Premier programme mondial de coopération pour relancer les négociations climatiques des Nations unies

Un rapport remis aux Nations unies, présenté aujourd’hui à Paris, montre comment les pays grands émetteurs pourraient réduire drastiquement leurs émissions de carbone d’ici à la moitié du siècle et ainsi éviter les impacts dangereux du changement climatique. Ce rapport, réalisé conjointement par des instituts de recherche renommés de 15 pays, est issu du premier programme de coopération internationale visant à identifier des trajectoires vers une économie bas carbone à l’horizon 2050 : le Deep Decarbonization Pathways Project (DDPP). Le rapport intermédiaire a été présenté le 8 juillet au secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon à New York, et sera présenté aujourd’hui au gouvernement français, hôte de la 21e conférence de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) en 2015. Ce rapport vient soutenir le sommet climat des Nations unies du 23 septembre 2014. Une version complète et finale du rapport DDPP sera présentée au printemps prochain.

Selon Ban Ki-moon, « le rapport DDPP vise à montrer comment les pays peuvent contribuer à atteindre l’objectif, pris au niveau international, de limiter l’augmentation de la température mondiale en-dessous de 2°C. Une action ambitieuse au niveau national est nécessaire pour éviter un changement climatique dangereux. Ce rapport montre ce qui est possible ».

Il est le fruit de la collaboration d’équipes de 15 pays, impliquant une trentaine d’institutions scientifiques en Afrique du Sud, en Allemagne, en Australie, au Brésil, au Canada, en Chine, en Corée du Sud, aux États-Unis, en France, en Inde, en Indonésie, au Japon, au Mexique, au Royaume-Uni et en Russie. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) et le World Business Council on Sustainable Development (WBCSD) ont également apporté leur expertise à ce projet. Ces institutions ont été réunies sous l’égide du Sustainable Development Solutions Network (SDSN), une initiative du Earth Institute pour les Nations unies de l’Université Columbia (New York), et de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), institut de recherche sur les politiques à but non lucratif basé à Paris.

Le monde s'est engagé à limiter le réchauffement à moins de 2°C, mais il ne s'est pas engagé sur les moyens pratiques pour atteindre cet objectif. Ce rapport concerne avant tous ces aspects pratiques. Le succès sera difficile – la transformation nécessaire est énorme –, mais il est réalisable, et nécessaire pour maintenir un monde sûr pour nous et pour les générations futures. Un message clé est d'investir dans le développement des technologies à faibles émissions de carbone qui peuvent faire la différence

Jeffrey Sachs, directeur du SDSN et du Earth Institute de l'Université Columbia

 

Malgré l'engagement international de maintenir le réchauffement en-dessous de 2 degrés, le monde se trouve actuellement sur une trajectoire d’augmentation de 4 degrés ou plus. Selon le rapport 2014 du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), une telle hausse présenterait des risques qui pourraient dépasser la capacité d'adaptation des sociétés, notamment des mauvaises récoltes, l'élévation drastique du niveau de la mer, la migration des maladies et les extinctions des écosystèmes. Certains climatologues de premier plan, dont James Hansen, longtemps directeur de la NASA, climatologue et actuellement professeur à l'Université Columbia, soulignent qu’une élévation de 2°C provoquerait déjà de grands dangers, et que nous devrions viser moins de 2°C. Mais rester dans la limite de 2°C est essentiel pour maintenir le changement climatique dans la limite des risques gérables.

La question est de convaincre le monde que l'avenir est aussi important que le présent. Paris 2015 pourrait bien être notre dernier espoir.

Fatih Birol, économiste en chef de l’Agence internationale de l’énergie

 

Les 15 trajectoires nationales montrent toutes l’importance de trois leviers fondamentaux pour une décarbonation ambitieuse des systèmes énergétiques :

  1. une amélioration considérable de l’efficacité énergétique et des économies d’énergie dans tous les secteurs d’utilisation finale de l’énergie (bâtiments, transports et industrie) ;
  2. la décarbonation de l’électricité, qui peut être atteinte grâce à l’exploitation de sources d’énergie renouvelables telles que l’énergie éolienne et solaire, ainsi que l’énergie nucléaire, et/ou la capture et la séquestration des émissions de carbone provenant de l’utilisation de combustibles fossiles ;
  3. le remplacement des combustibles fossiles utilisés dans les transports, le chauffage et les procédés industriels par un mélange d’électricité à faible intensité carbonique, de biocarburants durables et d’hydrogène. Les résultats montrent que les pays disposent de plusieurs options pour parvenir à une décarbonation ambitieuse, à partir de potentiels différents et suivant des stratégies qui leur sont propres. Mais ces trois piliers constituent la plateforme commune permettant de construire une décarbonation profonde des systèmes énergétiques dans tous les pays.

Surtout, les résultats préliminaires et le processus même du DDPP révèlent l’intérêt de la préparation de trajectoires nationales de décarbonation profondes de long terme.

Ces trajectoires, ainsi que l’analyse de leurs résultats et des hypothèses émises, constituent un outil essentiel pour l’apprentissage et la résolution de problèmes. Elles sont nécessaires pour dégager des perspectives de décarbonation ambitieuses à long terme et pour forger les anticipations des pays, des entreprises et des investisseurs en matière d’opportunités de développement socio-économique

Henri Waisman, coordinateur du projet DDPP à l’Iddri

J'ai espoir que ce rapport intermédiaire et le rapport complet qui sera publié au printemps prochain contribuent utilement au débat dans sa forme et son contenu, en stimulant la conception de trajectoires nationales de décarbonation profonde et leur comparaison internationale, et en encourageant la coopération mondiale nécessaire à leur réalisation

Laurence Tubiana, fondatrice de l’Iddri, désormais représentante spéciale du gouvernement français pour la conférence sur le climat 2015