Le Sommet ODD qui s’est tenu les 24 et 25 septembre à New York, dans le cadre de l’Assemblée générale des Nations unies, a conclu le premier cycle d’examen quadriennal des 17 Objectifs de développement durable. En termes de mise en œuvre, les résultats sont insuffisants, voire préoccupants : pour certaines thématiques, parmi lesquelles les inégalités, le changement climatique et la biodiversité, le monde est même en recul1 . Et le sommet convoqué par le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres n’a pu insuffler la dynamique nécessaire et attendue. L’Agenda 2030 reste pourtant un cadre de référence qui semble pertinent pour l’atteinte d’un développement durable qui bénéficie aussi aux plus vulnérables. Comment expliquer le retard dans la mise en œuvre ? Et quelles réponses y apporter ?
L’objectif affiché par la déclaration « Préparatifs pour une décennie d’action et de réalisations en faveur du développement durable » adoptée à l’issue du Sommet ODD est d’accélérer la mise en œuvre. C’est une bonne intention et aussi un constat d’échec.
Depuis son adoption en 2015, de plus en de plus de références sont faites à l’Agenda 2030, par les organisations internationales, les gouvernements, le secteur privé et les acteurs non étatiques dans leurs discours. Parallèlement, des expériences intéressantes existent, en particulier pour intégrer cet agenda dans les processus budgétaires nationaux (ex. Mexique, Finlande)2 . Mais les ODD ne viennent que trop rarement remettre en cause les pratiques et n’ont pas enclenché un projet transformateur. Pour que l’Agenda 2030 devienne une véritable feuille de route mondiale et pour atteindre les ODD d’ici 2030, il est nécessaire de dépasser les déclarations d’intention, de placer ce programme au cœur des débats, particulièrement lorsqu’ils sont difficiles et complexes. C’est tout l’intérêt des ODD de proposer un cadre complet et structuré pour discuter des arbitrages politiques essentiels.
Cela nécessite de redonner une colonne vertébrale à l’Agenda 2030 et de développer une vision claire de ce qui contribue ou non aux ODD. Il faut d’abord éviter que les ODD ne continuent d’être victimes d’un jeu d’interprétation trop flou dans lequel tout le monde pourrait s’intégrer sans s’interroger sur l’impact réel de ses actions sur l’ensemble de l’Agenda 2030, ce qui s’est encore illustré lors de nombreux discours prononcés lors du Sommet ODD. Contribuer à la mise en œuvre de l’Agenda 2030 ne peut consister en une prise en compte d’une ou quelques-unes de ses 169 cibles. L’Agenda 2030 doit permettre de débattre des politiques sectorielles – alimentaires, industrielles, énergétiques, mais également commerciales – et de leurs impacts sur les 17 ODD. Le Sommet ODD n’a pas non plus fait émerger un leadership politique de quelques États majeurs, au moins engagés dans une mise en œuvre ambitieuse à défaut d’être exemplaires dans ses résultats. Au-delà de l’engagement de son Secrétaire General, le système des Nations unies pourrait se positionner plus clairement pour aider les pays et les acteurs à déterminer les actions qui y contribuent, et surtout à identifier celles qui peuvent nuire à l’atteinte de l’Agenda 2030.
Celui-ci doit ainsi aider à la décision et éclairer les orientations et les arbitrages nécessaires à l’élaboration de trajectoires de développement durable au niveau des pays. Cela peut passer, comme au Guatemala par exemple, par l’identification de cibles « accélératrices » ayant un effet d’entraînement sur l’ensemble de l’agenda. Pour avoir une valeur ajoutée, l’Agenda 2030 doit inciter les acteurs à se demander si l’on peut faire autrement, et mieux, dans une optique de maximisation des impacts sur les ODD (handprint) et d’arrêt des impacts négatifs (footprint), notamment ceux sur les inégalités, la biodiversité, le climat et les déchets, quatre domaines identifiés par le Rapport global sur le développement durable comme stratégiques si l’on veut éviter des effets d’entraînement négatifs sur l’ensemble de l’agenda.
Pour soutenir une telle dynamique, le Forum politique de haut niveau (FPHN, HLPF en anglais) dont la réforme est en cours, doit devenir un espace de dialogue et d’orientation pour accompagner et développer des mécanismes visant à faciliter la gestion des frictions et conflits entre ODD ; il doit également permettre de véritables échanges entre acteurs sur les choix stratégiques. Il doit par conséquent être plus clair sur ce qui contribue ou non au projet transformateur des ODD et assurer une évaluation de l’efficacité des actions présentées en revue. Les pratiques adoptées par le Comité d’aide au développement de l’OCDE pourraient inspirer, dans le cadre des ODD, un examen par les pairs des systèmes et politiques mis en place en faveur de l’atteinte de l’Agenda 2030, afin notamment de dégager des recommandations pratiques et concrètes pour les pays et de faciliter ainsi la mise en œuvre.
Dans 3 ans, nous serons à mi-chemin de l’Agenda 2030. En 2022, un moment politique fort pourrait se construire, à l’échéance Stockholm+50, le cinquantenaire de la Conférence des Nations unies sur l’environnement, qui soulignait déjà le lien entre environnement et développement. D’ici là, il est nécessaire de créer une nouvelle dynamique par l’identification et la mise en œuvre des pratiques innovantes, afin d'entamer au plus tôt la transformation en faveur de l’atteinte de l’ensemble des ODD.
- 2Lire l’étude de l’Iddri sur le thème : https://www.iddri.org/fr/publications-et-evenements/etude/integration-des-odd-dans-les-processus-budgetaires-nationaux