Pologne COP24

La 24e Conférence des Parties (COP24) à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), qui se tient du 2 au 14 décembre à Katowice (Pologne), doit marquer l’aboutissement de deux processus clés prévus par l’Accord de Paris: l’adoption des règles de mise en œuvre de l’accord (rulebook), et un premier bilan de l’action collective (dans le cadre du Dialogue de Talanoa). Quelle est la portée de ces processus et que peut-on attendre de cette COP ?

L’Accord de Paris fixe non seulement un objectif commun à l’action climatique internationale – limiter le réchauffement climatique bien en-dessous de +2°C et poursuivre les efforts pour le contenir à +1,5°C – mais organise aussi une dynamique politique permettant de réduire progressivement l’écart entre les actions individuelles des États et l’objectif collectif qu’ils se sont fixé. Ceci repose sur deux éléments :

  1. des règles de procédure encadrant les engagements individuels des pays (Nationally Determined Contributions, NDCs), afin d’en évaluer la portée et l’efficacité tout en renforçant l’action collective, au-delà de la simple addition de ces contributions unilatérales. Les progrès qui auront lieu à Katowice sur le rulebook devront être mesurés à l’aune de cet équilibre ;
  2. un processus politique cyclique de cinq ans, autour d’un rendez-vous central quinquennal (global stocktake), visant à dresser un bilan complet de l’action climatique afin d’entretenir la dynamique. L’aboutissement du Dialogue de Talanoa, qui doit avoir lieu à Katowice, en est un galop d’essai, qu’il conviendra d’évaluer au regard de sa capacité à générer cette dynamique d’ici à 2020, en réponse à l’appel du GIEC à agir d’urgence et en profondeur sur l’ensemble des leviers économiques.

Définir les procédures et instruments de gouvernance de l’Accord de Paris

Le processus d’élaboration du rulebook fait l’objet, depuis la COP22 à Marrakech, de négociations longues et complexes, avec une difficulté à trancher entre des options techniques, illustrant en réalité des débats politiques visant à développer des instruments de gouvernance fidèles à « l’esprit » de l’Accord de Paris.

Que recouvrent ces règles de fonctionnement ? D’une part, la définition des informations que les pays livreront afin de clarifier leurs actions climatiques, relatives tant à l’atténuation qu’à l’adaptation, et leur contribution à l’effort de solidarité internationale, notamment les moyens financiers afin d’assurer transparence et comparabilité des efforts nationaux, un pré-requis à la confiance collective. D’autre part, ces règles visent à organiser les mécanismes de coopération volontaire pour l’atténuation et les conséquences de leur non-respect. Pour rendre l’Accord de Paris véritablement efficace, ces règles devront être les plus claires et précises possibles. À la veille de Katowice, la base de négociation fait pourtant encore près de 230 pages !

Parmi tous ces éléments, les trois points clés seront discutés pendant la COP24 sont :

  1. la définition du cadre de transparence de l’action et du soutien, pour qu’il s’applique à tous tout en tenant compte des capacités de chacun, sans pour autant légitimer un traitement différencié entre pays développés et en développement;
  2. la finance, où au-delà du comptage et du rapportage des flux, les discussions portent sur le montant des flux consentis, leur prévisibilité, la négociation des montants post-2025, etc. ;
  3. les mécanismes de coopération carbone, permettant à un pays de compenser ses émissions en achetant des crédits à un autre pays; le risque étant que ces émissions évitées soient comptabilisées deux fois, formant ainsi  une « fuite de carbone ».

Dynamiser le processus politique pour plus d’ambition dans l’action climatique

Le premier bilan politique des efforts d’atténuation mondiaux (appelé Dialogue de Talanoa) se conclut à la COP24 sous l’égide des deux présidences successives des COP23 et 24, fidjienne et polonaise. Lors d’un dialogue ministériel de clôture, les gouvernements devront prendre la mesure des contributions techniques soumises depuis un an[1]. Sur cette base, une phase politique de deux ans pourra s’ouvrir afin d’enclencher les dynamiques domestiques nécessaires au relèvement de l’ambition nationale par une majorité de pays, conformément au mécanisme d’ambition contenu dans l’Accord de Paris.[2]

Or au moins deux signaux d’alerte importants viennent contrarier la réalisation effective de cet élan politique à la suite de ce bilan : d’abord le manque d’implication de la présidence polonaise qui ne fait pas de l’ambition climatique une priorité de cette COP puisque dans le même temps,  elle plaide activement contre un relèvement de l’ambition européenne ; ensuite l’absence de leadership international solide capable de répondre aux attentes des populations à travers une réaction à hauteur de la principale contribution à ce dialogue, le rapport spécial du GIEC sur un réchauffement climatique de 1,5°C.

Pour l’heure, aucun pays n’a envoyé de signal clair quant à la révision de sa contribution. L’Union européenne semblait montrer la voie en adoptant de nouveaux objectifs d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique pour 2030, qui mécaniquement devraient aboutir à une NDC plus ambitieuse. Les discussions au Conseil (-40% en 2030) n’ont cependant pas abouti, malgré les propositions de la Commission (-45%) et du Parlement (-55%), bloquées notamment par l’opposition allemande (au motif que les engagements actuels ne sont pas tenus) et polonaise (au motif qu’aller trop vite et seul se fait au détriment des plus vulnérables). Le déblocage de la position européenne sera essentiel afin d’enclencher une dynamique internationale, étant donné les positions en retrait de plusieurs Etats, comme les Etats-Unis, l’Australie, ou le Brésil (qui devrait d’ailleurs présider la COP25).

Comme plusieurs fois par le passé, lors de cette COP, une attention toute particulière sera portée à la question des financements climat. En effet, les pays en développement voudront non seulement s’assurer que les flux financiers qu’ils perçoivent afin de progressivement transformer les modes de développement croissent de façon compatible avec l’objectif que se sont fixés les pays développés à Copenhague de mobiliser 100 milliards de dollars par an, mais ils attendront des signaux très clairs quant à la poursuite et à l’accroissement de ces flux.

Après une année pendant laquelle les effets du changement climatique se sont fait ressentir davantage, et où les acteurs non-gouvernementaux tels que les entreprises, les villes ou les territoire, ont occupé le premier plan de l'action climatique, notamment grâce au Sommet de Californie, la COP24 est l’occasion pour les Etats de tenir compte de cette dynamique et de construire sur cette base un élan vers une hausse de l’ambition collective avant l’échéance de 2020. Katowice doit être le point de départ de cet élan. Plusieurs jalons cruciaux rythmeront ensuite l’action climatique internationale en 2019. C’est en particulier le cas du Sommet sur le climat du Secrétaire général des Nations unies en septembre 2019, précédé notamment par le G7 présidé par la France, qui va notamment mettre l’accent sur la finance climat.

 


[1] L’IDDRI a participé au dialogue de Talanoa le 6 mai 2018 dans le cadre de tables rondes réunissant états et acteurs non-étatiques.
Cf. l'article Dialogue de Talanoa : lancement positif mais issue incertaine  

[2] Paragraphes 23-24 de la Décision 1/CP.21