La COP 29 représente un tournant important avant la COP 30, qui elle-même sera une étape cruciale marquant les dix ans de l’Accord de Paris sur le climat. Elle doit répondre à des enjeux fondamentaux, en particulier le nouvel objectif collectif quantifié sur le financement climatique, et définir une nouvelle approche de l’action climatique. Le Bilan mondial de la COP 28 a été le fruit d’efforts considérables, il doit désormais se traduire par des actions tant au niveau national qu’international. Les attentes concernant les contributions déterminées au niveau national et les mesures d’adaptation doivent être clarifiées, et les pays du G20 ont une responsabilité particulière dans la mise en œuvre collective de ces mesures.

Pourquoi la COP 29 est importante

La COP 29 est une COP charnière, pas seulement un point de passage sur la route de Belém fin 2025, où l’Accord de Paris fêtera son 10e anniversaire. Elle doit assumer la responsabilité des enjeux liés aux différents points à l’ordre du jour des négociations, en particulier le nouvel objectif de financement climatique (NCQG en anglais), et se doit également, conformément au nom qui lui a été choisi, la « COP de la trêve », d’intégrer les questions climatiques aux agendas de la sécurité et de la paix. De plus, étant de nouveau accueillie par un pays qui dépend fortement des exportations de pétrole et de gaz, la COP 29 oblige à mener les discussions nécessaires sur le suivi de l'accord historique obtenu à Dubaï en 2023 de transition vers l'abandon des combustibles fossiles, tout en permettant d'aborder les perspectives d'approvisionnement de manière juste, ordonnée et équitable.

Tel est le cadre incontournable de la COP 29, et ses résultats devraient également refléter la réalité, à savoir : les crises du climat et de la biodiversité ; des années de turbulences et de volatilité significative de la production économique mondiale, notamment les récentes hausses des taux d’intérêt par les principales banques centrales et l’escalade des conflits ayant des répercussions internationales ; l’objectif mondial d’éradication de l’extrême pauvreté qui s’éloigne de plus en plus, avec plus de 8 % de la population mondiale dans cette situation fin 2022 ; la résurgence des niveaux de famine et l’augmentation des inégalités entre les pays1 . Il est donc essentiel d'établir de nouveaux repères en matière d'ambition.

Quelle ambition doit être visée ?

L’ambition de la COP 29 consiste essentiellement à obtenir un accord solide sur le NCQG. Les délégations devront à juste titre concentrer leur attention sur ce point, qui deviendra un élément déterminant de l'héritage de la COP 29. 

Cependant, les nouvelles contributions déterminées au niveau national (CDN) étant officiellement attendues pour février 2025, la COP 29 joue aussi un rôle important dans le cycle du mécanisme d’ambition d’atténuation de l’Accord de Paris, ce qui implique de soutenir la prise en compte efficace des résultats difficilement acquis du Bilan mondial dans les nouvelles CDN et une coopération internationale renforcée. Il s’agit également de relier l’objectif collectif d’atténuation aux moyens de mise en œuvre, notamment le NCQG, et de créer une compréhension partagée et une dynamique concernant les attentes en matière de CDN. La COP 29 pourrait ainsi dans ce cadre appeler les pays du G20 à prendre leurs responsabilités compte tenu de leurs capacités respectives et collectives, en leur permettant de se positionner politiquement sur les prochaines CDN, en prenant le leadership sur la feuille de route de la COP 30 face au décalage attendu entre l’ambition mondiale inscrite dans les nouvelles CDN et l’action à court terme requise pour s’aligner sur les objectifs de 1,5°C, y compris pour la transition vers l’abandon des combustibles fossiles. Les pays du G20 sont extrêmement divers, mais ils représentent ensemble plus de 75 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Leur action conditionne non seulement l’atténuation au niveau mondial, mais aussi la capacité de la plupart des pays en développement à atteindre les objectifs de développement durable. 

L’ambition climatique, c’est aussi l'intégration de l’équité et de la justice. Il ne fait aucun doute que les pays industrialisés du G20 doivent prendre l’initiative et que chaque pays doit trouver sa propre voie pour atteindre l’objectif de neutralité carbone, auquel la plupart d’entre eux se sont déjà engagés. Il y a quelques jours, la réunion ministérielle du G20 sur les transitions énergétiques a adopté des principes communs pour des transitions justes et inclusives, et de nombreux efforts sont déployés dans chacun de ces pays pour trouver une trajectoire résiliente sur le plan politique. Aucun effort ne doit être ménagé pour planifier et exiger des niveaux d’ambition plus élevés, car cela est essentiel pour avancer dans la réalisation des engagements globaux. Il est également impératif d'élargir les principes de transition juste en mettant l'accent sur l’anticipation et l'atténuation des externalités négatives pour les pays tiers, liées aux effets structurels et distributifs de l’accélération des transitions vertes (Iddri, 2024).

Pour les CDN, un niveau d’ambition plus élevé prend diverses formes, souvent résumées par le terme « bonne CDN » Premièrement, l’ambition ne peut plus être dissociée de la mise en œuvre ; l’ambition requise doit déclencher l’action transformatrice nécessaire à court terme. Une « bonne CDN » est, essentiellement, un engagement qui met en adéquation les transformations structurelles à long terme que le pays doit entreprendre pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris avec les actions à court terme qui peuvent mener de manière réaliste à ces objectifs. Les praticiens experts reconnaissent la difficulté de cette tâche d’alignement et encouragent les pays à la considérer comme un processus, qui peut généralement s’inscrire dans le cadre de l’élaboration d’une stratégie à long terme de développement à faibles émissions (LT-LEDT). Au-delà des objectifs de réduction des émissions, les CDN pourraient suivre l’évolution des émissions absolues par habitant au niveau sectoriel afin d’illustrer cette cohérence, tout en mettant en évidence les domaines dans lesquels les émissions persistent, ce qui donnerait au monde une image plus claire des défis qui restent à relever. L’ambition, c’est aussi la capacité de formuler clairement les conditions nécessaires pour respecter à la fois les engagements et les aspirations ; les CDN pourraient donc mettre en évidence les domaines dans lesquels une coopération internationale devrait être mise en place pour renforcer l’ambition. Enfin, l’ambition englobe les efforts d’adaptation, qui offrent aux pays du G20 l’occasion d’établir des normes élevées.

Quels sont les leviers disponibles sur le tableau de bord de l'ambition de la COP 29 ?

L’Accord de Paris met à disposition des outils pour garantir une ambition progressive. La COP 29 pourrait voir certains des premiers rapports biennaux de transparence (RBT), qui doivent être présentés par toutes les Parties d’ici le 31 décembre 2024. Conformément au Cadre de transparence renforcée (article 13 de l’Accord de Paris), les RBT exigent des Parties qu’elles soumettent tous les deux ans des informations sur les inventaires nationaux, les progrès accomplis dans la mise en œuvre de leurs CDN, leurs politiques et mesures, les impacts du changement climatique et l’adaptation, mais aussi les niveaux de soutien financier, de développement et de transfert de technologies, ainsi que de renforcement des capacités. La transparence est essentielle à la redevabilité, et les informations nationales contenues dans les RBT seront déterminantes pour évaluer l’état d’avancement global, identifier les blocages et saisir les opportunités d’atteindre les objectifs convenus, et serviront d’éléments clés pour le prochain Bilan mondial. 

Deuxièmement, les résultats du premier Bilan mondial de la COP 28 (le « Consensus des Émirats arabes unis ») offrent des indications claires pour une action transformatrice, que les Parties sont invitées à intégrer de façon ambitieuse dans leurs CDN améliorées, et pour renforcer les efforts de coopération internationale (par exemple, la Mission 1.5 de la Troïka). La COP 29, notamment par l’intermédiaire de la Troïka, doit se faire l’écho de ces accords et attirer l’attention sur les mécanismes susceptibles de contribuer à la mise en œuvre de ces engagements, y compris la définition des rôles et des responsabilités dans l’écosystème international qui peut les rendre possibles. 

L’élaboration des RBT et la discussion au niveau des pays sur la contribution des CDN aux signaux collectifs du Bilan mondial sont essentielles pour renforcer les capacités nécessaires permettant de passer rapidement à l’action, parallèlement à des processus transparents et inclusifs dirigés par les pays dans le cadre des CDN, des plans nationaux d’adaptation (PNA) et des stratégies de long terme (LT-LEDS).

Quelle devrait être la stratégie de sortie de la COP 29 ?

Les pays, et en particulier les membres du G20, devraient quitter Bakou en s’engageant à intégrer ce nouveau niveau d’ambition dans leurs CDN, LT-LEDS et PNA. Les tendances en matière de production et de consommation de combustibles fossiles devraient être clairement énoncées, ainsi que d’autres éléments qui répondent aux signaux clés du Bilan mondial, notamment les efforts visant à mettre fin à la déforestation et à la dégradation des écosystèmes naturels d’ici à 2030, afin de conserver les puits de carbone naturels à haute intégrité et de protéger la biodiversité. Des analyses scientifiques récentes des trajectoires nationales montrent comment ces transitions peuvent être réalisées tout en atteignant les objectifs socio-économiques.

Au niveau international, pour concrétiser cette ambition, il faudra s’attacher à créer les conditions politiques permettant aux flux financiers d'atteindre les secteurs où ils sont le plus nécessaires, tant pour l’atténuation que pour l’adaptation, ce qui est codifié dans l’article 2.1c de l’Accord de Paris. Il s’agit d’une conversation qui va au-delà du nouvel objectif de financement climatique (le NCQG) pour aborder les règles plus générales qui façonnent les marchés, les technologies ou les modes de vie. Cette discussion, qui relie les négociations internationales sur le climat aux acteurs du « monde réel » et aborde l’intersection des politiques nationales et des relations internationales, doit apporter la preuve de progrès concrets d’ici à la COP 30.

La demande faite aux plus grands émetteurs de prendre le leadership d’une action d’atténuation ambitieuse s’accompagne de la responsabilité d’éviter les effets socio-économiques négatifs sur les pays tiers et d’« ajuster » leur future dépendance à l’égard de l’élimination du dioxyde de carbone (EDC) à des niveaux durables et réalisables (Deprez et al., 2024), alors que les plans actuels prévoient 1 milliard d’hectares de terres pour l’EDC d’ici 2060 dans tous les pays, ce qui équivaut à deux tiers des terres arables du monde. En substance, ne pas inciter les pays du G20 à faire preuve d’une plus grande ambition condamnerait les pays en développement à un retard de développement durable et à des risques climatiques plus importants (notamment des coûts d’adaptation plus élevés et des pertes et dommages plus importants).

En conclusion, la COP 29 est une étape clé de la feuille de route vers l’ambition qui marquera la fin d’un cycle à la COP 30. Bakou doit répondre au point de l’ordre du jour mandaté concernant le NCQG et servir de moment clé pour définir les attentes des Parties afin qu’elles mettent de bonnes CDN sur la table. Si la COP de Bakou ne peut garantir des CDN suffisamment ambitieuses avant la COP 30, elle mettra en évidence les éléments manquants requis pour soutenir la mise en œuvre et accélérer l’action climatique au-delà des engagements internationaux actuels. La COP 30 doit se préparer à s’appuyer sur des CDN insuffisantes et les grands émetteurs doivent être prêts à réviser leurs CDN sans délai. La feuille de route pour la COP 30 devra aborder les conditions politiques et économiques nécessaires pour que les pays accélèrent collectivement les efforts d’atténuation et d’adaptation, en accordant une attention particulière à l’alignement des flux financiers et au renforcement de la coopération internationale.