La 16e Conférence des parties (COP 16) à la Convention sur la diversité biologique (CDB) sera l'occasion de débattre de la mise en œuvre de l'accord de Kunming-Montréal, et notamment de sa cible 3 visant à conserver 30 % des terres et des mers de la planète d’ici à 2030. À ce jour, seuls 8 % de l'Océan mondial sont couverts par des aires marines protégées (AMP). La communauté internationale est donc confrontée à un défi de taille pour atteindre cette cible en six ans. De récentes publications de l'Iddri plaident pour que les États incluent la haute mer dans cet effort et examinent les conditions de succès.
Si elles sont conçues et gérées conformément aux normes internationalement reconnues et aux meilleures connaissances scientifiques disponibles, les AMP constituent les outils les plus efficaces pour protéger les écosystèmes et les espèces, reconstituer la vie marine, accroître la résilience au changement climatique, améliorer les services rendus par les écosystèmes et soutenir le développement économique. En 2023, les États ont adopté l'accord international sur la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité marine dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale (BBNJ). Ce traité établit un mécanisme pour la création d'AMP en haute mer (HSMPAs en anglais)1 , qui manquait jusqu'à présent et qui facilitera la mise en œuvre de l'accord Kunming-Montréal.
Depuis cette adoption, une dynamique mondiale s'est mise en place pour atteindre les 60 ratifications nécessaires à l'entrée en vigueur du traité. Parallèlement, certains États et d'autres parties prenantes anticipent les enjeux de mise en œuvre du traité et préparent des propositions pour les premières AMP en haute mer. Plusieurs initiatives sont en cours dans diverses régions marines et il est essentiel de les renforcer et de les étendre, en particulier dans trois directions spécifiques : (i) l'identification de sites candidats ; (ii) le lancement du processus de collaboration et de consultation prévu à l'article 19(2) du traité BBNJ ; et (iii) l'anticipation des défis liés à la mise en œuvre des futures AMP. Sur ce dernier point, l'Iddri a récemment exploré deux éléments critiques pour assurer une gestion efficace des futures HSMPAs.
Technologies innovantes : une partie de la solution, mais pas une solution miracle
Une première Étude explore le suivi, le contrôle et la surveillance (MCS en anglais) des activités humaines, une condition essentielle pour éviter les « parcs de papier » et un défi particulier en haute mer, compte tenu de l’éloignement de ces zones. À cet égard, la communauté internationale devrait exploiter le potentiel des technologies émergentes telles que l'imagerie satellitaire, la télédétection et les analyses basées sur l'IA (intelligence artificielle) afin d'améliorer l'efficacité et l'efficience des activités de MCS. Ces outils technologiques, fournis par des entreprises et des organisations à but non lucratif, peuvent apporter une valeur ajoutée significative à la mise en œuvre des plans de gestion des futures HSMPAs, en optimisant l'allocation des ressources et en fournissant des informations en temps quasi réel sur les activités illégales présumées.
Toutefois, la technologie seule ne suffira pas. Des mesures politiques et techniques de soutien – telles que le renforcement des capacités, la coopération pour les patrouilles maritimes, le renforcement des contrôles de l'État du port, la réforme des systèmes judiciaires nationaux et le partage des informations – seront essentielles pour rendre la technologie opérationnelle et assurer la gestion efficace des futures HSMPAs.
L'évaluation des coûts des futures AMP en haute mer, une condition essentielle pour garantir un financement durable à long terme
Une autre condition essentielle à la réussite des futures HSMPAs est d'assurer leur financement durable à long terme. Cela soulève inévitablement la question de l'évaluation de leurs coûts futurs. Il s'agit d'une question complexe pour les États, compte tenu de l'expérience limitée des HSMPAs et du fait que les enseignements tirés de l'abondante littérature sur les coûts des AMP côtières ne sont pas entièrement applicables à la haute mer. Dans ce contexte, un Décryptage de l'IDDRI fournit une première approche méthodologique pour l'examen des coûts de gestion des futures HSMPAs. Il met en évidence les différents facteurs qui peuvent influencer – à la hausse ou à la baisse – les coûts de gestion et leur répartition, et montre qu'il existe des possibilités de gérer, de réduire et de partager les coûts. Ce papier démontre également que ces coûts dépendront largement des choix faits par les États concernant le modèle de gouvernance (i.e. gouvernance coopérative, centralisée ou décentralisée), les objectifs de conservation et le zonage des futures HSMPAs – les AMP strictement protégées étant généralement moins coûteuses à gérer que les AMP multi-usages.
La COP 16 de la CDB devrait sans aucun doute remettre l'objectif 30x30, et le rôle de la haute mer dans les efforts pour l'atteindre, au cœur des discussions internationales. Les récentes analyses de l'Iddri soulignent que, parallèlement aux efforts de ratification en cours, les États doivent dès à présent se pencher sur les conditions nécessaires à la mise en œuvre des futures HSMPAs, en accordant une attention particulière aux besoins en matière de MCS et à l'évaluation des coûts. Il s'agit là de questions essentielles à prendre en compte lors des discussions informelles qui ne manqueront pas d’avoir lieu entre les États champions et la société civile à Cali.
- 1 Pour faciliter la lecture, ce billet de blog utilise le terme « AMP en haute mer » pour désigner ces zones, qui peuvent être établies à la fois en haute mer, c'est-à-dire dans la colonne d'eau au-delà des zones économiques exclusives, et sur les fonds marins au-delà des plateaux continentaux des États côtiers, officiellement connus sous le nom de « Zone ».