Près de deux ans après l’adoption de l’accord visant à assurer la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité dans les zones marines situées au-delà de la juridiction nationale (accord BBNJ), la communauté internationale se mobilise pour donner vie au système de coopération pour la gestion de cet espace représentant plus de la moitié de planète. La semaine prochaine, dans un contexte de tensions internationales fortes, se tiendra une première session de la Commission préparatoire chargée d’organiser l’entrée en vigueur de l’accord. Une étape importante pour poser des bases solides à l'opérationnalisation et à la mise en œuvre du traité et, plus largement, un test sur la capacité du multilatéralisme à mettre en avant des solutions crédibles et durables. 

Par une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies du 24 avril 2024, une Commission préparatoire a été établie avec pour objectif de préparer l’entrée en vigueur du traité BBNJ et de procéder aux préparatifs de la première réunion de la Conférence des Parties (COP). La première des trois sessions prévues se tiendra à New York, au siège des Nations unies, du 14 au 25 avril prochain. Les travaux porteront en particulier sur trois dossiers notables. 

Des considérations techniques et stratégiques 

En premier lieu, il s’agira de discuter des mandats et modalités de fonctionnement des cinq organes subsidiaires créés en application de l’Accord : le Comité de renforcement des capacités et de transfert de technologies marines, le Comité sur l’accès et le partage des avantages, le Comité des finances, le Comité de mise en œuvre et de contrôle du respect des dispositions, et l’Organe scientifique et technique. Si elles peuvent de prime abord apparaître techniques, ces discussions revêtent une importance stratégique majeure : chaque organe subsidiaire créé sera plus ou moins opérant, plus ou moins efficace, plus ou moins utile à la coopération internationale, selon les options retenues. Dès lors, les États devraient s’inspirer des bonnes pratiques existant au sein des organes subsidiaires déjà établis dans le cadre d’autres accords internationaux. Par exemple, des recherches récentes ont permis d’identifier huit qualités que devrait posséder un organe scientifique et technique pour être efficace, à savoir multidisciplinaire, inclusif, compétent, influent, dépolitisé, transparent, synergique et dynamique1. De même, un comité de mise en œuvre et de contrôle du respect des dispositions devrait permettre une participation de la société civile, soit comme observatrice soit comme membre de ce comité. 

Les États auront également à se pencher sur les modalités de fonctionnement du Centre d’échange, créé par l’article 51 du traité BBNJ et conçu comme une « plateforme centralisée permettant aux Parties d’obtenir, de fournir et de diffuser des informations relatives aux activités se déroulant en application » du texte. Là encore, l’expérience au sein d’autres accords internationaux (Convention sur la diversité biologique, Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques, conventions de Bâle, Rotterdam et Stockholm, etc.) montre que le niveau d’ambition et d’utilité d’un tel mécanisme varie considérablement en fonction des modalités de fonctionnement retenues. Par exemple, l’accessibilité aux données transmises, l’ergonomie de la plateforme et l’existence de ressources humaines dédiées à son animation, la capacité à faire le lien entre les besoins de renforcement des capacités et l’offre d’appui disponible sont autant d’éléments qui favoriseront l’efficacité du Centre d’échange. 

Enfin, cette première session de la Commission préparatoire devra commencer à se pencher sur les questions de financement – qu’elles soient liées à la mise en œuvre du traité, au renforcement des capacités des pays ou à des programmes spécifiques. À cet égard, et au-delà des arrangements avec le Fonds pour l’environnement mondial (FEM), il est essentiel que cette réunion, comme les suivantes, explore également les modalités d'opérationnalisation du fonds spécial établi en vertu de l'article 52 du traité BBNJ, qui devra être alimenté, notamment, par le partage des avantages monétaires découlant de l’utilisation des ressources génétiques marines. 

Atteindre les 60 ratifications nécessaires 

Cette première session de la Commission préparatoire sera donc l’occasion pour les pays d’avoir un premier échange de vues sur ces dossiers importants, avant que les prochaines sessions ne les traduisent sous forme textuel. On pourra alors évaluer, à travers ces échanges techniques, l’ambition des États pour l’opérationnalisation et la mise en œuvre du traité. Des évènements et réunions informels permettront en parallèle de faire avancer les discussions sur les différentes parties du traité, en particulier les futures aires marines protégées. 

Enfin, cette réunion devrait être également l’occasion de battre le rappel pour l’atteinte des 60 ratifications nécessaires à l’entrée en vigueur du texte. À ce jour, 21 pays ont ratifié le traité. Les processus de ratification impliquent des procédures nationales souvent complexes et lourdes, dont beaucoup ont été retardées en raison des nombreuses élections nationales organisées en 2024. Lors du sommet SOS Océan organisé à Paris fin mars2, le Président français Emmanuel Macron a rappelé l’objectif d’atteindre ces 60 ratifications pour la Conférence des Nations unies sur l’Océan de juin prochain3. Le compte à rebours est lancé.