La définition d'un nouvel objectif collectif quantifié (NCQG) pour le financement du climat sera la principale priorité de la 29e Conférence des Parties à la CCNUCC, qui se tiendra à Bakou (Azerbaïdjan, du 11 au 22 novembre). Mais le suivi du Bilan mondial sur l'atténuation et l'adaptation au changement climatique, ainsi que le mécanisme de transparence et les crédits carbone internationaux (article 6), nécessiteront également l'attention des Parties, afin de préparer le terrain pour une COP 30 réussie à Belém (Brésil).

Après des mois et souvent des années de travail technique, les questions cruciales qui doivent être portées au niveau politique se reflètent dans la nomination de paires ministérielles et de haut niveau par la présidence azerbaïdjanaise de la COP 29 dirigée par Mukhtar Babayev. Il s'agit notamment du NCQG pour le financement climatique, de l'article 6, de l'adaptation, de l'atténuation et de la transparence. Nous nous concentrons ici sur les deux premiers points, tandis que deux autres billets de blog se concentrent sur :

  • les enjeux de l'ambition et de la transparence (y compris la soumission prochaine des rapports biennaux de transparence d'ici fin 2024, les contributions déterminées au niveau national bien avant la COP 30, ainsi que la Mission 1.5 de la troïka qui constitue la feuille de route vers l'ambition) ; 
  • les enjeux de l'adaptation (y compris l'engagement de doubler son financement d'ici 2025, le Programme de travail EAU-Belém sur les indicateurs, et l'élaboration de communications sur l'adaptation).

Les questions clés liées au nouvel objectif collectif quantifié (NCQG)

Dans le cadre de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), la solidarité internationale et l'ambition climatique vont de pair. En 2009, les pays développés se sont engagés à « fournir et mobiliser » la somme emblématique de 100 milliards de dollars par an d'ici à 2020. Selon l'OCDE, cet objectif a été atteint et dépassé en 2022, mais le retard de deux ans a contribué à l'érosion de la confiance collective, certains pays et observateurs critiquant le manque d’accessibilité à ses financements, ainsi que leur qualité. Dans le cadre de l'Accord de Paris sur le climat1 , les pays doivent se mettre d'accord avant 2025 sur un nouvel objectif collectif quantifié ; après dix dialogues d'experts menés au cours des deux dernières années2 , les pays devront s'accorder sur une décision finale.

Les pays sont divisés sur deux questions clés : quelle somme sera versée et par quels pays ? Premièrement, le chiffre lui-même pourrait inclure le financement international, mais aussi les flux privés, la mobilisation des ressources nationales ou de nouvelles sources « innovantes ». Un accord sur un chiffre élevé pour toutes ces sources risque d'avoir moins de poids politique pour la mise en œuvre et la redevabilité des acteurs. Deuxièmement, compte tenu de la crise sans précédent de la dette publique, la capacité des économies de l'OCDE à augmenter largement l'aide bilatérale est incertaine ; ce contexte accroît la pression en faveur de l'élargissement de la base des contributeurs.

La structure du NCQG 

Si la plupart des experts s'accordent à dire que l'objectif inclura, comme c'était le cas pour les 100 milliards de dollars, la mise à disposition de financements publics pour le climat aux pays en développement et la mobilisation de financements privés (soit sous la forme d'un chiffre unique, soit sous la forme de deux chiffres distincts), leurs positions divergent sur plusieurs autres points. L'objectif doit-il inclure des sources privées, philanthropiques et nationales en plus du financement public international ? Doit-il comporter des sous-objectifs par domaine thématique (par exemple, atténuation, adaptation, pertes et dommages) ? Doit-il se référer au total des flux d'investissement vers les pays en développement ou aux flux d'investissement globaux pour l'action climatique dans tous les pays ?

L'une ou l'autre de ces questions pourrait être éludée ou traitée par l’intermédiaire d’un objectif qualitatif ou un chiffre, ce qui signifie que le champ d'application de l'inévitable chiffre clé reste largement ouvert. Le juste milieu devra être trouvé entre une ambition déclarée qui sollicite les capacités des contributeurs mais qui semble contraignante pour leurs budgets domestiques, et les besoins importants et croissants des pays en développement. En bref : un chiffre astronomique couvrant toutes les sources est susceptible d'être rejeté à la fois par les pays développés (qui ne voudront pas être tenus pour responsables de flux sur lesquels ils ont peu de contrôle) et par les pays en développement (qui voudront concentrer la pression sur les flux internationaux).

Mais la question du champ d'application du NCQG est également liée à la question de l'alignement de tous les flux financiers sur les objectifs à long terme de l'Accord de Paris en matière d'atténuation et d'adaptation (article 2.1c), et aux appels lancés depuis la COP 27 en faveur de la réforme des institutions financières, qui sont formellement hors de portée de la CCNUCC. De la même façon que les données de l'Agence internationale de l’énergie concernant les étapes collectives de la transition énergétique à l'horizon 2030 ont soutenu l'élaboration des objectifs d'atténuation du Bilan mondial, le groupe de haut niveau sur le financement de la lutte contre le changement climatique mandaté par les présidences de la COP 27 et de la COP 28 pourrait fournir des orientations : son rapport appelle à multiplier par quatre les investissements dans les marchés émergents et les pays en développement en dehors de la Chine, et fournit des recommandations quantifiées pour augmenter les ressources publiques nationales, celles du secteur privé, des banques multilatérales de développement ainsi que les financements à des conditions préférentielles.

La base de contributeurs du NCQG

Qui est responsable du financement de la lutte contre le changement climatique aujourd'hui ? Les pays développés ont assumé la responsabilité de l'objectif de 100 milliards de dollars dans l'accord de Copenhague ; en l'absence de définition officielle, l'OCDE suit les flux provenant de 39 pays, dont les membres de l'OCDE en 1992 (annexe II de la convention-cadre), ainsi que des autres États membres de l'Union européenne, le Liechtenstein et Monaco. Mais ce groupe fait valoir que la capacité de paiement des pays (revenu par habitant) et leur responsabilité dans le changement climatique (émissions territoriales cumulées) ont évolué, et que l'objectif devrait être de renforcer « l'encouragement » fait aux pays en développement en ayant la capacité de contribuer également (cf. l'Accord de Paris, art. 9.2).

La question de savoir si et comment saisir cet « élargissement » est principalement une question politique – la base des contributeurs au financement climatique sur le terrain est déjà, de fait, plus étendue, mais largement sous-déclarée. Par exemple : certains nouveaux membres de l'OCDE3 comme la Corée du Sud ou même des non-membres comme le Qatar fournissent volontairement des financements climatiques supplémentaires en plus de leurs contributions aux banques multilatérales de développement ; les Émirats arabes unis ont fait l'une des contributions uniques les plus importantes au fonds des pertes et dommages lors de la COP 28 ; et la Chine contribue déjà de manière significative dans le cadre de la coopération Sud-Sud, ce qui en fait le 6e fournisseur de financement climatique en 2017 selon le think tank britannique ODI.

Au-delà des tentatives de définir des contributeurs plausibles (ODI, CGDEV, WRI), tels que Singapour, Israël, la plupart des pays du Golfe ou la Chine selon les hypothèses retenues, ou de qualifier ces tentatives de distraction (CSE), beaucoup (par exemple Carbon Brief, Nature, ODI) soulignent également le retard des États-Unis (et dans une moindre mesure du Canada et de l'Australie) dans la contribution à l'effort collectif à ce jour, au regard de leurs capacités.

Marchés carbone : bientôt la résolution ?

L'article 6 de l'Accord de Paris vise à créer de nouveaux marchés carbone par le biais d'accords bilatéraux entre pays (art. 6.2) ou d'un système centralisé ouvert à tous les acheteurs (art. 6.4). L'article 6 est la seule partie du « règlement » (Rulebook) de l’Accord de Paris qui n'a pu faire l'objet d'un accord lors de la COP 24 en décembre 2018. Une orientation a été convenue trois ans plus tard lors de la COP 26 à Glasgow, qui a par exemple permis à une partie des crédits émis dans le cadre du prédécesseur de l'article 6 (le Mécanisme de développement propre) d'être reportée dans le cadre du nouveau système, ou de garantir que les litiges relatifs aux projets de compensation carbone seraient soumis à une procédure de règlement des griefs indépendante. Une avancée majeure pour l'intégrité environnementale a également été l'obligation de procéder à des « ajustements correspondants » pour tous les crédits carbone autorisés, qu'ils soient utilisés pour atteindre les CDN des pays ou pour « d'autres objectifs internationaux d'atténuation », tels que le système de compensation de l'aviation CORSIA de l’Organisation de l'aviation civile internationale, garantissant ainsi que la même réduction n'est pas créditée deux fois à l'acheteur et au vendeur.

Après avoir échoué à adopter les règles finales manquantes pendant plusieurs années consécutives, l'Organe de surveillance nouvellement créé pour l'art. 6.4 a adopté un ensemble de mesures à présenter aux Parties comme une option « à prendre ou à laisser », quelques jours seulement avant la COP 29, afin d'éviter des négociations détaillées ligne par ligne à Bakou. Il s'agit notamment de mesures de sauvegarde imposant aux futurs promoteurs de projets d'identifier et de traiter les incidences négatives potentielles sur l'environnement et la société (connues sous le nom d'Outil de développement durable), ainsi que d'une norme pour l'élaboration de méthodologies de crédit carbone et d'une autre concernant les activités d'élimination du carbone. Le décor semble planté pour le développement de crédits carbone très ambitieux, à moins que les pays ne veuillent rouvrir la boîte de Pandore à Bakou. Enfin, pour que les « approches coopératives » tiennent leur promesse de fournir des financements là où ils sont le plus nécessaires, il semble également important de soutenir la capacité des pays en développement à accueillir des projets de grande qualité et à structurer leur offre. Il faut noter que dans le cadre du Mécanisme de développement propre, un très petit groupe de pays disposant d'une capacité institutionnelle relativement plus importante attirait la grande majorité des investissements dans les crédits carbone.