Le véhicule autonome peut potentiellement transformer notre système de mobilité, essentiellement basé sur la voiture privée individuelle. Les bénéfices en termes de durabilité de ces transformations sont néanmoins incertains et dépendent en grande partie de la manière dont les politiques publiques sauront mettre cette technologie au service du développement durable.
Parmi ces virtualités de la science-fiction qui deviennent réalités, le véhicule autonome – ou sans chauffeur – agite les acteurs du transport urbain. L’époque où la Google Car était une lubie de geeks de la Silicon Valley est révolue ! Désormais, le véhicule autonome est sur tous les fronts de l’innovation : les géants du digital y voient une nouvelle frontière pour imposer leur système d’exploitation, quand les constructeurs automobiles tremblent d’être « uberisés » demain. Et les acteurs publics ne sont pas en reste dans cette course vers l’autonomie : en 2014, la France lançait le Plan « véhicule autonome » doté de 500 millions d’euros dans le cadre de sa stratégie de réindustrialisation, et le 23 mars dernier, les membres de l’Union européenne réaffirmaient leur volonté de coopérer en matière d’expérimentation liée au véhicule autonome.
Le futur du véhicule autonome peut donc être très contrasté et sera en partie déterminé par les conditions de son insertion dans le système de mobilité. Par exemple, favoriser l’autopartage de voitures privées autonomes demande de créer des incitations telles que des parkings réservés, une tarification en termes de stationnement ou de circulation. De même, les modalités de circulation des navettes autonomes et des robot-taxis – quelle taille, sur quels itinéraires/zones, à quels horaires, etc. – doivent être pensées de manière à compléter le réseau de transport en commun structurant, métro, tram et train notamment. Des efforts de mutualisation entre le transport de marchandises et le transport de personnes doivent également être envisagés. Enfin, la transition du secteur du transport doit être accompagnée par des politiques de soutien afin de favoriser la reconversion des anciens chauffeurs vers de nouveaux métiers, notamment ceux créés par l’autonomie (entretien des véhicules, gestion de flotte, services aux voyageurs, etc.).
Les politiques publiques liées au développement du véhicule autonome doivent donc s’inscrire dans une réflexion stratégique afin de mettre cette technologie au service d’une mobilité plus durable. Il s’agit d’orienter le développement de cette technologie, en termes de réglementation (faut-il par exemple n’autoriser en ville que les véhicules autonomes partagés ?), d’orientations industrielles (doit-on inciter les acteurs industriels à trouver des solutions adaptées pour la ville, mais aussi le périurbain, par exemple en dédiant des fonds spécifiques ?) et d’infrastructures (quels aménagements doit-on prévoir pour encourager certains usages du véhicule autonome par rapport à d’autres ?). La mobilité autonome permet d’envisager des transformations radicales : il s’agit de les anticiper et de les orienter.
Nous sommes à un moment charnière pour penser le futur du véhicule autonome : le 19 septembre prochain s’ouvrent les Assises nationales de la mobilité ; dans les semaines suivantes débuteront également les réflexions sur la refonte du Plan « véhicule autonome ». À cette occasion, il est crucial que le gouvernement français affirme plus clairement son ambition de mettre cette technologie au service d’une mobilité plus durable et plus inclusive. Parallèlement à la bataille industrielle entre acteurs économiques, ce sont également différentes visions de notre futur urbain qui s’offrent à nous. Orienter le développement de la technologie et son intégration dans notre société est une nécessité au vu des défis écologiques, mais également une opportunité, celle de créer un modèle original de mobilité autonome s’appuyant sur le riche écosystème français.
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