Les 60e sessions des organes subsidiaires de la Convention des Nations unies sur le climat qui se tiendront à Bonn en Allemagne, du 3 au 13 juin 2024, devraient ouvrir la voie à une valorisation adéquate des résultats de la COP 28, y compris le premier Bilan mondial, afin que les pays puissent développer une compréhension commune d'une « bonne contribution déterminée au niveau national (CDN) ». C'est l'occasion pour eux de tester leur leadership en tant que précurseurs en matière de CDN. Bonn est également une étape cruciale dans la préparation de la COP 29 en ce qu’elle offre un espace de négociation pour renforcer la confiance dans le fait que l'objectif de financement pour l'après-2025 sera adopté avec succès d'ici la fin de l'année. Les participants auront plusieurs occasions de montrer leur engagement à atteindre l'ampleur et la rapidité requises pour renforcer l'action et la coopération internationale. La session de Bonn devrait également permettre d'accélérer la mise en place du fonds pour les pertes et dommages.
La session de négociation de Bonn, appelée SB60, est une occasion cruciale pour la « Troïka » de la COP (Émirats arabes unis, Azerbaïdjan et Brésil) de travailler conjointement avec les délégations des pays pour lancer des idées pour un paquet ambitieux de la COP 29, en faisant avancer les questions clés et en alignant les attentes. Cette session peut être vue comme un test de la continuité et du potentiel de cette Troïka en tant qu'innovation dérivée de la COP 28 – maintenant sous la présidence de l'Azerbaïdjan – dans son effort pour tracer une feuille de route vers la COP 30 de Belém (Brésil). Trois acronymes principaux seront au cœur de ces négociations : NCQG, NDC (CDN en français) et L&D ; ils font référence, respectivement, au nouvel objectif de financement, aux nouveaux engagements des pays en matière d'ambition et aux dispositions relatives à l’abondement et à l'accès au fonds des pertes et dommages.
Sceller un nouvel objectif financier (NCQG)
Un « nouvel objectif collectif quantifié (NCQG) », débutant en 2025, devrait être convenu pour aller au-delà de l'objectif actuel de mobilisation de 100 milliards de dollars par an. Également connu sous le nom d'objectif de financement de la lutte contre le changement climatique après 2025, cet objectif devrait être au centre des discussions à Bonn, étant donné qu'une décision finale est attendue d'ici la COP 29 et que l'OCDE vient de publier son rapport annuel sur le financement de la lutte contre le changement climatique : celui-ci indique que 115 milliards de dollars ont été fournis et mobilisés en 2022 ; c'est la première fois que ce quantum annuel est atteint, deux ans plus tard que prévu, et les détails montrent plusieurs signaux encourageants (augmentation du financement public, augmentation encore plus importante du financement privé, changement de tendances dans le financement de l'adaptation) et des ouvertures pour améliorer encore le financement en tant que catalyseur des transformations alignées sur Paris, par exemple, en ce qui concerne la distribution géographique et sectorielle et la diversité des sources d'approvisionnement. Après neuf dialogues d'experts techniques sur le NCQG à l'actif des négociateurs, plusieurs divergences subsistent entre les pays, notamment en ce qui concerne le quantum, la base des contributeurs, l'accès (objectifs et modalités) et le calendrier de révision de l'objectif établi. Alors que les détails ont une grande importance, l'essence d'un accord réussi réside dans sa capacité à construire la confiance nécessaire pour que le financement afflue vers les pays en développement afin de bâtir de nouveaux modèles de développement sans énergies fossiles, résilients face aux impacts du changement climatique et favorables à la biodiversité, qui sont alignés sur l’objectif de ne pas dépasser 1,5°C de hausse de la température à l’échelle de la planète. Cet effort n'est toutefois pas l'apanage du NCQG. Il doit provenir d'un ensemble complet contenant l'alignement des flux financiers sur l'Accord de Paris, une coopération internationale renforcée pour éliminer les obstacles rencontrés par les pays en développement pour mettre en œuvre leurs ambitions, ainsi que des plans de transition crédibles qui abordent les principales transformations et les investissements nécessaires. Le défi consiste à construire ces paquets sans limiter l'ambition par rapport à la discussion de ses composantes individuelles.
Il est temps de s'atteler aux NDC
La mise en œuvre de l'accord de Paris doit se concentrer sur l'élaboration de nouvelles CDN en 2024 et début 2025, en tant qu'instrument essentiel pour ancrer les résultats du Bilan mondial (GST) et jeter les bases de l'action au cours de cette décennie décisive. L'élaboration des CDN se déroule dans des contextes nationaux et géopolitiques complexes. Bonn offre donc une occasion opportune de donner de l'élan et de susciter des attentes, notamment pour consolider et promouvoir une interprétation du résultat du GST qui place le monde sur une trajectoire de 1,5°C. Cette interprétation devrait aller au-delà d'une simple analyse « descendante », impliquer activement les décideurs politiques et favoriser la confiance entre les parties. Elle devrait permettre une compréhension commune des implications des accords conclus lors de la COP 28 et de la manière dont ils se traduisent maintenant par une action au niveau national pour assurer leur mise en œuvre. Cette approche est cruciale pour garantir la mise en œuvre effective de l'Accord de Paris et nécessite un travail à la fois sur l'élaboration des CDN et sur le renforcement de la coopération internationale. Cette traduction du GST dans les CDN sera l’un des éléments clés des discussions à Bonn. Cela prendra diverses formes, notamment des ateliers pour partager les connaissances et les bonnes pratiques pour la préparation et la mise en œuvre des CDN, des événements spéciaux, et une grande partie des discussions générées par les événements parallèles et les discussions de couloir dirigées par les non-Parties. Le Dialogue annuel sur le Bilan mondial (6-7 juin) contribuera également à cet ordre du jour, en plus de fournir des perspectives sur les leçons tirées du premier GST et d'identifier les domaines permettant de renforcer le processus pour le 2e GST.
D'autres processus de la Convention des Nations unies sur le climat (CCNUCC) sont en place pour guider les pays dans le suivi et la mise en œuvre des résultats du premier GST et d'autres décisions de la COP 28 concernent l'adaptation, les pertes et dommages, l'atténuation, le financement et la transition juste. Le Dialogue mondial du Programme de travail sur l'atténuation (MWP en anglais) a organisé un événement sur les obstacles structurels à l'investissement dans l'atténuation au tout début de la semaine de coordination intragroupe (27-29 mai). En ce qui concerne l'adaptation, Bonn devrait parvenir à un accord sur les modalités du programme de travail EAU-Belém sur les indicateurs permettant de mesurer les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs d'adaptation. Le programme de travail sur la transition juste (JTWP en anglais) commencera son travail effectif en convenant des activités à mener avant la COP 29 pour soutenir l'incorporation des transitions justes dans les CDN, les plans nationaux d'adaptation et les stratégies de long terme. L'initiative "Roadmap to Mission 1.5°C"1 de la troïka des présidences de la COP, mandatée lors de la COP 28 pour être achevée d'ici la COP 30, devrait être l'un des principaux processus permettant de discuter de l'élaboration des CDN et de la coopération internationale dans la perspective de la COP 30. Vraisemblablement, Bonn créera l'espace nécessaire pour façonner sa conception, même si c'est en grande partie de manière informelle, en dehors de l’agenda des négociations. Enfin, le Secrétariat de la CCNUCC et les acteurs non étatiques présenteront de nouvelles orientations sur les CDN, y compris une plateforme développée conjointement avec le Partenariat NDC pour centraliser les outils, les pratiques et les communautés disponibles pour soutenir l'élaboration des CDN conformément aux objectifs de l'Accord de Paris. Dans ce contexte, un guide sur la façon d'aligner les CDN et les stratégies de long terme avec l’objectif 1,5°C, développé par le réseau DDP hébergé par l'Iddri en collaboration avec la 2050 Pathways Platform, sera lancé.
Accélérer sur la question des pertes et dommages
Après la première réunion du conseil d'administration du fonds pour les pertes et dommages, Bonn accueillera les 6 et 7 juin le troisième (et dernier) « dialogue de Glasgow » sur les dispositions financières, au cours duquel l'opérationnalisation de ce fonds fera l'objet de nouvelles négociations. La réunion du conseil d'administration du fonds a principalement porté sur sa mise en place et une décision a été prise pour accélérer la sélection de son pays hôte, une étape nécessaire pour établir une base juridique plus solide. Les pays candidats sont la Barbade, Antigua-et-Barbuda, les Bahamas et les Philippines, la décision devant être prise en juillet. Lors de la réunion du conseil d'administration, la Banque mondiale a cherché à rassurer sur le fait qu'elle pourrait être un bon hôte (administrateur) pour le nouveau fonds. Cependant, plusieurs acteurs et experts restent réticents face au manque d'expérience de la Banque en matière d'« accès direct » pour les bénéficiaires vulnérables. Les négociations de Bonn devraient aborder ces questions, ainsi que la manière de répondre à la demande croissante de soutien pour aider les pays et les communautés vulnérables à se remettre des effets inévitables du changement climatique.
- 1 Voir le Document de propositions de l’Iddri sur la Mission 1.5 : https://www.iddri.org/fr/publications-et-evenements/propositions/mission-15-renforcer-la-cooperation-internationale-pour