Le 7 décembre prochain s’ouvre la 15e Conférence des Parties (COP 15) à la Convention sur la diversité biologique (CDB), sous présidence chinoise mais organisée à Montréal pour raisons sanitaires. L’objectif attendu est l’adoption d’une feuille de route pour la décennie en cours - « le cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020 » - destinée à enrayer la perte de biodiversité en s’accordant sur un programme d’actions pour « vivre en harmonie avec la nature » à l’horizon 2050. Une vision à long terme (la Vision 2050), équivalente pour la biodiversité à la neutralité carbone dans le champ du climat, en rupture radicale par rapport aux tendances actuelles. « Opportunité de la décennie » pour certains, risque de « Copenhague de la nature » pour d’autres, la COP 15 se tient en tout cas dans un contexte international agité, marqué par un ralentissement économique mondial, une augmentation des inégalités à la suite de la crise Covid et une guerre sur le continent européen exacerbant un contexte géopolitique déjà tendu, notamment quant aux relations Nord Sud. Dans ce contexte, que faut-il attendre de la COP 15 et sous quels angles faudra-t-il évaluer ses résultats ? L’Iddri propose dans ce billet de blog  une liste de 15 points clés qui pourront permettre de juger de l’ambition et de la crédibilité des engagements pris par la communauté internationale lors de cet évènement. 

Un cadre universel, reconnaissant la diversité des situations régionales et nationales 

Le projet de cadre mondial s’appuie sur une « théorie du changement » fondée sur la nécessité d’une stratégie multi-échelles et impliquant « l'ensemble des pouvoirs publics et de la société ». D’aspiration mondiale, ses objectifs et cibles - et plus largement ses conditions de mise en œuvre - reposent toutefois sur la prise en compte de contextes spécifiques. 

1. Adopter un accord global, empreint d’ambition collective et moteur de transitions sectorielles. Le cadre mondial pour la biodiversité constituera d’abord et avant tout un engagement des États parties à la CDB pour conserver et utiliser durablement la biodiversité, terrestre et marine, mais aussi équitablement partager les bénéfices issus de son utilisation. Il comportera notamment des objectifs et cibles d’action (voir liste complète à la fin de ce billet), dont les pays seront redevables. Toutefois, cette feuille de route devra aussi réussir le pari de parler au-delà des délégations nationales et d'embarquer également les autorités infra-étatiques, les populations autochtones et les communautés locales, le secteur privé, les ONG, les bailleurs, les syndicats, etc. Ce cadre mondial définissant l’ambition collective doit pouvoir être décliné dans les actions individuelles des différents acteurs, seule garantie d’une véritable transition et de changements transformateurs. C’est sur ce point qu’avait achopé le précédent cadre, celui des objectifs d’Aichi. À cet égard, l’architecture actuelle du cadre répond à cette exigence et ne devrait donc pas être remise en cause à la COP 15. 

2. Prendre en compte des contextes et enjeux contrastés. Si une ambition mondiale est nécessaire pour agir et engager une responsabilité collective face à l'érosion de la biodiversité, la feuille de route adoptée devra néanmoins se décliner au regard des circonstances nationales. Les 196 Parties à la CDB devront ainsi contribuer à la mise en œuvre du cadre post-2020 en tenant compte des spécificités liées à leurs biomes et à leurs écosystèmes, aux menaces les plus pressantes pesant sur leurs territoires, mais également au regard de leurs moyens et ressources. C’est là un principe clé de la CDB qui devra être réaffirmé par le cadre mondial, ce qui impose de trouver un équilibre entre des objectifs globaux et des moyens adaptés à la diversité des contextes.

Une ambition répondant aux alertes de la science sur les principaux facteurs de perte de biodiversité 

Publié en 2019 par la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), l'évaluation globale de la biodiversité et des services écosystémiques met en lumière les cinq facteurs clés de perte de biodiversité : (i) les changements d’usage des terres et de la mer ; (ii) l’exploitation directe de certains organismes; (iii) le changement climatique; (iv) la pollution ; et (v) les espèces exotiques envahissantes. Le cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020 devra donc contenir des objectifs ambitieux sur l’ensemble de ces facteurs, au risque de ne couvrir que partiellement les défis auxquels la communauté internationale est confrontée. 

3. Impulser la transformation des systèmes agroalimentaires. L'évaluation globale de l’IPBES met en lumière le changement d’usage des terres comme première cause de perte de biodiversité. Le système agroalimentaire est ici particulièrement concerné, et le cadre pour l’après-2020 devra donc donner un cap pour réorienter ses trajectoires de développement. À cet égard, la cible 7 sur les pollutions devra impérativement comporter des objectifs quantifiés de réduction dans l’utilisation des pesticides et des fertilisants et ainsi inciter le secteur à déclencher les transformations nécessaires1 . De la même manière, la cible 10, plus large car concernant l’agriculture, l’aquaculture et la sylviculture, devrait pouvoir requérir les changements structurels indiqués par la science. Cela impose d’abord une rupture face aux tendances actuelles de simplification des paysages agricoles et des rotations culturales dans de nombreux bassins de production. Cela exige également  de tenir compte de la biodiversité comme un facteur de production : c’est à cette condition que l’évolution des systèmes alimentaires ne privilégiera pas la productivité à court terme au détriment de la viabilité à long terme et de la résilience. 

4. Assurer l’ancrage politique et opérationnel des liens entre biodiversité et climat. La Convention des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), dont la COP 27 s’est achevée la semaine dernière, constitue le cadre au sein duquel les États négocient les politiques d’atténuation et d’adaptation nécessaires pour faire face à une planète dont le réchauffement devrait être « nettement en dessous de 2°C, tout en poursuivant l'action menée pour limiter l'élévation de la température à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels ». Même si la CDB n’a pas un mandat explicite sur ces enjeux, les relations entre biodiversité et climat sont telles que le cadre mondial pour l’après-2020 pour la biodiversité, en tant que feuille de route pour la décennie, ne peut faire l’impasse sur cette question. Il est donc attendu, dans la cible 8 en particulier, un rappel explicite de ces enjeux croisés et des obligations d’atténuation afférentes. 

5. Conserver plus et mieux. Les aires protégées sont aujourd’hui reconnues comme des outils adaptés à la conservation et l’utilisation durable des écosystèmes et de leur biodiversité, terrestre comme marine. Réunie au sein d’une coalition, une centaine d’États promeut aujourd’hui un objectif de 30 % d’aires protégées et autres mesures de conservation2 d’ici 2030. La cible 3 du cadre pour l’après-2020 devra impérativement refléter cette exigence, tout en précisant ses corollaires qualitatifs : gestion, représentativité et connectivité notamment. L’enjeu majeur résidera alors dans la mise en œuvre effective de cette obligation phare, qui imposera la mobilisation de l’ensemble des acteurs (organisations intergouvernementales, administrations nationales, populations autochtones et communautés locales, bailleurs, ONG, scientifiques, etc.) et l’affectation de ressources, financières et humaines, dédiées. 

6. Impulser une dynamique mondiale de restauration des écosystèmes. L’ambition du cadre pour l’après-2020 impose non seulement la fixation d’objectifs de conservation, mais également le lancement d’une dynamique mondiale de restauration des écosystèmes dégradés. Cette dynamique, aux co-bénéfices multiples (sécurité alimentaire, lutte contre et adaptation au changement climatique, etc.), apparaît essentielle pour répondre aux trois objectifs de la CBD. La cible 2 devra donc être particulièrement explicite sur ces enjeux, contenir un objectif chiffré, et inscrire ainsi pleinement la communauté internationale dans la Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes.

Des ressources à la hauteur des enjeux 

De très nombreuses études3 ont été menées pour estimer les besoins financiers nécessaires à la conservation de la biodiversité. Parce que les modèles et les approches diffèrent, les estimations oscillent entre 103 et 178 milliards de dollars US par an pour les plus basses, basées seulement sur les investissements pour atteindre 30 % d’aires protégées terrestres et marines en 2030, et entre 599 et 823 milliards par an pour les plus hautes. Quoi qu’il en soit, et au-delà des débats sur les montants précis, le cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020 ne pourra faire l’impasse sur cet enjeu et devra impulser une stratégie basée à la fois sur un accroissement des ressources, une réforme des incitations néfastes et une mobilisation d’une diversité d’acteurs. 

7. Rétablir la confiance Nord-Sud à travers un pacte financier. L’augmentation du financement pour la biodiversité sur la période 2011-2020 n’a pas été suffisamment importante pour répondre aux besoins et enrayer ainsi la tendance à l’érosion. Le cadre mondial pour l’après-2020 pour la biodiversité devra donc poursuivre l’objectif de combler l’écart entre les moyens financiers et ceux nécessaires à la réalisation de la Vision 2050. Cela passera nécessairement par une augmentation des flux financiers vers les pays en développement, objet de la cible 19 qui sera certainement âprement négociée. Au-delà du montant retenu, ce pacte devra permettre de rétablir la confiance Nord-Sud et de donner aux pays en développement les moyens nécessaires à la mise en œuvre du cadre mondial. Une mise à disposition rapide des fonds, et un dialogue constructif entre bailleurs et États récipiendaires, constitueront alors les garanties essentielles à la mise en œuvre du cadre.

8. Utiliser les instruments financiers existants. Les résultats de la COP 27 sur la définition d’un nouveau fonds ad hoc sur les pertes et dommages se sont fondés sur l’ampleur des conséquences économiques et sociales des événements extrêmes liés au changement climatique et sur la nécessité de garantir un accès rapide à des financements dédiés. L’adoption d’un tel mécanisme pourrait créer un précédent, pris comme référence dans les négociations lors de la COP 15. Toutefois, l’architecture du financement de la biodiversité s’est développée différemment de celle du financement du climat. Le financement du climat s’articule autour d’une action conjuguée du Fonds pour l’environnement mondial (FEM), du Fonds vert pour le climat, et d’autres fonds spécialisés, tandis que le FEM demeure le mécanisme majeur du financement de la biodiversité et de la mise en œuvre de la CDB4 . La proposition de création d’un fonds ad hoc pour la biodiversité ne semble pas être la meilleure manière de garantir aux pays des moyens additionnels à brève échéance et avec un accès facilité, et interroge donc quant à sa valeur ajoutée et les complexités qu’il pourrait engendrer pour les pays récipiendaires. De plus, l’expérience montre que plusieurs années sont nécessaires entre l’idée de création d’un fonds, son établissement et sa mise en œuvre opérationnelle. Dès lors, la mise en place d’un tel fonds ne permettrait vraisemblablement pas d’apporter un soutien rapide et efficace à la mise en œuvre du cadre mondial. Toutefois, des efforts pour améliorer l’accessibilité aux financements du GEF et pour prendre en compte la situation particulière des pays les plus vulnérables doivent nécessairement être poursuivis pour prendre en compte les demandes légitimes des pays du Sud. 

9. Engager un processus interne d’évaluation des besoins de mise en œuvre. À l’échelle nationale, la mobilisation de ressources financières représente une condition essentielle à la mise en œuvre du cadre biodiversité. Les Parties devront donc déterminer leurs besoins pour la mise en œuvre de leurs Stratégie et plan d’action national pour la biodiversité (SPANB) à travers des plans nationaux de financement de la biodiversité (PNFB). Ces plans devront à la fois identifier les montants nécessaires, évaluer les ressources disponibles et ainsi mettre en lumière de possibles besoins à combler, non seulement à travers les flux internationaux, mais également via de possibles réformes internes générant de nouvelles ressources ; à cette fin, l’approche BIOFIN, qui vise à améliorer les systèmes financiers nationaux, pourra constituer une inspiration intéressante. Cet exercice interne apparaît comme un corollaire indispensable à l’augmentation des flux internationaux. 

10. Aligner les ressources et flux financiers avec les objectifs de réduction des facteurs de perte de biodiversité. Il s’agit là d’un enjeu de cohérence indispensable, puisque l’accroissement des financements publics ne pourra être efficace si d’autres flux financiers restent alignés sur des trajectoires destructrices de la biodiversité. Il s’agit également d’un enjeu de multiplication des financements accessibles pour les pays en développement. À cet égard, nombre de pays restent dépendants de la biodiversité pour leur développement économique et la création d’emplois pour une population en croissance rapide5 . Les financements privés doivent donc aussi s’inscrire dans un cadre de viabilité écologique et intégrer la biodiversité comme facteur de production. Vu l’ampleur des montants en jeu et les liens entre biodiversité et adaptation au changement climatique, c’est également à travers cette approche de réorientation des fonds vers un développement positif pour la nature autant que pour le climat que la mobilisation des banques multilatérales de développement doit être envisagée6 . Par ailleurs, et au-delà des financements directs et spécifiques à la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité, il s’agit également de réformer ceux qui occasionnent des dommages, au premier rang desquels les subventions dites néfastes. La cible 18 devra donc fixer des objectifs précis en ce sens et, à tout le moins, ne pas infléchir les orientations proposées par la cible 3 d’Aichi7 . Plus largement, une référence explicite à l’alignement de l’ensemble des flux financiers sur le cadre mondial constituera un élément déterminant pour soutenir la dynamique qui émerge actuellement, notamment à travers le Groupe de travail sur la publication d’informations financières relatives à la nature (TNFD) et d’autres initiatives menées dans le secteur financier.

Des processus de mise en œuvre et de facilitation robustes

Le décalage entre l’ambition affichée par les objectifs d’Aichi 2011-2020 et leurs résultats de mise en œuvre, jugés très insuffisants pour enrayer la perte toujours croissante de biodiversité, s’explique en partie par le manque de processus facilitateurs : faible mécanisme de transparence ou de redevabilité, pas de régime d’observance ou de sanctions, pas de mécanisme d’amélioration continue, peu de moyens pour soutenir la mise en oeuvre et renforcer les capacités. Le développement de processus robustes, spécifiquement dédiés aux enjeux de mise en œuvre, est donc primordial pour crédibiliser le cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020 et assurer son application effective. 

11. Soumettre des cibles nationales contribuant à l’ambition collective du cadre dès 2023. Les Parties à la CDB devront mettre à jour ou soumettre leur SPANB, l’instrument privilégié pour la mise en œuvre de la Convention. Néanmoins, du fait du court délai de mise en œuvre du cadre mondial (8 ans), les pays devraient soumettre leurs cibles nationales avant la fin de l’année 2023. Ces contributions, visant à « domestiquer » les cibles mondiales et à enclencher des actions rapides, devraient intervenir avant la soumission des SPANB, dont le processus d’élaboration requiert davantage de temps. Pour ce faire, il est crucial que la COP adopte un format et des lignes directrices pour la soumission de ces contributions, comprenant notamment  le degré d’alignement des cibles nationales avec les cibles mondiales, et l’identification des besoins financiers pour les mettre en œuvre. L'agrégation de ces cibles nationales devra permettre l’évaluation de l’effort collectif un an après l’adoption du cadre mondial.

12. Adopter un cycle de mise en œuvre efficace facilitant l’ambition et l’action. Plus largement, la planification et l’alignement des SPANB devront s’inscrire au sein d’un cycle cohérent, qui s’articule également autour des différents éléments de la mise en œuvre, du suivi, du rapportage, de l’examen et de l’accélération de l’action. La COP 15 devra adopter les principes et les composantes de ce cycle, mais aussi mettre en place une dynamique d’amélioration graduelle de ces processus. Parmi les principes clés devant guider la mise en œuvre, il faudra souligner que les processus liés au cadre de transparence et de responsabilité n’imposent pas de charge supplémentaire aux Parties, mais agissent en tant que « dispositif de soutien », notamment pour les pays en développement. Pour soutenir au mieux possible l’ambition et l’action, ce cycle de mise en œuvre devra, entre autres : faciliter le renforcement des capacités et l’accès au financement ; adopter des formats et outils de rapportage simplifiés et des échéances synchronisées avec celles d’autres accords multilatéraux ; renforcer la revue collective de la mise en œuvre à travers un bilan global pour déterminer les écarts et informer des éventuels ajustements; et mettre en place une revue pays par pays. Ces différentes composantes devront permettre, in fine, de tenir des points réguliers sur la mise en œuvre et d’adapter la trajectoire mondiale.

Cycle post 2020

 

Une feuille de route pour l’ensemble des acteurs 

Seule une contribution de l’ensemble des acteurs pourra assurer la mise en œuvre effective du futur cadre mondial, dont l’adoption souhaitée passera nécessairement par des compromis et des arbitrages d’ordre politiques. 

13. Intégrer les engagements dans les agendas sectoriels. Le cadre mondial de la biodiversité pour l’après 2020 porte l’ambition de devenir la boussole de la communauté internationale et constituera à ce titre une véritable feuille de route. La réalisation de cette ambition mondiale imposera de rendre chaque acteur responsable et redevable de sa mise en œuvre. Les acteurs de l’environnement - dont les ministères nationaux et organisations intergouvernementales dédiées - devront ainsi adapter leur programme de travail et le mettre au service des objectifs et cibles fixés. Mais l’enjeu réside par ailleurs, et peut-être surtout, dans l’appropriation du cadre par les secteurs dont l’impact sur la biodiversité est significatif - agriculture, pêche, industrie par exemple. Cela devra être réalisé à l’échelle des pays (via les ministères en charge et les groupes de représentation des secteurs), mais aussi dans le cadre des organisations multilatérales compétentes, comme la FAO ou les organisations régionales de pêche par exemple. Pour ce faire, les dispositions du cadre mondial devront être suffisamment précises pour permettre leur déclinaison opérationnelle dans ces enceintes. 

14. Impliquer et faire participer l’ensemble de la société. La lutte contre l’érosion de la biodiversité passe nécessairement par une approche participative, à toutes les échelles et auprès de l’ensemble des acteurs. À cet égard, la reconnaissance du rôle des populations autochtones et communautés locales, qui contribuent à sa préservation8 , constitue une exigence soulignée par de nombreux États et aujourd’hui bien intégrée dans le projet de cadre mondial (section B.bis, cible 21). Le secteur privé n’est pas non plus oublié et les entreprises sont explicitement mentionnées par la cible 15. C’est le sens de l’approche “whole of government/whole of society” qui inspire le cadre, mais dont la mise en œuvre opérationnelle impose néanmoins des dispositions spécifiques. C’est la raison pour laquelle il apparaît crucial de prolonger le mandat de l’Agenda de l’action lancé en 2018 et qui permet aux acteurs non étatiques de s’engager vers une transformation des leurs activités, tout en renforçant les processus de suivi pour éviter le simple “greenwashing9

15. Placer l’équité au coeur du cadre mondial. Lorsqu’il y a eu des avancées récentes en matière de gouvernance mondiale de l’environnement, elles sont de plus en plus conditionnées par un équilibre, sinon une réconciliation, entre les exigences des pays développés et les aspirations des pays en développement. Même si cette distinction entre les deux hémisphères s’avère parfois caricaturale, elle n’en reste pas moins un marqueur des relations internationales actuelles, lié aux asymétries flagrantes dans les capacités financières pour faire face aux multiples crises que le monde connaît depuis 2020. Dans le contexte spécifique du cadre mondial, cela impose notamment une reconnaissance d’un pluralisme des approches en matière de conservation10 . Cela impose également d’apporter une attention particulière aux objectifs et cibles fondées sur les piliers « utilisation durable » et « partage équitable » de la CDB. À cet égard, les références aux objectifs de développement (section C, jalon B.2) et à la sécurité alimentaire (cible 9), de même que les dispositions sur les informations de séquençage numérique qui seront adoptées par une décision de COP spécifique, seront essentielles pour que l’accord soit adopté.  

Le succès de la COP15 n’est pas encore écrit. Au-delà des conditions mises en lumière dans ce billet, il faut aussi espérer que les possibles désaccords techniques et sémantiques de même que les postures idéologiques qui ont trop souvent prévalu lors des précédentes réunions de négociations, laissent place à des vraies discussions d’ordre politique - et in fine à des compromis à la hauteur.

Tableau objectifs d’état

A

Conservation : intégrité des écosystèmes, taux d’extinction

B

Utilisation durable

C

Bénéfices issus de l’utilisation des ressources génétiques

D

Moyens de mise en œuvre


Tableau cibles d’action

Réduire les menaces

1

Planification spatiale

2

Restauration

3

Protection des espaces terrestres et marins

4

Gestion pour la conservation des espèces et de la diversité génétique

5

Récolte, commerce et utilisation durable des espèces

6

Prévenir et réduire espèces invasives

7

Réduire pollutions

8

Minimiser les impacts du changement climatique

Atteindre les besoins des populations à travers l’utilisation durable et le partage des bénéfices

9

Assurer les bénéfices (nutrition, sécurité alimentaire, médicaments, revenus)

10

Garantir la gestion durable de tous les espaces (agriculture, aquaculture, etc.)

11

Maintenir et augmenter les contributions de la nature à la qualité de l’air, de l’eau, protection contre les événements extrêmes

12

Augmenter l’espace et l’accès aux espaces bleus et verts en espaces à haute densité de population

13

Accès et partage des bénéfices 

Outils et solutions pour la mise en oeuvre et le “mainstreaming”

14

Intégration des valeurs de biodiversité dans les processus de décision

15

Impact et dépendances des entreprises 

16

Sensibilisation à la sur-consommation

17

Impacts et risques de la biotechnologie

18

Subventions et incitations néfastes

19

Mobilisation de ressources financières et non financières

20

Connaissances traditionnelles

21

Participation des populations autochtones et communautés locales, respect des droits, femmes, jeunesse

22

Genre

 

  • 1 Et ceci même si le niveau de la cible à 2030 résultant de la négociation devait in fine apparaitre insuffisant compte tenu de l’urgence d’agir pour protéger les pollinisateurs, par exemple.
  • 2 La Décision 14/8 de la Convention des Parties à la CDB désigne par autre mesures de conservation « une zone géographiquement délimitée, autre qu’une aire protégée, qui est réglementée et gérée de façon à obtenir des résultats positifs et durables à long terme pour la conservation in situ de la diversité biologique, y compris des fonctions et services écosystémiques connexes et, le cas échéant, des valeurs culturelles, spirituelles, socioéconomiques et d’autres valeurs pertinentes localement ».
  • 3 Paulson Institute, The Nature Conservancy & Cornell Atkinson Center for Sustainability. (2020). Financing Nature: Closing the Global Biodiversity Financing Gap ; Waldron et al. (2020). Protecting 30% of the planet for nature: costs, benefits and economic implications; UNEP (2021). State of Finance for Nature, etc.
  • 4 Même si le Fonds vert pour le climat contribue aussi à la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité, via les Solutions fondées sur la nature par exemple.
  • 5 Obura, David, and Sebastien Treyer. 2022. " A “shared earth” approach to put biodiversity at the heart of the sustainable development in Africa". AFD Research Papers Series 2022-266, À paraître.
  • 6 Songwe V, Stern N, Bhattacharya A (2022) Finance for climate action: Scaling up investment for climate and development. London: Grantham Research Institute on Climate Change and the Environment, London School of Economics and Political Science.
  • 7 « D’ici à 2020 au plus tard, les incitations, y compris les subventions néfastes pour la diversité biologique, sont éliminées, réduites progressivement ou réformées, afin de réduire au minimum ou d’éviter les impacts défavorables, et des incitations positives en faveur de la conservation et de l’utilisation durable de la diversité biologique sont élaborées et appliquées, d’une manière compatible et en harmonie avec les dispositions de la Convention et les obligations internationales en vigueur, en tenant compte des conditions socioéconomiques nationales »
  • 8 Le rapport de l’IPBES indique le rôle clé des populations autochtones et des communautés locales au sein des territoires dont ils ont la gestion.
  • 9 Widerberg, O., et al. (2021) Accountability of commitments by non-state actors in the CBD post-2020 Global Biodiversity Framework, PBL Netherlands Environmental Assessment Agency.
  • 10 Obura, David, and Sebastien Treyer. 2022. " A “shared earth” approach to put biodiversity at the heart of the sustainable development in Africa". AFD Research Papers Series 2022-266, À paraître.