L’année 2018 connait une intense activité de négociation afin d’accélérer la mise en œuvre de l’Accord de Paris. Deux jalons importants du nouveau régime climatique devront, en effet, être finalisés lors de la COP24 qui se tiendra à Katowice en Pologne :
- la promulgation de l’ensemble des règles de mise en œuvre de l’Accord de Paris ;
- la conclusion d’un processus technique et politique visant à faire le bilan de l’action climatique mondiale, à pointer des axes d’accélération, et à appuyer les Etats afin qu’ils fassent preuve de plus d’ambition dans leur transition vers un monde sans carbone.
Nous nous intéresserons ici à cette première dimension – celle des règles – avant de revenir la semaine prochaine sur le premier exercice de bilan qui sera mené à Bonn.
Le Rulebook : un sujet politique
Quand en 2015 le monde célèbre l’obtention d’un accord sur un nouveau régime climatique international, les négociateurs sont bien conscients qu’il reste un travail conséquent à mener dans les années qui suivent : celui de traduire les grands principes arrêtés à Paris en un ensemble de règles de droit international. La communauté internationale s’est fixée jusqu’à la COP24 pour finaliser ce « rulebook ». L’échéance approchant, l’inquiétude croit rapidement car malgré les longues heures de travail et de discussion, on est encore bien loin du compte et il semble difficile de mettre de côté les différences d’interprétation pour s’accorder sur des règles communes durant les cinq semaines de négociations officielles cette année.
Ces négociations sont techniques. Elles portent sur les règles de comptabilisation des émissions et d’utilisation des marchés carbones, sur les informations précisant les contributions des pays ainsi que sur le thème de la « transparence ». Ce dernier regroupe les éléments permettant d’assurer le suivi et la revue des engagements nationaux aussi bien pour la réduction des émissions, que l’adaptation et la finance. C’est un travail d’expert qui demande du temps mais qui est loin d’être insoluble. Cependant, derrière cette dimension technique se cachent des questions éminemment politiques. La question du degré de flexibilité dont peuvent jouir les pays sur les questions de transparence, sur laquelle l’Iddri vient de publier un Décryptage en est une illustration :
Le fait de pouvoir suivre et agréger, non seulement les émissions de gaz à effet de serre de chaque pays, mais également ses politiques publiques d’atténuation comme d’adaptation, ou ses efforts financiers, est un fondement du régime climatique établi lors de la COP21 et de son équilibre politique. En effet, un cadre de transparence solide est le pendant d’engagements non-contraignants librement déterminés par chaque Etat : chacun décide de son niveau d’efforts à condition que l’on puisse collectivement suivre leur mise en œuvre. Par ailleurs, si certains pays sont réticents et craignent d’être pointés du doigt en cas de difficulté, la philosophie qui sous-tend cette architecture vise à construire la confiance : à la fois dans la réalité des actions des autres pays, mais dans notre capacité collective à mesurer et évaluer nos progrès vers un monde résilient et décarboné. Enfin, un système climatique transparent est une assurance de crédibilité : les pays soumis à un examen régulier devront assumer leurs responsabilités. C’est aussi une opportunité de démontrer le succès des efforts entrepris et des progrès enregistrés et donc d’attirer des flux de capitaux publics comme privés pour nourrir la transition bas-carbone.
Tenir les délais sera donc un défi. Il faudrait pour cela que la présidence Polonaise de la COP24 fasse preuve d’un véritable leadership, en fixant clairement ses attentes et ses objectifs, en pilotant les débats, et en proposant des solutions de compromis quand c’est nécessaire. L’inquiétude monte et la Présidence doit rassurer mais aussi mettre l’ensemble des parties prenantes face à leurs responsabilités dans la conduite des débats : « ne perdons pas le temps précieux qui nous reste ».
Manquer l’échéance de cette année marquerait un recul inquiétant sur la viabilité de l’Accord de Paris, donnerait des gages aux pays les plus réticents et conforterait ceux qui considèrent l’architecture actuelle comme inutile ou inefficace. Il est donc crucial d’avancer sensiblement dès cette session pour s’assurer que les objectifs de l’année ne deviennent pas rapidement hors d’atteinte.