Des trois grandes conférences internationales touchant au développement qui se sont tenues en 2015 – Addis-Abeba sur le financement du développement, Assemblée générale des Nations unies sur les Objectifs de développement durable, Accord de Paris sur le climat –, la première reste sans doute la plus méconnue du grand public. Le contenu du Programme d’action d’Addis-Abeba (PAAA) qui y a été adopté peut expliquer cela : le document ne contient aucune décision ni objectif. Il propose une feuille de route, qui reste à la discrétion des pays signataires et des institutions de financement concernées. L’erreur serait pourtant de le considérer comme un document faible. Il a au contraire une réelle influence sur le comportement et les anticipations de l’écosystème du « financement du développement ». Il mérite pour cette raison qu’on y revienne, avant d’en réclamer urgemment une suite.
Pour rappel, le PAAA est structuré en plusieurs chapitres qui se réfèrent chacun à un champ ou levier d’action particulier. Le premier concerne la mobilisation des ressources publiques intérieures. Viennent ensuite les ressources privées, nationales ou internationales. En troisième lieu seulement figurent la coopération pour le développement international et l’aide publique au développement (APD). L’ordre n’est pas présenté comme une hiérarchie ; pourtant, implicitement, il en instaure une. L’APD n’est pas le premier sujet dans les discussions sur le financement du développement, alors qu’elle a historiquement structuré celles-ci au gré de ses hausses et de ses effondrements.
En réalité, ces discussions foisonnent, sans scène dédiée. G20, G7, agendas biodiversité et climat, plan d’investissement extérieur de l’UE, réforme des accords de Cotonou : le financement du développement (durable) est partout. La première qualité du PAAA est de nous rappeler que ce financement implique et concerne une variété d’acteurs et de sujets qui ne se limitent pas à ceux de l’APD. Ce rappel s’accompagne d’initiatives. Ainsi du Pacte fiscal international ou de l’Addis Tax Initiative par laquelle les participants pourvoyeurs d’aide internationale s’engagent collectivement à doubler leur coopération technique en matière de fiscalité et de mobilisation des ressources nationales d’ici à 2020. L’évasion fiscale, la domiciliation des profits ou la levée de capitaux longs pour le financement d’infrastructures dans des économies vulnérables sont des sujets sur lesquels les discussions se structurent et s’organisent.
La question qui se pose aujourd’hui est celle de les faire déboucher. Le PAAA a permis à chaque acteur d’avancer selon ses priorités, dans la perspective très large d’un intérêt partagé consistant à accroître les fonds disponibles pour la durabilité. Il est temps de signaler la fin de cette première phase avant de passer à la suivante. Il faut au PAAA un nouveau sommet. Un nouveau sommet sur le financement du développement permettra de faire le bilan des actions menées dans le cadre défini à Addis-Abeba, de signaler les champions et révéler ceux qui en font moins, et de hiérarchiser les obstacles qu’il reste à surmonter.
Autant il peut paraître assez simple de peindre aux couleurs des ODD les actions menées, autant répondre de ses engagements financiers en matière de mobilisation des ressources intérieures, de lutte contre la fraude fiscale, de financement d’infrastructures résilientes au changement climatique ou de recherche dans des géographies qui l’avaient abandonnée, pour ne citer que quelques-uns des chapitres du PAAA, peut-être autrement plus compliqué.
Les ODD auront leur premier bilan à haut niveau en 2019. Le prochain grand rendez-vous sur le climat se tiendra en 2020 ; il en est de même en matière de biodiversité. Il faut en 2020 organiser un nouveau sommet sur le financement du développement international. Il prendra acte, cinq ans après Addis-Abeba, de la mobilisation effective des fonds publics et privés pour le développement (durable), et par le jeu des anticipations, accélérera celle-ci dans les prochaines années.