La COP22 a inévitablement été éclipsée par le choc de l’élection de Donald Trump. Si les négociateurs ont assez bien réussi à se cantonner à leur tâche consistant à élaborer les décisions techniques nécessaires à la mise en œuvre de l’Accord de Paris, les couloirs se sont fait l’écho d’une seule et même conversation. L’une des questions les plus fréquemment posées a été : quelle va être la réaction de la Chine ? Le pays va-t-il revoir ses ambitions à la baisse ? Va-t-il combler le vide diplomatique laissé par l’administration sortante d’Obama ? Quelles pressions la Chine pourrait-elle exercer sur l’administration Trump ?
Tout d’abord, l’ensemble des interlocuteurs chinois affirment qu’une administration moins proactive à la Maison Blanche n’entraînera pas de bouleversement de la politique intérieure chinoise. Un changement profond s’est opéré depuis le sommet sur le climat de Copenhague en 2009, où la Chine était méfiante et sur la défensive vis-à-vis du programme climatique. Désormais, l’action nationale chinoise est fermement ancrée dans une vision solide de ses propres intérêts. De nombreux hauts fonctionnaires et chercheurs se sont montrés confiants quant à la capacité de la Chine à dépasser largement ses objectifs en matière d’émissions d’ici 2020 et estiment que le pays est sur la bonne voie pour atteindre ses objectifs de 2030 (des travaux récents de l’Iddri ont abouti à des conclusions similaires). Zhou Dadi, directeur émérite de l’institut de recherche publique Energy Research Institute, a affirmé avec certitude que la consommation chinoise de charbon avait atteint son pic en 2013. La production de charbon a chuté de 10 % en Chine au cours des sept premiers mois de 2016 et la demande actuelle devrait permettre une baisse supplémentaire de 3 à 4 points de pourcentage, comme l’a indiqué le think tank sur le marché de l’énergie IEEFA.
On peut donc s’attendre à ce que l’engagement de la Chine sur les questions liées au changement climatique continue à être stimulé par les déterminants nationaux que sont la pollution atmosphérique locale, la sécurité énergétique et l’enjeu considérable pour la Chine de l’énergie propre. Un ralentissement américain pourrait toutefois avoir des conséquences sur l’innovation en matière d’énergie propre, les États-Unis restant l’une des économies les plus innovantes dans le monde, notamment dans le domaine de l’énergie verte (en témoigne l’essor de Tesla). Un ralentissement de cette innovation pourrait avoir un effet négatif sur le rythme de la transition énergétique de la Chine. Mais l’orientation ne fait pas de doute.
Sur le front international, seul le temps nous dira comment réagira la Chine. Le pays a déjà signalé qu’il se positionnait pour combler le vide laissé par l’abandon très probable par l’administration Trump du partenariat transpacifique (TPP) en matière de commerce dirigé par les États-Unis. La Chine, en promouvant son propre pacte commercial, compte prendre la relève et fixer les règles dans la région Asie-Pacifique. Ce changement représente une victoire diplomatique pour un pays qui, il y a seulement quelques années, affichait une position beaucoup plus isolationniste en matière de politique étrangère.
Cette tendance pourrait-elle aussi se poursuivre sur le climat ? Déjà, le chef de la délégation chinoise aux négociations climatiques qui se sont tenues à Marrakech cette semaine, le vice-ministre des Affaires étrangères Liu Zhenminm, a pris l’initiative inhabituelle de lancer directement un appel aux États-Unis, déclarant hier : « Nous espérons que les États-Unis continueront à jouer un rôle de chef de file dans le processus de changement climatique, car les gens sont préoccupés par la répétition de l’expérience du Protocole de Kyoto... ».
En termes de politique étrangère chinoise, cela doit être replacé dans le contexte d’une longue histoire de non-intervention dans les affaires intérieures des autres pays. Le vif intérêt national de la Chine pour la politique climatique signifiera probablement que le pays restera un défenseur clé du consensus politique international inscrit dans le droit international dans le cadre de l’Accord de Paris.