Habitat III, la conférence des Nations unies sur le logement et le développement urbain durable qui s’ouvre aujourd’hui, est l’une des premières conférences internationales après les accords historiques sur le développement durable de 2015. Une occasion à ne pas manquer pour traduire les engagements annoncés en plans d’action, au niveau de mise en œuvre le plus important : celui des villes.
Développement durable et développement urbain sont en réalité intimement liés : le monde est essentiellement urbain, les villes contribuent aux changements sociaux et environnementaux mondiaux, et sont également des acteurs majeurs de changement, d’adaptation et de développement. Le cadre de Sendai précise pour sa part que les autorités locales doivent avoir les moyens réduire les risques de catastrophe. Le Programme d’action d’Addis-Abeba souligne la nécessité d’élaborer des outils de financement infranationaux. Et, outre l’adoption d’un Objectif de développement durable (ODD) dédié aux villes et aux collectivités durables (ODD 11), de nombreuses cibles d’autres ODD exigent une action forte au niveau des villes (eau et assainissement, gouvernance et partenariats multi-niveaux, emplois, santé publique, changement climatique, etc.). La voix des maires et des dirigeants de collectivités urbaines s’est bien fait entendre dans le cadre du Plan d’action de Lima-Paris pour le climat. Comme l’a affirmé le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon en 2012 : « Notre lutte pour la durabilité mondiale sera gagnée ou perdue dans les villes. » Cette vision d’un développement urbain durable est reconnue dans le Nouvel Agenda urbain, qui sera adopté lors de la Conférence Habitat III et qui repose sur les trois principes que sont l’inclusion sociale et l’éradication de la pauvreté, la prospérité et les opportunités urbaines, et le développement urbain respectueux de l’environnement et résilient, complétés d’une dimension politico-institutionnelle de l’action – à savoir des politiques urbaines multisectorielles, le renforcement de la gouvernance urbaine, l’aménagement du territoire et le financement. Mais il est maintenant temps d’agir, et Habitat III doit aller plus loin et proposer des pistes opérationnelles pour une gestion urbaine concrète. En effet, le Nouvel Agenda urbain ayant déjà fait l’objet d’un accord, la Conférence Habitat III vise également à alimenter le Plan de mise en œuvre de Quito. Cette plateforme consiste à rassembler des exemples d’actions et d’engagements concrets de développement urbain durable. Il est important d’analyser ces derniers et de capitaliser et d’évaluer leur potentiel réel en matière de durabilité. Les innovations ont en effet des impacts sociaux et politiques qui doivent être reconnus et pris en compte. Le rôle de la science et des think tanks est d’analyser cette dimension socio-politique des pratiques. Dans cette perspective, l’Iddri aborde plusieurs questions urbaines qui nous semblent présenter un intérêt particulier pour la durabilité, à travers l’analyse des changements et des pratiques, qui peuvent constituer de véritables leviers de transformation :
- Instruments de financement innovants : au-delà des investissements, les choix politiques en termes de décentralisation, de renforcement des capacités des municipalités, de partenariats avec les investisseurs locaux ou de gestion de la dette influencent l’efficacité de ces instruments pour le développement urbain durable.
- Mobilité collaborative : pour que ces alternatives contribuent au développement de moyens de transport socialement et écologiquement durables, les autorités publiques doivent jouer un rôle important pour assurer une bonne gouvernance, des arrangements fiscaux adaptés, et plus généralement l’articulation avec les systèmes de transport public.
- Services essentiels durables : un programme à long terme sur le coût réel de l’offre de services essentiels dans les villes en développement montre qu’au-delà des modèles de financement, la conduite effective des opérations, le caractère informel de l’urbanisation, ainsi que la gestion des fournisseurs de services publics et la gouvernance locale entraînent des coûts imprévus supplémentaires.
- Gouvernance ouverte et nouvelles boîtes à outils d’actions : dans un monde urbain en rapide mutation, de nouveaux outils d’aménagement et de gestion émergent, comme le crowdsourcing, grâce aux nouvelles technologies numériques, ou sont nécessaires pour prendre en compte et adapter les processus d’urbanisation informels au-delà des solutions traditionnelles d’aménagement. Pour que ces nouvelles approches impliquent réellement la participation et répondent aux besoins et aux demandes des citadins, la transparence, la responsabilité et la capacité d’adaptation des gouvernements urbains sont indispensables.
Ces différents travaux montrent que des solutions et des innovations voient effectivement le jour dans les villes, par un processus de coproduction entre les autorités locales, le secteur privé et la société civile.
En outre, la généralisation des projets et initiatives prometteurs dans les politiques publiques exige un cadre d’action complet plus large, des directives et une vision pour aider les autorités publiques. Pour l’instant, il manque encore un chaînon entre les initiatives locales et l’agenda mondial. Des programmes et cadres politiques locaux, exploitables et adoptés par les dirigeants et les gestionnaires des villes, sont nécessaires. Positionner les ODD dans, pour et avec les villes à travers des Agendas 2030 locaux pourrait constituer une piste d’action. Comme les Agendas 21 locaux, les Agendas 2030 locaux pourraient s’appuyer sur la vision et le cadre politique des programmes définis à l’échelon global pour rassembler les parties prenantes et assurer l’appropriation au niveau local. Un pas supplémentaire vers la réussite de ces Agendas 2030 locaux consiste désormais à assurer des ressources financières, institutionnelles et humaines pour leur mise en œuvre effective. Les États, qui vont négocieront le Nouvel Agenda urbain, devront mettre en place une gouvernance et des partenariats multi-niveaux appropriés et créer des environnements favorables à l’émergence, la diffusion et la capitalisation sur ces expériences.
Le succès de la conférence Habitat III ne dépend donc pas tant de l’adoption d’un Nouvel Agenda urbain consensuel et d’une vision des villes durables, mais plutôt de la mobilisation de moyens et d’acteurs ainsi que de la volonté de tester des solutions pratiques dans les villes pour un développement urbain durable.