Exercice inédit, la Convention citoyenne pour le climat a débuté il y a maintenant un mois. S’il est trop tôt pour en dresser le bilan, le déroulement des deux premières sessions permet de constater deux tendances significatives. D’une part, la forte implication des citoyens tirés au sort, qui expriment leur volonté de relever le défi et d’aboutir à des propositions. D’autre part, la mise à disposition inédite de ressources en libre accès à la fois sur la compréhension des enjeux et sur les solutions pour répondre à l’enjeu climatique. Deux conditions nécessaires, mais non suffisantes, à la réussite de la convention.
Entre-t-on dans un nouvel âge de la politique ? La question sera certainement posée et reposée dans les semaines à venir par les spécialistes de la démocratie. Pourtant, si le tirage au sort des citoyens dans le cadre de la Convention citoyenne pour le climat vise aussi à répondre à la crise de confiance dans les institutions démocratiques, la participation des citoyens à la définition des politiques de transition n’est pas une idée nouvelle, comme en témoignent, entres autres, les activités de la Commission nationale du débat public en France, mais également l’organisation en Irlande en 2016 d’une convention citoyenne sur des sujets tels que les règles de la représentation démocratique ou le droit à l’avortement.
Ce qui distingue cette convention, c’est bien l’ampleur du sujet qu’elle couvre et le fait inédit qu’on lui demande de faire des propositions d’ordre réglementaire et législatif visant, selon les termes de la lettre de mission envoyée par la Premier ministre, à « réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40 % d'ici à 2030, dans un esprit de justice sociale ». Les éléments clés qui permettront d’en évaluer le succès en termes de renouveau de la démocratie (participative) relèvent à la fois de la forme (quel processus démocratique et participatif aura été mis en place) et du fond (quelles propositions auront été formulées en faveur de la lutte contre le changement climatique).
Les deux premières sessions de la Convention citoyenne pour le climat (4-6 et 25-27 octobre) ont montré deux signaux positifs. D’une part, le fort engagement d’un week-end à l’autre et les interventions des citoyens, n’hésitant pas à questionner la parole des experts, mais aussi l’organisation de la convention (confiée au Conseil économique, social et environnemental), témoignent d’une volonté d’appropriation et d’indépendance de bonne augure et nécessaire à la crédibilité de l’exercice. D’autre part, les citoyens ont manifesté leur inquiétude quant à la publicité jugée trop faible dont bénéficient leurs travaux auprès du grand public – certains contribuent eux-mêmes à les faire connaître –, relais « hors les murs » de la convention qu’ils estiment pourtant indispensable à la légitimité et à la force de leurs propositions à venir. Les nombreuses vidéos et documents en libre accès sur le site de la convention devraient à ce titre aider à nourrir le débat sur la politique climatique tout en renforçant la crédibilité du processus.
Lors du deuxième week-end qui s’est achevé le 27 octobre, la convention est entrée dans la phase cruciale de ses travaux au cours de laquelle elle se confronte aux enjeux et aux arbitrages difficiles qu’implique la transition écologique dans le cadre des groupes thématiques (se loger, se nourrir, se déplacer, consommer, produire et travailler). Les écueils de cette phase sont nombreux pour ne pas aboutir à une synthèse molle ou superficielle des propositions qui en sortiront. Pour dégager des voies praticables pour la transition écologique en France, il sera nécessaire que la convention puisse trancher rapidement, avec la contribution des intervenants, les controverses soulevées. Déjà, les citoyens font part de leurs premiers doutes quant au temps qui est accordé pour leurs travaux : 18 jours seront-ils suffisants ?
À l’heure où le Royaume-Uni lance également une convention citoyenne sur le sujet du changement climatique, l’expérience française trouvera une résonance au-delà de nos frontières et les raisons de ses succès ou échecs ne manqueront pas d’être analysées. Appropriation du processus par les citoyens et écho de leurs travaux au sein du grand public sont bien deux conditions nécessaires au succès de cette convention. Il faudra en outre continuer d’en garantir l’indépendance et lui permettre de faire les choix difficiles dans le cadre de la transition écologique, dans le temps qui lui est imparti. Un exercice délicat, mais que l’enthousiasme et l’implication des citoyens rendent possible, d’autant que l’ouverture à tous d’une plateforme de contribution offre une complémentarité et une visibilité supplémentaire aux travaux de la convention.