L’année 2025 sera celle de la célébration des 10 ans de l’Accord de Paris sur le climat. Le temps du bilan sera aussi celui d’une nécessaire nouvelle étape pour réussir l’accélération à la fois de la réponse aux besoins de financements et de l’action climatique. Mais ces besoins d’innovation et de remise à jour dépassent la seule sphère climatique. Constatant l’état délétère du multilatéralisme et les attaques contre un ordre mondial basé sur les règles, il est temps de franchir une étape notable d’efficacité et de justice dans l’ensemble des systèmes de gouvernance internationale du développement durable. L’Iddri est présent sur plusieurs de ces fronts d’innovation : changement climatique, biodiversité, océan, réforme de l’architecture financière internationale ou renouvellement des partenariats Nord-Sud. Cet atout lui permet de nourrir ses interventions dans chacun des champs en s’inspirant des obstacles et des solutions expérimentées dans d’autres. Face aux défis transversaux qui entravent la coopération internationale, ce billet de blog présente les pistes clés ouvrant des opportunités et les acteurs clés à mobiliser.
Les questions de développement durable ne s’arrêtent évidemment pas aux frontières et il y a donc un enjeu particulier à dépasser l’ancrage national des administrations et des politiques pour gérer les problématiques transfrontalières afférentes. Or, si la question de la gouvernance internationale n’est pas nouvelle, elle revêt aujourd’hui une importance particulière dans un contexte marqué par un climat géopolitique défavorable à la coopération, des discours dominants favorisant les solutions nationalistes, la concurrence et l’autonomie stratégique (Iddri, 2025), des critiques fortes sur le caractère insuffisamment inclusif du multilatéralisme (Iddri, 2025) et des négociations internationales qui font face à de nombreux défis (Iddri, 2025).
Ce contexte, qui a profondément évolué au cours des dernières années (Iddri, 2025), invite à repenser les mécanismes de la gouvernance internationale pour mieux en préparer l’avenir, et ce d’autant plus que nous abordons une année emblématique pour le développement durable, marquée par les 10 ans de l’Accord de Paris et des Objectifs de développement durable (ODD). Quelle voie pour un discours engagé et positif sur la gouvernance internationale ? C’est le défi que se donne l’Iddri pour les années à venir et que cette newsletter centrée sur la gouvernance internationale propose de lancer.
Les 10 ans qui ont changé la face du multilatéralisme pour le développement durable
Si l'année 2015 n'a pas été sans tensions, comme le montre notre publication (Iddri, 2025), elle a été sans aucun doute une année dynamique pour le multilatéralisme. Des progrès significatifs ont été réalisés avec l'adoption du Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophe, de l’Agenda de l’action d'Addis-Abeba sur le financement, des Objectifs de développement durable et de l'Accord de Paris sur le climat. On a vu un nouvel élan diplomatique après le creux des négociations sur le climat à Copenhague en 2009 grâce à un cycle politique et du leadership favorable. On peut citer comme exemple les engagements climatiques pris par les États-Unis et la Chine lors d'une réunion du G2 – situation difficilement envisageable aujourd’hui. Mais le succès de la signature de ces accords historiques est aussi basé sur leur design et les innovations qui leurs sont propres, notamment : le caractère universel et une théorie de changement horizontal capable de diffuser des signaux d’action bien au-delà des États signataires. L’Étude publiée ce jour (Iddri, 2025) analyse ces innovations et leur résonance dans le contexte actuel.
On entend beaucoup dire que les accords de 2015 n’existeraient pas s’ils devaient être adoptés aujourd’hui. Les crises et les guerres se sont enchaînées depuis lors et leur gestion à géométrie variable a mis les institutions multilatérales à rude épreuve. Les rivalités systémiques entre grandes puissances sont devenues structurelles dans un ordre mondial de plus en plus multipolaire et polycentrique. Et l’impact de la nouvelle mandature du président Trump, qui semble prôner un programme encore plus nationaliste et anti-durabilité, sur ce contexte est encore incertain. Malgré les retards dans la mise en œuvre, force est de constater que pour l’instant, les accords de 2015 ont survécu politiquement à cette tempête. Mais, dans un contexte où l'anticipation est devenue plus difficile, la question du rôle de la gouvernance internationale du développement durable et du climat se pose. Elle pourrait se cantonner à une coopération purement technique, évitant les sujets qui divisent ; ou évoluer vers une coquille vide, symbolique mais sans adhésion ni avancées réelles de ses parties prenantes. Les régimes relatifs au climat et au développement durable pourraient également être instrumentalisés avec la montée d’une logique transactionnelle des relations internationales ; c’est déjà en partie le cas.
L’approche universelle qui assure une participation de tous les pays en échange de flexibilité était une innovation importante de l’Accord de Paris. Pour le bien du consensus, elle laissait de côté les questions de responsabilité et de répartition des coûts, qui se posent aujourd'hui avec encore plus d'acuité. Alors que les conflits distributifs, notamment inhérents au changement climatique, s’intensifient, les conditions pour des formes de coopération multilatérale différenciées en termes de responsabilité et redistributives au sens de justice entre pays semblent encore moins réunies qu’avant la COP 21. Et les espaces où ces questions légitimes peuvent se résoudre ne sont pas clairement identifiés.
L’Accord de Paris et les ODD ont créé des objectifs et des concepts aisément appropriables par l’ensemble des acteurs, y compris économiques. Le concept « net zéro » est notamment devenu un point de référence pour de nombreuses entreprises et organisations au-delà de la sphère climat, même si on assiste à un certain retour en arrière notamment aux États-Unis à la suite à l’élection du Président Trump. Ce succès entraîne toutefois de nouveaux défis, tels que la nécessité de traduire les concepts en signaux de transformation plus précis au niveau sectoriel ou en termes de redevabilité vis-à-vis des engagements. Les débats actuels sur la nécessité de mieux aligner les institutions financières internationales sur les objectifs en matière de climat et de durabilité représentent des progrès significatifs, mais mettent également en évidence ce qu'il reste à accomplir.
Cinq leviers d’action pour renouveler la gouvernance internationale
Dans ce contexte, l’Iddri identifie cinq domaines spécifiques qui apparaissent comme des leviers clés pour contribuer au renforcement de la gouvernance internationale du développement durable.
- Décrypter les forces en présence et renouveler les coalitions en soutien au développement durable
2024 s’est clôt sur une année électorale sans précédent (Iddri, 2024). À sa suite, 2025 s’annonce comme une année d’installation politique avec une possible recomposition des dynamiques internationales. Et alors que les questions environnementales n’ont trouvé que peu de place lors des différents scrutins, leurs résultats auront un impact indéniable sur l’engagement des pays en matière de développement durable. Les pouvoirs nouvellement mis en place ou (re)confirmés, souvent avec une majorité parlementaire moins affirmée, devront possiblement trouver de nouveaux équilibres, ce qui ouvre de nouvelles opportunités, mais peut aussi poser des risques de revirement dans des domaines pris pour acquis. Dans un contexte où les tensions géopolitiques ont tendance à s’exacerber et en anticipation d’une année d’échéances internationales importantes dans le domaine du développement durable, l’Iddri s’attachera à analyser les forces en présence, les projets politiques concurrents pour des formes de gouvernance renouvelées ou alternatives et ceux qui visent à les fragiliser, et à mettre en lumière des voies possibles de coopération.
2. Diagnostiquer et déployer les innovations de gouvernance internationale, notamment au-delà de leur domaine initial
Le nombre et la diversité des instruments internationaux adoptés au cours des dernières années dans le domaine du développement durable (Accord de Paris sur le climat, Agenda 2030, traité haute mer) imposent un décryptage de leur contenu et une appréciation, même préliminaire, de leurs résultats dans un contexte de résistance croissante vis-à-vis des questions environnementales. La question de la pertinence et des leçons apprises se pose par exemple sur l’Accord de Paris (notamment son approche ascendante) et ses instruments associés (programmes de travail, COP, Bilan mondial, contributions déterminées au niveau national, etc.), dont le dixième anniversaire ne va pas manquer de générer décryptages et jugements plus ou moins étayés et qui a déjà commencé à inspirer les discussions internationales dans d’autres domaines, telles que la biodiversité (Iddri, 2024). En raison de son rôle dans la préparation et le développement de l’Accord de Paris, l’Iddri analysera les acquis et les échecs de cet accord au vu des attentes exprimées lors de son adoption en 2015, dans le cadre d’un diagnostic et de recommandations pour l’après-Belém (COP 30), nourrira les discussions dans les arènes de la biodiversité (Iddri, 2025) et, plus largement, sur le fonctionnement du multilatéralisme.
3. Promouvoir une meilleure orchestration des fora et initiatives internationales
Les enjeux de développement durable traversent les domaines et communautés politiques. Leur portage est complexe dans un système international siloté qui reproduit les domaines de compétences des ministères nationaux sans en posséder les mécanismes de coordination interministérielle. La question de l’orchestration internationale dans un contexte où il n’y a pas de hiérarchie entre organisations internationales et entre conventions revêt donc une importance critique au moment où les objectifs globaux (notamment de réduction des émissions de gaz à effet de serre) ont infusé largement dans le système multilatéral, que ce soit au sein d’organisations sectorielles techniques ou d’organisations plus horizontales et exposées comme l’Organisation mondiale du commerce ou la Banque mondiale ; et ceci sans mécanismes de suivi et force de rappel ou d’identification des manques pour s’assurer que les efforts vont dans la même direction. Cela constitue aussi un enjeu majeur de cohérence des politiques et des directions données aux acteurs économiques. S’appuyant sur sa couverture large des enjeux de développement durable, l’Iddri s’attèlera à analyser la diffusion et l’intégration des objectifs environnementaux (notamment ceux de l’Accord de Paris) dans les fora internationaux et auprès des acteurs économiques variés, à éclairer les discussions sur la performance d’outils de coordination en partenariat avec d’autres, notamment l’OCDE.
4. Soutenir la mise en œuvre des règles internationales via le suivi, l’évaluation et les mécanismes de redevabilité
À l’échelle nationale comme internationale, ces dernières années ont été marquées par un développement significatif du droit international (dur ou mou) et des législations nationales dans le domaine environnemental. La mise en œuvre de ces règles reste aujourd’hui un enjeu majeur, dans un contexte de faiblesse des organisations internationales pour assurer la mise en conformité et dans un climat international marqué par une réticence des Etats à renforcer les mécanismes de contrainte internationaux. La non-application du droit entrave les changements transformationnels nécessaires. Elle menace également la crédibilité d’institutions qui peuvent être perçues comme inefficaces et non respectées et peut être source de frictions entre juridictions et d’iniquité des règles du jeu sur les marchés. Dans ce contexte, les outils de suivi et d’évaluation, ainsi que des principes de base pour évaluer la multiplicité d’initiatives notamment privées qui ont vu le jour dans le domaine du développement durable, constituent des mécanismes alternatifs de nature à renforcer la force des décisions internationales via la transparence et la redevabilité sur les efforts de mise en œuvre et à distinguer les acteurs qui appliquent le droit, voire sont plus ambitieux, de ceux qui ne l’appliquent pas.
5. Reconnecter le financement international aux enjeux planétaires
Les problématiques de financement international du développement durable ont pris une ampleur particulière et transversale au vu des enjeux financiers en présence, des contraintes macroéconomiques sur la mobilisation des ressources domestiques et des flux financiers internationaux (notamment pour les pays les moins avancés) et de la concurrence accrue entre les usages (climat, biodiversité, etc.). Dans ce contexte, se posent des questions liées à la réforme de la gouvernance des institutions financières internationales afin de mieux faire entendre la voix des pays récipiendaires, de reconsidérer l’allocation des financements en lien avec les besoins des pays, de repenser le multilatéralisme autour de nouvelles sources de financement telles que la fiscalité internationale et de la maitrise de la fragmentation des fonds multilatéraux.
Sur ces questions, l’Iddri aura à cœur de renforcer ses partenariats et de forger de nouvelles alliances pour soutenir un multilatéralisme efficace. Car la coopération internationale reste l’horizon indépassable du développement durable, c’est-à-dire d’un environnement propice à la prospérité sociale et à l’environnement des affaires ; ce qui ne veut pas dire qu’elle ne doive pas être revue, revisitée, rééquilibrée, et réinvestie différemment. L’Iddri s’en est fait une mission clé.