Dans un contexte politique défavorable et dans un timing final déplorable, la COP 29 s'est achevée à l’issue de deux semaines de négociations tendues sur le financement qui ont bloqué les progrès en matière d'atténuation et d'adaptation. Le principal résultat – le nouvel objectif collectif quantifié (NCQG) – est un compromis qui maintient les discussions multilatérales à flot, mais qui nécessite de faire la preuve de son efficacité pour garantir le succès de la COP 30. Au-delà des chiffres, les pays développés doivent démontrer que l'objectif de 300 milliards de dollars peut bénéficier à ceux qui en ont le plus besoin et mobiliser des ressources nationales. Globalement, la COP 29 a mis en évidence les lacunes des pays du G20 en matière de leadership climatique, l'impact des tensions mondiales et la nature transactionnelle des discussions multilatérales. Elle a également remis en évidence le fait que des aspects essentiels de l'agenda climatique, tels que la réforme de l'architecture financière, doivent progresser dans d'autres forums.
Mauvais timing, géopolitique défavorable : un mauvais accord vaut-il mieux que pas d'accord ?
Les tensions géopolitiques ont pesé lourdement sur les discussions à Bakou et au G20 brésilien. Dans les deux enceintes, les résultats des élections américaines ont occupé le devant de la scène, avec la menace que le nouveau président se retire non seulement une fois encore de l'Accord de Paris sur le climat, mais aussi de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), avec un possible effet de contagion.
À Bakou, un signal fort était attendu du sommet du G20 permettant de débloquer les discussions sur l'objectif du NCQG ; ce signal n'a été que partiel.
Le communiqué du G20, qui soutient un NCQG ambitieux, constitue le point culminant d'une année de travail, dans le prolongement de plusieurs présidences axées sur la réforme de l'architecture financière internationale, qui a conduit à des progrès dans le mode opératoire des banques multilatérales de développement (BMD) et à la consolidation des fonds multilatéraux (Iddri, 2024). En complément de la promotion de plans de transition systémiques au niveau national, la réforme du système financier international est un élément essentiel de la finance climat, afin de garantir l'accessibilité et la qualité du financement, tant du point de vue de l'offre que de celui de la demande.
Toutefois, le G20 n'a pas réussi à faire preuve de leadership en matière de réduction des émissions (auxquelles il contribue pourtant à hauteur de plus de 76 % des émissions globales), trois mois avant la date limite officielle (février 2025) de soumission des nouvelles contributions déterminées au niveau national (CDN). En parallèle, l'annonce unilatérale faite par le président Biden au nom du G20 de reconstituer les ressources de l'Association internationale de développement (IDA), le bras concessionnel de la Banque mondiale, a mis le doigt sur le manque probable de coordination entre les membres du G20, en particulier avec la Chine, afin de faire preuve d'une ambition collective pour soutenir les pays en développement.
Dans ce contexte géopolitique défavorable et ce manque de leadership, l’accord trouvé à Bakou a permis de sauver les négociations multilatérales sur le climat. Toutefois, les événements de ces deux semaines ont mis en évidence la nécessité de réfléchir à l'orientation que devrait prendre la CCNUCC dans les années à venir, alors que nous sommes entrés dans une phase de politique de mise en œuvre. Même si le NCQG est loin d'être stabilisé – de nombreux détails restent à régler –, il était important de parvenir à un accord afin d'ouvrir la voie à une discussion sur un changement de braquet à Belém l'année prochaine (Iddri, 2024).
Un résultat contesté mais nécessaire en matière de financement
La décision de la COP 29 sur le financement implique un objectif d'au moins 300 milliards de dollars par an d'ici 2035, provenant de sources variées (fonds publics, capitaux privés, sources de financement alternatives et innovantes), les pays développés devant prendre le leadership. Outre les dispositions relatives à la transparence et à la révision, la décision reconnaît l'importance d'augmenter ce montant pour contribuer de manière significative aux besoins de financement des pays en développement, en appelant tous les acteurs à permettre au moins 1 300 milliards de dollars par an d'ici à 2035. Elle établit également des liens avec la réforme en cours de l'architecture financière internationale, appelant notamment les actionnaires des banques multilatérales de développement (BMD) « à continuer de faire progresser les efforts visant à promouvoir un programme d'évolution pour des banques multilatérales de développement plus grandes, meilleures et plus efficaces ».
L'accord est un compromis insatisfaisant : les pays en développement sont déçus par le quantum, très insuffisant par rapport à leurs besoins, tandis que les pays développés n'ont pas obtenu l'élargissement explicite de la base des contributeurs qu'ils attendaient, mais seulement des références aux contributions volontaires. Ce qui préoccupe tous les pays, c'est que le champ d'application est large et peu clair. De nombreux pays en développement, en particulier les pays les moins avancés, les petits États insulaires en développement et les nations africaines, ont soulevé la question de la qualité du financement, qui influe sur l'accès, le coût et l'endettement. Pour d'autres, l'accent mis sur des sources alternatives telles que la fiscalité a suscité le mécontentement, car il a déplacé la charge de la responsabilité de fournir les moyens de mise en œuvre des pays développés vers les pays en développement.
Il est essentiel d'augmenter les financements disponibles et cette tâche sera centrale à Belém et au-delà. À cet égard, un processus a été mis en place – la « feuille de route de Bakou à Belém pour 1 300 milliards» –, qui sera dirigé par les présidences de l'Azerbaïdjan et du Brésil. En tant qu'espace politique, la feuille de route vers la Mission 1.5 (Iddri, 2024), dirigée par la troïka (Émirats arabes unies, Azerbaïdjan, Brésil), peut également identifier et rechercher des solutions aux problèmes d'économie politique que pose la transition vers un développement à faibles émissions de carbone et résilient au changement climatique, afin que les financements atterrissent là où ils sont nécessaires. Au final, la discussion sur le financement à court terme devra intégrer l'objectif d'alignement de tous les flux financiers dans le cadre de l'Accord de Paris.
Après 9 ans de discussions, la discussion sur les marchés carbone a finalement été réglée. La COP 29 a adopté le mécanisme permettant l'échange de crédits carbone (Internationally Transferred Mitigation Outcomes, ITMOs) entre les gouvernements (Art 6.2) et l'opérationnalisation du marché du carbone entre les développeurs de projets (Art 6.4). Ce dernier remplace le Mécanisme de développement propre et a trouvé un compromis grâce au paquet « à prendre ou à laisser » élaboré par l'organe technique chargé de superviser les approches de marché dans le cadre de l'Accord de Paris. Les préoccupations relatives à l'intégrité environnementale de ces crédits devront être prises en compte dans les travaux détaillés sur les normes et les sauvegardes qui suivront cette décision.
Les reliquats de la COP 29 : atténuation, adaptation et transition juste
L'agenda financier a freiné les progrès sur d'autres dossiers critiques, y compris la manière de mettre en œuvre et de rendre compte des progrès sur les résultats du Bilan mondial (Iddri, 2023) qui n'a pas connu d'avancée à Bakou. En outre, l'Objectif mondial d'adaptation nécessite des travaux supplémentaires pour rationaliser les orientations et les indicateurs.
Malgré l'absence de langage spécifique sur les mesures d'atténuation, la COP 29 ne signale pas encore un échec sur le plan de l'ambition. C'est dans les prochaines CDN que l'ambition doit se refléter. La transition vers l'abandon des combustibles fossiles doit maintenant être clairement codifiée dans les engagements et les politiques des pays, en particulier par les principaux consommateurs et émetteurs. Cependant, on peut regretter que Bakou n'ait pu relever la barre des attentes concernant les CDN des principaux pays émetteurs. Le Brésil et les Émirats arabes unis ont pris les devants en présentant leur CDN (et le Royaume-Uni en annonçant son objectif global), avec peu d'analyses et de discussions. L'occasion a également été manquée d'établir un lien plus étroit entre le climat et la biodiversité, dans le sillage de la COP 16 à Cali (Iddri, 2024).
Bien qu’il n’y ait pas eu d'accord sur cette question, les discussions de la COP 29 ont abouti à quelques progrès dans la compréhension de la transition juste, en reconnaissant la nécessité d'intégrer des considérations d'équité dans les actions et les engagements nationaux, ainsi que la nécessité d'anticiper et d'atténuer les externalités négatives pour les pays tiers des impacts structurels et distributifs profonds de l'accélération des transitions vertes. Il s'agit là de discussions difficiles à mener isolément dans le cadre de la CCNUCC. D'autres forums commencent à s'en saisir, notamment l'Organisation mondiale du commerce et le G20. Pour établir des ponts entre institutions, une table ronde sur le commerce et le climat a été proposée, mais n'a pas fait l'objet d'une décision finale. Des travaux supplémentaires sont nécessaires d'ici 2025 pour définir des principes et des mécanismes spécifiques destinés à guider une action juste et équitable. Une plus grande ambition politique est nécessaire, et l'idée du Brésil d'un Bilan mondial « éthique » lors de la COP 30 vise à créer une dynamique en ce sens.
Des progrès marginaux ont été accomplis en matière d'indicateurs et d'orientations pour l'action transformationnelle dans le domaine de l'adaptation. Aucun objectif spécifique n'a été adopté dans le cadre du NCQG, ni aucun indicateur lié aux moyens de mise en œuvre pour l'évaluation de l'Objectif mondial d'adaptation. Par conséquent, une discussion sur le financement de l'adaptation est susceptible de devenir une priorité politique pour les pays les plus vulnérables, regrettant l'échec d'un accord sur une proposition originale visant à doubler « l'objectif de doublement » pour le financement de l'adaptation.
Tous les chemins mènent à Belém, et au-delà, mais certains prennent trop de temps
Les attentes à l'égard de la COP 29 étaient limitées et, de fait, elle a fourni le minimum. Reste à savoir si cela suffira à déclencher une dynamique positive dans l'économie réelle dans le contexte géopolitique défavorable actuel.
Les premiers rapports biennaux de transparence (BTRs en anglais) sont attendus pour la fin de l'année 2024. La transparence est au cœur de l'Accord de climat, en ce qu’elle permet de rétablir la confiance et d'identifier des espaces de solution grâce à une meilleure compréhension des progrès et des obstacles actuels. À ce jour, 26 pays, pour la plupart développés, ont soumis leur premier BTR. Une décision a été prise à Bakou, qui reconnaît la nécessité d'apporter un soutien supplémentaire aux pays en développement dans la mise en œuvre du cadre de transparence renforcé.
De plus, au cours de l'année à venir, les politiques industrielles qui sous-tendent la décarbonation risquent d'aggraver les relations commerciales et de laisser les pays les plus petits et les moins développés sur le bord de la route. La CCNUCC n'est pas le seul forum où des mesures doivent être prises : le G20 et les organisations internationales sectorielles ont également un rôle à jouer. L'Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI), par exemple, a annoncé en marge des négociations un engagement de 1,4 milliard de dollars avec le Royaume-Uni, l'Allemagne et le Fonds d'investissement climatique pour l'assistance internationale à la décarbonation industrielle, et le lancement d'actions prioritaires dans le domaine de l'acier pour conduire une action coordonnée sur les normes, la demande, la R&D, le commerce et le financement.
Toutes ces activités clés deviendront des éléments constitutifs de la préparation de la COP 30, qui pourrait être un sommet de changement, en recentrant les efforts au sein de la CCNUCC pour respecter les obligations et les promesses faites jusqu'à présent, et surtout, pour déclencher de manière optimale des actions et mobiliser les financements nécessaires, y compris avec une coordination renforcée entre le processus de la COP et l'écosystème de la coopération internationale et les agendas économiques et de développement.