Étape clé et premier test de la mise en œuvre de l’Agenda 2030 pour le développement durable dans les pays du Nord et du Sud, la première réunion du Forum politique de haut niveau (FPHN) des Nations unies depuis l’adoption des Objectifs de développement durable (ODD) s’est tenue du 11 au 20 juillet à New York. Avec 17 objectifs et 169 cibles, universels et indivisibles, les ODD ont été critiqués en raison de leur caractère trop large, trop englobant. Ils ont néanmoins le mérite de réunir les grands défis mondiaux de notre époque dans une perspective unique – enrayer le changement climatique, inverser la tendance à la hausse des inégalités, éliminer l’extrême pauvreté. Pour être suivis d’actions, les ODD exigent d’être intégrés aux stratégies nationales de tous les pays, au Nord comme au Sud. Un an après leur adoption, quel bilan tirer de l’état d’appropriation des ODD par les gouvernements ?
Le rôle clé des revues nationales
Le suivi de l’Agenda 2030 tel qu’il est défini dans la résolution onusienne A/RES/70/1, paragraphes 83 à 85, se décline en trois composants : le premier consiste en des revues thématiques et transversales (regroupant plusieurs ODD) ; le deuxième rassemble les revues nationales ; et le troisième est une revue statistique. Pour les deux derniers, les Nations unies parient sur le fait que les États seront sensibles à la comparaison internationale et que cette comparaison engendrera un processus vertueux de partage des connaissances et d’apprentissage. Dans cette perspective, les revues nationales sont appelées à jouer un rôle central. En juillet 2016, 22 pays se sont portés volontaires pour présenter leur rapport national de mise en œuvre des ODD, dont 7 pays développés[1] et 15 pays en développement[2].
Un haut niveau de représentation
De ces revues nationales, on retiendra les éléments suivants : le niveau de représentation des États membres était en règle général assez élevé : étaient présents des Premiers ministres, ministres des Affaires étrangères, voire cabinet du Président de la République, témoignant de la volonté de donner du poids politique aux engagements pris en septembre 2015. La représentation était rarement assurée par les ministères de l’Environnement, ce qui constitue une nouveauté par rapport au suivi des engagements pris lors du Sommet de la Terre en 1992 à Rio de Janeiro. De nombreux États se sont efforcés de structurer le suivi des ODD dans leur gouvernance via des instances de coordination au plus haut niveau (Président de la République pour le Mexique, Premier ministre pour l’Égypte, la Finlande et la Suède). C’est dire l’importance de replacer les ODD au cœur d’un champ d’action très large qui va au-delà des questions environnementales et nécessite une coordination transversale entre administrations publiques. La plupart des États sont sur le point d’intégrer les ODD dans leur planification : dans les stratégies de développement national (Colombie), les stratégies sectorielles ou thématiques (Maroc, Madagascar), voire dans le budget (Colombie). Reste à savoir dans quelle mesure ces stratégies intègrent la perspective de long terme et incluent la définition des moyens de mise œuvre – budget, politiques et programmes. L’Allemagne et le Monténégro partagent la caractéristique d’avoir décliné les ODD en mesures et sous-mesures pour l’atteinte des objectifs fixés.
Une mobilisation inégale des sociétés civiles nationales
Quelques pays ont lancé une consultation de la société civile (Allemagne, Suisse), du Parlement, voire du secteur privé (Norvège), à travers la mise en ligne de plateformes ou une participation plus structurelle (Finlande). Le défi est double : à la fois accroître la connaissance des ODD et s’assurer que ces acteurs se saisiront de l’Agenda 2030 pour en faire un levier politique. Le Women’s Major Group a constaté néanmoins que seules 10 % des revues nationales volontaires ont impliqué la société civile au moment de leur création. La mesure et la mise en débat des progrès à accomplir pour atteindre les ODD restent des préalables indispensables à la mise en place de politiques efficaces.
Afin de garantir un suivi régulier des progrès réalisés, seuls quelques gouvernements se sont engagés à des revues annuelles (Norvège) ou tous les quatre ans (Allemagne). Peu d’États ont défini les écarts entre les cibles à atteindre et la situation du pays (Finlande), en raison, sans doute, des difficultés statistiques que comporte un tel exercice – soulignées par les pays du Sud. Cette mesure et la mise en débat des progrès à accomplir restent pourtant des préalables indispensables à la mise en place de politiques efficaces. Au total, il ressort que les pays nordiques, l’Allemagne et les pays d’Amérique du Sud semblent les plus avancés dans l’appropriation nationale des ODD.
Exercice de promotion ou revue critique ?
Certains pays ont pratiqué l’auto-critique (Estonie), mais ce sont les temps donnés aux questions de la salle qui se sont révélés les plus informatifs et pertinents : les États avaient la possibilité de se questionner mutuellement, dans la limite de la bienséance diplomatique. Les agences internationales ont exposé leur vision. La société civile a pu interpeler les membres des gouvernements, soulever les forces et les faiblesses des rapports nationaux. Son niveau d’appropriation, au niveau global, semble ainsi acquis, mais il est plus faible au niveau national. Certains gouvernements ne lui laissent pas de réelle place, quand dans d’autres cas, plus rares, certaines organisations de la société civile parviennent à se saisir de l’Agenda 2030 de manière proactive (Suisse, Allemagne).
Une limite à l'auto-évaluation
Il y a néanmoins une limite à l’auto-évaluation : l’administration nationale produit le rapport, sans expertise extérieure au pays, tel que cela peut être le cas pour le suivi des engagements en matière de climat ou les revues par les pairs menés par l’OCDE. Mettre une expertise extérieure à contribution constituerait une véritable avancée et garantirait l’objectivité et la comparabilité des résultats. Autre bémol, le format des revues nationales est volontaire : des lignes directrices sont proposées, mais leur suivi est facultatif, laissant libre la place à des énumérations peu utiles de mesures déjà existantes. Pour autant, l’effort est patent. Ce n’est pas l’exercice d’autosatisfaction qu’on aurait pu craindre, en réminiscence des exercices d’autopromotion conduits dans le cadre de la défunte Commission du développement durable (CDD) – exception faite de certains pays. [1] Allemagne, Estonie, Finlande, France, Monténégro, Norvège, Suisse. [2] 3 pays d’Amérique latine (Colombie, Mexique, Venezuela), 2 pays d’Afrique du Nord (Maroc, Égypte), 4 pays d’Afrique sub-saharienne (Madagascar, Sierra Leone, Togo, Ouganda), 2 pays d’Asie occidentale et centrale (Turquie, Géorgie), 3 pays d’Asie de l’Est et du Sud-Est (Chine, République de Corée, Philippines) et 1 pays d’Océanie (Samoa).