Peu après son entrée en fonction en janvier 2016, la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (AIIB) a déjà lancé six projets. Les informations concernant ces projets sont accessibles au public sur le site internet de l’AIIB, et sont récapitulées dans le tableau 1. Le sentiment général est que ces projets respectent des normes environnementales et sociales élevées, ce qui démontre les bonnes intentions écologiques et sociales de l’AIIB dans la sélection des projets. Cependant, l’articulation avec le développement durable pourrait être améliorée dans les projets à venir, en particulier concernant le lien avec les programmes à l’horizon 2030 (Objectifs de Développement Durable et contributions déterminées au niveau national) alors que les grandes banques de développement bi- et multilatérales adoptent toutes des stratégies d’intervention écologiques et centrées sur le climat.

Voici un résumé des principales caractéristiques de ces projets. En termes de transparence, l’information relative à chaque projet est en général détaillée sur un document de présentation uniforme de deux pages (voir le tableau 2 ci-dessous). Une fiche de présentation résumée du projet figure au début du document, contenant les principales informations et données du projet. Ces informations ne sont pas encore disponibles pour les deux derniers projets mis en ligne en juillet : le projet de développement hydroélectrique Tarbela 5 (Pakistan) et le Projet de renforcement du système de transport d’électricité (Inde), ce dernier étant au stade de la conception au moment de la rédaction de ce billet.

Les six projets concernent le développement et/ou le renforcement d’infrastructures déjà existantes, ce qui témoigne de la prudence dans le choix des projets en ce début de phase opérationnelle de l’AIIB. En termes de pays bénéficiaires, les six projets sont localisés dans des pays d’Asie du Sud et de l’Est, avec deux projets au Pakistan et les quatre autres en Inde, en Indonésie, au Bangladesh et au Tadjikistan.

En termes de co-financement, les projets existants de l’AIIB démontrent un fort  caractère coopératif : parmi cinq projets approuvés, quatre projets sont cofinancés, deux d’entre eux par la Banque mondiale (BM), un par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), et un conjointement par la Banque asiatique de développement (BAD) et le Département britannique pour le développement international (DFID). Comme le montre le tableau 1, le financement de l’AIIB est généralement inférieur ou égal à celui des autres institutions de cofinancement. Cela montre que l’AIIB attache une grande importance à la sécurité et l’aversion au risque, tout au moins pendant sa première phase de fonctionnement.

Il faut noter que les méthodes d’évaluation environnementale et sociale ainsi que les politiques de sauvegarde des cofinanceurs principaux sont utilisées dans ces projets de cofinancement, car l’AIIB reconnaît leur cohérence avec sa propre politique environnementale et sociale. Grâce à ce co-financement, l’AIIB peut non seulement réduire les risques liés au projet, mais aussi tirer des enseignements des normes et pratiques environnementales et sociales des institutions financières existantes. Les études d’impact environnemental et social sont réalisées avec ces méthodes. Le plan de gestion environnementale (PGE) est utilisé pour minimiser les impacts prévus pendant la construction et l’exploitation, et le constructeur mettra à jour le PGE avant la construction de manière à appliquer un PGE spécifique au site concerné.

Dans le tableau 1, le projet 2 est jusqu’à présent le seul projet exclusivement financé par l’AIIB (avec bien sûr la contribution des pays bénéficiaires). Il est étroitement lié à l’initiative « la ceinture et la route » proposée par la Chine, dont le principal objectif est l’amélioration de la connectivité dans les transports et la construction d’un couloir régional de coopération économique.

D’un point de vue sectoriel, trois projets concernent le transport et l’approvisionnement en électricité (dont un projet comprenant également l’installation d’une centrale électrique au niveau d’un barrage) ; deux projets visent à renforcer le transport routier ; un projet a pour objectif l’amélioration des services dans les bidonvilles. Ce sont assurément des secteurs importants pour les infrastructures, qui ne peuvent plus aujourd’hui être dissociées du développement durable. Aussi, l’AIIB pourrait profiter de son statut d’institution nouvellement créée et se consacrer uniquement, à l’avenir, à des projets avancés et innovants respectueux de l’environnement et du climat.

Le choix de l’AIIB de s’assurer de sa stabilité de fonctionnement durant sa phase initiale est certainement rationnel. En recherchant des financements coopératifs avec des institutions financières existantes, l’AIIB peut rapidement tirer des enseignements concrets en matière de pratiques et de normes, en particulier de normes environnementales et sociales. Compte tenu des besoins urgents pour atteindre les objectifs/cibles à l’horizon 2030 en matière de climat et de développement durable, les institutions financières existantes pourraient, de façon plus proactive, introduire dans les futurs projets co-financés avec l’AIIB les pratiques et méthodes respectueuses du climat et de l’environnement récemment développées. L’AIIB pourrait aussi jouer un rôle innovant en termes de soutien aux projets durables.

Certes, ces six projets ne reflètent peut-être pas l’intégralité de la stratégie et de l’orientation de l’AIIB. Seul l’avenir nous dira dans quelle mesure l’AIIB pourra jouer un rôle pour accélérer, voire même intégrer, les financements climatiques et écologiques dans la construction des infrastructures.


Tableau 1. Résumé des projets existants de l’AIIB aiib-projets-existants Tableau 2. Structure du document de projet de l’AIIB  

Catégorie Contenu
Contexte stratégique   Contexte du pays
Contexte sectoriel et institutionnel
Justification du projet
Projet   Objectifs
Conception, composants et indicateurs clés
Coût et plan de financement
Modalités institutionnelles et de mise en œuvre
Suivi et évaluation des résultats du projet
Conditions de prêt et avenants
Évaluation du projet Technique
Analyse financière
Analyse économique
Fiduciaire et gouvernance
Environnemental et social
Risques et mesures d’atténuation