Le 19 juin, le Parlement et le Conseil européens ont pris un certain nombre de décisions permettant de renforcer l’Accord de Paris sur le climat et la lutte mondiale contre le changement climatique. La publication une semaine plus tard par quatorze pays de l’UE d’une déclaration commune sur la nécessité pour l’UE de faire preuve de leadership sur le climat est un pas de plus dans la bonne direction. Mais d’autres doivent désormais suivre cette voie.
Qu’a-t-il été convenu ?
Dans le cadre des négociations dites de « trilogue » entre la Commission européenne, le Conseil européen et le Parlement européen, l’UE a adopté la version finale de trois importants textes de loi essentiels pour aider l’UE à mettre en œuvre l’Accord de Paris. Ces trois textes sont les suivants :
- une révision de sa directive sur l’efficacité énergétique ;
- une révision de sa directive sur les énergies renouvelables ;
- un nouveau règlement de gouvernance de l’Union de l’énergie européenne.
Plusieurs points importants se démarquent. Premièrement, les dirigeants de l’UE ont décidé de relever de 30 % à 32 % et 32,5 % les objectifs minimaux actuels de l’Union en matière de déploiement d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique. Étant donné qu’environ 80 % des émissions de GES de l’UE sont issues de la consommation d’énergie, cela signifie que si l’on additionne les réductions d’émissions résultant de ces mesures, l’UE cherchera à réduire ses émissions de gaz à effet de serre à hauteur de -45 % en 2030 (par rapport aux niveaux de 1990). Cela représente 5 points de pourcentage de plus que la « contribution déterminée au niveau national » (CDN) de l’UE de -40 %, présentée avant la conférence de Paris sur le climat en 2015. L’UE doit désormais appliquer officiellement cette arithmétique en prenant la décision politique de réviser sa CDN. À cette fin, 14 pays de l’UE ont publié le 25 juin une déclaration commune appelant l’UE à le faire d’ici 2020.
Deuxièmement, le trilogue a convenu d’un certain nombre de mesures spécifiques qui contribueront à mettre en œuvre ces objectifs dans l’ensemble de l’Union, notamment : l’obligation d’augmenter la part des énergies renouvelables utilisées pour le chauffage, de nouvelles règles pour promouvoir les énergies renouvelables à petite échelle, l’obligation d’augmenter la part des carburants alternatifs (qui va stimuler le développement des véhicules électriques à base d’électricité renouvelable), et l’extension des obligations annuelles d’économies d’énergie pour les fournisseurs d’énergie dans l’ensemble de l’UE.
Troisièmement, les institutions de l’UE ont également introduit des mesures importantes dans le règlement de gouvernance qui aideront à renforcer le lien entre les objectifs de long terme de l’Accord de Paris et la qualité de la mise en œuvre de la politique climatique en Europe. Par exemple, tous les États membres devront définir un plan national énergie-climat (PNEC). Cette mesure vise à garantir que la politique climatique ne soit plus déconnectée de la politique énergétique.
Le « GovReg » exigera également que chaque État membre développe non seulement des stratégies de décarbonation pour 2050, mais en tienne également compte lors de l’élaboration du PNEC à l’horizon 2030, qui sera finalisé en même temps. En outre, les États membres devront mettre à jour leurs PNEC et leurs stratégies 2050 tous les cinq ans, en suivant un calendrier légèrement en avance par rapport aux cycles de 5 ans de révision des CDN prévus dans l’Accord de Paris. Fondamentalement, cela aidera l’UE à avoir une discussion interne avec les États membres afin d’identifier des moyens de relever tous les 5 ans l’ambition au-delà de la CDN européenne actuelle.
Dernier point, mais non des moindres, l’UE a également convenu que « zéro émission nette dès que possible » était désormais l’objectif à long terme de l’atténuation climatique, plutôt qu’une réduction de 80 % d’ici 2050 comme indiqué dans sa CDN soumise avant Paris.
Qu’est-ce que cela signifie ?
Ce sont là de bonnes nouvelles pour l’UE. En alignant ses propres politiques internes avec l’Accord de Paris, il est plus facile pour l’UE de suivre le rythme des autres grandes économies, notamment la Chine, dans le domaine de l’innovation en matière d’énergie propre.
Plus important encore, en relevant son ambition pour 2030 et 2050, l’UE reste fondamentalement en concordance avec le processus et la logique d’ambition inscrits dans l’Accord de Paris. Selon Paris, les Parties sont censées revoir leur contribution à la hausse tous les cinq ans afin de se replacer progressivement sur une trajectoire d’émission permettant de maintenir l’augmentation de la température bien au-dessous de 2 °C. L’approche du premier de ces moments en 2020 offre dès à présent une excellente occasion de renforcer la dynamique de l’Accord de Paris et d’isoler les États-Unis après son retrait. Après l’élection de Trump, il était à craindre que l’élan en faveur d’une révision en 2020 soit perdu et repoussé jusqu’en 2025. Il y a six mois, la Commission européenne et les États membres restaient prudents et peu de gens s’attendaient à ce que ce processus trilogue porte ses fruits si rapidement. Toutefois, tout le monde a compris que sans leadership des pays développés, les pays en développement seraient à leur tour réticents à relever unilatéralement leur ambition.
En revanche, si l’UE peut aujourd’hui montrer aux autres grandes économies qu’elle compte inscrire ses nouvelles cibles aux horizons 2030 et 2050 dans la révision de sa CDN de 2020, elle est alors en mesure de demander aux autres d’en faire de même.
Que faut-il faire d’autre ?
Il est désormais indispensable que l’UE officialise rapidement la révision de sa CDN de 2020. D’autres économies émergentes de l’OCDE, comme la Chine et l’Inde, suivront l’exemple de l’UE et rehausseront leur ambition pour 2030 d’ici 2020. Les raisons qui ont poussé l’UE à renforcer son ambition sont identiques à celles qui pourraient motiver d’autres pays : l’énergie propre n’a jamais été moins chère, la combustion des carburants fossiles est mauvaise pour la santé et la sécurité énergétique, alors que les solutions technologiques pour aller au-delà du charbon, du pétrole et du gaz émergent plus rapidement que prévu. Même les défis sociaux et politiques tels que la transition charbon commencent à être considérés comme gérables, s’ils sont anticipés et gérés de manière proactive.
Bien sûr, la politique climatique intérieure de l’UE est encore loin d’être parfaite. Le cadre politique émergent de l’UE pour 2030 ignore encore les principaux aspects de la transition tels que la décarbonation des industries à forte intensité énergétique et de l’agriculture, ou encore la façon de résoudre les problèmes de transport transfrontalier, notamment la décarbonation du transport de marchandises. Même l’objectif de -45 % fixé par l’UE pour 2030 n’est pas strictement compatible avec l’objectif de zéro émission d’ici 2050 car, pour atteindre cet objectif, l’UE a avant tout besoin de changements structurels dans tous les principaux secteurs émetteurs – et pas seulement d’un objectif d’émissions plus ambitieux pour 2030.
L’UE devra donc de nouveau revoir son ambition au début des années 2020. La prochaine stratégie de réduction des émissions de GES pour le milieu du siècle de la Commission européenne – qui doit être publiée en novembre de cette année – devra clairement aborder ces questions. Elle devra également veiller à ce que les visions des États membres concernant la décarbonation soient correctement représentées par le biais d’un dialogue entre Bruxelles et les capitales nationales.
En attendant, les États membres doivent également en faire plus au niveau national pour mettre en œuvre les nouvelles exigences de l’UE. Étant donné que les cibles de l’UE restent insuffisantes pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, les États membres les plus ambitieux doivent aller au-delà des objectifs actuels de l’UE. Peut-être plus important encore, ils doivent continuer à améliorer leurs politiques nationales et leurs instruments de gouvernance pour réaliser les transformations profondes nécessaires pour atteindre zéro émissions nettes en 2050. Cela permettrait d’inciter les autres pays à suivre l’exemple.
Dans leur déclaration commune sur la stratégie de long terme et sur l’ambition climatique de l’UE, les quatorze États membres de l’UE1 appellent précisément à : impliquer les États membres et les parties prenantes dans l’élaboration de la stratégie climatique de long terme, réviser l’objectif actuel de réduction des émissions de GES de l'UE et concevoir des politiques sectorielles européennes au-delà du cadre énergie climat actuel de l’UE. Cet appel interne à combler les lacunes dans le cadre actuel de la politique climatique de l’UE est encourageant, mais il faut y donner suite. Certes, les États-Unis sont sur la touche au moins jusqu’en 2020 ; mais la dynamique visant à rehausser l’ambition climatique prend lentement de l’ampleur. Un groupe de 23 pays (dont 8 États membres de l’UE), sous l’impulsion des Îles Marshall, a signé la semaine dernière une « déclaration d’ambition » appelant les gouvernements à relever leur ambition climatique avant 2020. D’autres Parties peuvent et doivent maintenant suivre la voie tracée par l’UE.
- 1Belgique, Danemark, Estonie, Finlande, France, Allemagne, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Slovénie, Espagne, Suède, Royaume-Uni