Le G20 s’est clos il y a quelques jours dans un contexte géopolitique tendu, teinté par les récents résultats des élections américaines et la persistance des conflits internationaux, et tandis que la COP 29 se déroule en parallèle à Bakou et s’achemine péniblement vers une conclusion, au mieux en demi-teinte1 . Les efforts menés par la présidence brésilienne ont néanmoins permis des avancées, en particulier sur la réforme des institutions financières internationales. C’est grâce à ce type de leadership soutenu, probablement autour d’aspects concrets et techniques pour éviter une opposition de principe de la future administration Trump, et dans une collaboration approfondie que le G20 pourra réellement contribuer à construire un monde équitable et une planète durable. 

  • 1 Preuve des tensions, un doute a perduré jusqu’au bout sur la participation de l’Argentine au communiqué du G20 (après le départ de la délégation de la COP 29, rappelée par leur capitale).

Des désaccords persistants, des attentes déçues

Le Brésil avait axé sa présidence du G20 autour de trois grandes priorités : i) l’inclusion sociale et la lutte contre la faim et la pauvreté ; (ii) le développement durable, les transitions énergétiques et l’action climatique ; et (iii)  la réforme des institutions de gouvernance mondiale. De fait, il était attendu que le G20 joue un rôle pivot dans l’avancement d’une transition juste à l’échelle mondiale, la succession des présidences de l’Inde, du Brésil et de l’Afrique du Sud au sein du G20 permettant de renouveler l’attention portée à la réduction des inégalités et à la prise en compte des besoins des plus vulnérables, tant au sein des nations du G20 qu’au-delà.

Dans ce domaine, le Brésil peut se prévaloir du lancement de l’Alliance globale contre la faim et la pauvreté (Global Alliance Against Hunger and Poverty), un partenariat innovant de gouvernements, organisations, banques de développement, philanthropies, ainsi que l’Union européenne et l’Union africaine. 

Le communiqué final du G20 peut néanmoins laisser un goût amer sur les questions de développement durable. Malgré les efforts brésiliens, les blocages et divergences sur ces sujets sont restés forts tout au long de l’année de la part de plusieurs membres du G20, en particulier l’Arabie Saoudite. Si la première partie de la déclaration finale reprend plusieurs références essentiellement déclaratives sur l’importance de l’agenda du développement durable et des Objectifs de développement durable, le texte contient peu d’avancées concrètes sur le sujet. La section sur le développement durable, la transition énergétique et l’action climatique réaffirme l’engagement vis-à-vis de l’Accord de Paris sur le climat et des résultats de la COP 28, mais omet de réitérer le langage sur la transition hors des énergies fossiles aux côtés du triplement des énergies renouvelables et du doublement de l’efficacité énergétiques. 

C’est d’autant plus décevant que les pays du G20 constituent de loin l’ensemble des pays les plus émetteurs et qu’un engagement ambitieux de leur part est de nature à débloquer l’ambition en faveur du climat directement et indirectement via l’effet d’entraînement sur les autres pays (Iddri, 2024). Cela n’a pas été contrebalancé par des prises de parole collatérales attendues au G20 pour débloquer les discussions sur la finance climat à la COP 29 à Bakou (Iddri, 2024)  – même s’il faut noter l’annonce unilatérale des États-Unis en faveur de la reconstitution des ressources de l’Association internationale de développement (IDA) de l’ordre de 4 milliards de dollars, qui doit cependant être confirmée par le Congrès.

Des thématiques potentiellement porteuses de progrès et d’influence

Tout au long de cette année sous présidence brésilienne, plusieurs domaines ont donné lieu à des discussions sur des solutions potentiellement ambitieuses pour le développement durable : la fiscalité internationale, la réforme des banques multilatérales de développement dans le sens d’une meilleure mobilisation des ressources multilatérales et le renforcement de la capacité des pays à concevoir et mettre en œuvre leurs propres plans de transition (Iddri, 2024).

Fiscalité internationale

L’élan autour de la fiscalité internationale, thème traditionnel du G20 mais renforcé par l’initiative du Brésil en faveur d’une taxe minimale sur la fortune des ultra-riches, ouvrait une voie viable pour mobiliser de nouvelles ressources destinées aux transitions énergétiques justes et à l’action climatique. Associée à la réorientation des subventions aux combustibles fossiles, cette approche est de nature à soutenir les nations vulnérables sur la route vers la COP 30 au Brésil.

À ce propos, le communiqué du G20 endosse la déclaration ministérielle sur la coopération fiscale adoptée par les ministres des Finances en juillet 2024 tout en reconnaissant la souveraineté des États en matière fiscale. Cette déclaration rappelle l’importance du renforcement des systèmes fiscaux comme pierre angulaire de la mobilisation des ressources publiques internes ; il s’agit d’un thème essentiel en vue de la Quatrième conférence internationale sur le financement du développement (FFD4) (Iddri, 2024), dans un contexte où l’aide internationale est contrainte et doit devenir plus stratégique, et son effet de levier sur les financements privés ne peut se matérialiser que sous conditions de finances publiques fortes dans les pays concernés. Dans ce cadre, la déclaration met aussi l’accent sur la fiscalité concernant les ultra riches, un domaine cher aux brésiliens et où une approche coordonnée pourrait permettre d’éviter l’évasion fiscale. Mais, face à l’ampleur des besoins de financement pour le développement durable, le G20 échoue à avancer dans une direction qui ferait de la fiscalité internationale un outil de redistribution internationale en soutien aux ODD et à la finance climat même si la juxtaposition des thèmes dans le paragraphe 9 de la Déclaration des Ministères des finances montre l’omniprésence de l’enjeu. 

Banques multilatérales de développement

En tant qu’actionnaires principaux des banques multilatérales de développement, les pays du G20 disposent d’une capacité unique à réformer ces institutions afin qu’elles soutiennent mieux un accès abordable, transparent et équitable au financement climatique pour les pays à faible revenu et plus largement de contribuer de manière significative à la réforme de l’architecture financière internationale. Le G20 a eu un rôle clé depuis quelques années, notamment dans le domaine de la réforme de l’adéquation des fonds propres (capital adequacy framework).

Finalement, c’est probablement dans ce domaine que l’on peut attendre les avancées les plus importantes pour les enjeux de développement durable. En effet, le G20 a réussi à avancer de matière incrémentale et cumulative en publiant une feuille de route pour les banques multilatérales de développement comprenant 13 recommandations à court et moyen terme et 44 mesures parmi lesquelles la mise en place d’un mécanisme novateur annuel de redevabilité de ces banques devant le G20. Un rapport insistant sur les besoins de consolidation des fonds climat a également été publié. Cette feuille de route constitue la première vision du programme de réforme des banques multilatérales de développement approuvée par le G20. Contrairement aux recommandations antérieures issues de groupes d'experts ou de rapports externes, elle résulte d'un accord négocié. De plus, à la différence d’un simple communiqué, elle prend la forme d’un plan d’action concerté. Cela pourrait constituer une manière de progresser pour le G20 dans les années à venir, en dépassant les oppositions croissantes entre les BRICS et les membres du G7, notamment en se concentrant sur des questions financières et des approches plus techniques. À travers cette feuille de route, en travaillant entre experts sur des sujets précis, le G20 semble éviter des débats plus politiques, tels que la gouvernance des institutions internationales ou la dette, ainsi que les enjeux globaux où les logiques de blocs sont aujourd’hui beaucoup plus polarisées qu’il y a deux décennies.

Le leadership du G20 dans le développement de plans de transition complets et holistiques reste fondamental. Ces plans portés par les pays doivent aborder la décarbonation, l’adaptation climatique et la préservation de la biodiversité tout en assurant des protections sociales, telles que la reconversion professionnelle. Une telle approche équilibrée peut rendre la transition énergétique inclusive, offrir un modèle à d’autres pays et leur fournir le soutien nécessaire pour développer leurs propres plans de transition. 

Vers la COP 30 et au-delà : le Brésil et le G20 toujours attendus

Dans bien des domaines, le rôle moteur du Brésil dans le G20 ne se termine pas à la fin de cette présidence. Bien au contraire, dans le contexte international complexe actuel, et compte tenu de la dynamique entre les pays, l’engagement continu du Brésil est crucial, notamment pour soutenir la future présidence sud-africaine et garantir que les réalisations du G20 cette année aient des impacts durables. Le Brésil aura aussi un rôle clé via sa présidence des BRICS et de la COP 30 sur le climat pour renforcer les liens entre les arènes internationales et des blocs de pays dont les rapports se tendent.

Le chemin vers la COP 30 et au-delà nécessitera une coopération internationale approfondie. Il faudra également aligner les réformes financières du G20 sur les priorités climatiques définies par la Convention climat des Nations unies. Sur les questions climatiques et environnementales, le G20 s’est montré, ces dernières années, hésitant à jouer un rôle moteur ; trop souvent, il s’est contenté de reprendre le langage des Nations unies au lieu de définir une vision audacieuse. Pourtant, ces enjeux demandent une coopération internationale robuste.