à un choix complexe et difficile : poursuivre sur un modèle de croissance tirée par les investissements, les infrastructures et l’industrie (les trois « I ») ou changer pour un modèle basé sur l’innovation, la consommation des ménages et la production industrielle à plus forte valeur ajoutée.
Les problèmes liés à l’ancien modèle sont nombreux : surinvestissement, surcapacités, inégalités, dégradation de l’environnement, ralentissement de la croissance, dette exponentielle. Et ce ralentissement de la croissance chinoise provoque une onde de choc dans le monde entier, faisant chuter le prix des ressources, la croissance mondiale et le commerce international.
Et pourtant, dans le même temps, la transition vers un nouveau modèle n’est pas facile : il faudra fermer des industries, recycler des travailleurs, freiner l’expansion des entreprises publiques et réformer les finances. Les intérêts bien ancrés sont forts, et le risque de difficultés est bien réel.
L’un des principaux moteurs de la lutte contre le changement climatique en Chine est l’abandon de l’ancien modèle à fortes émissions en faveur d’un modèle plus propre et plus efficace. Le niveau d’ambition du programme de réforme général du 13e plan quinquennal est important pour la lutte contre le changement climatique.
Le gouvernement chinois envoie des signaux montrant qu’il prend son programme de réformes très au sérieux et qu’il est prêt à faire face à des choix difficiles. La perte de millions d’emplois dans les secteurs du charbon et de l’acier, qui souffrent à la fois d’une forte surcapacité et du besoin de réduire la pollution, est ouvertement évoquée ; ainsi que l’ouverture de secteurs comme l’électricité et le gaz, qui serait essentielle pour offrir davantage d’incitations fondées sur le marché pour l’investissement et la consommation.
Pour la première fois, le 13e plan quinquennal fixe des objectifs de réduction des polluants atmosphériques au niveau local désignés sous le terme de PM2.5. Cette orientation des politiques environnementales permettra de poursuivre la recherche de sources d’énergie plus propres et d’améliorer l’efficacité énergétique. Le gouvernement a également annoncé ses objectifs pour l’amélioration de l’intensité énergétique et l’intensité carbone du PIB. Il est prévu d’améliorer l’intensité énergétique de 15 % et l’intensité de carbone de 18 % entre 2016 et 2020.
En 2009, au sommet sur le climat à Copenhague, la Chine s’était engagée à réduire son intensité carbone de 40-45 % d’ici 2020 par rapport aux niveaux de 2005.
Si la Chine atteint l’objectif de son 13e plan quinquennal indiqué plus haut pour la période 2016-2020, le pays dépassera largement la promesse faite à Copenhague. Au lieu de 40 à 45 %, l’amélioration des niveaux d’intensité de carbone d’ici 2020 par rapport aux niveaux de 2005 pourrait atteindre plus de 50 %.
Si l’on projette cette tendance à l’horizon 2030, la Chine pourrait dépasser sa promesse faite à la COP21 à Paris et atteindre son pic d’émissions avant 2030 (comme l’a soutenu Lord Stern dans un article récent, et comme l’Iddri l’a fait valoir sur ce blog l’année dernière, « Une première analyse de la contribution de la Chine à l’action climatique »).
La question n’est donc plus de savoir quand la Chine atteindra son pic d’émissions, mais plutôt comment. Assisterons-nous à une réforme sérieuse et de grande envergure de l’ensemble de l’économie chinoise au cours des cinq prochaines années, permettant d’instaurer un modèle beaucoup plus propre et efficace ? Ou les tentations et les défis seront-ils trop forts, et le pays adoptera-t-il une stratégie de compromis de réformes modérées ? La Chine continuera-t-elle à favoriser l’énergie propre, et parviendra-t-elle en même temps à fermer ses infrastructures excédentaires polluantes ? Les réponses à ces questions permettront de déterminer les réels enjeux : non pas quand la Chine atteindra son pic, mais plutôt si ce pic permettra de réduire les émissions de façon significative par la suite. Là est la question.