Le secrétaire général des Nations unies (SGNU) a mis tout son poids politique dans la balance, un an avant les grandes échéances de la gouvernance mondiale de l’environnement de 2020 : dans un peu plus d’un an, les gouvernements devront avoir démontré leur capacité à augmenter leur ambition dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat et à définir un cadre mondial efficace pour lutter contre la dégradation de la biodiversité. Dans une période de tensions géopolitiques croissantes, le SGNU a ainsi fait un pari risqué, mais indispensable, en organisant en l’espace de trois jours une série de sommets rassemblant les chefs d’État du monde entier pour faire un point d’étape sur plusieurs accords clés passés en 2015 : Accord de Paris, mais aussi Agenda 2030 pour le développement durable et Objectifs de développement durable (ODD), et Agenda d’Addis Abeba sur le financement du développement durable. Dans cet ensemble d’initiatives politiques, il est important d’assurer la lisibilité politique de l’événement et ce qu’on doit en attendre.
Chaque pièce de cet ensemble est nécessaire aux autres. Et c’est cet ensemble cohérent qui fait tenir le message politique de ces négociations : chaque pays doit inventer son propre chemin de transformation de son modèle de développement pour atteindre simultanément tous ces objectifs (climat, biodiversité, réduction des inégalités…), mais tous doivent continuer à négocier entre eux (en matière de commerce et de transferts financiers, notamment) pour se donner les moyens d’augmenter ensemble l’ambition de cette transformation, compte tenu de l’ampleur des défis sur tous ces sujets et les interdépendances entre pays.
En avance des négociations intergouvernementales officielles, cette impulsion politique donnée par Antonio Guterres, comme l’avait fait Ban Ki Moon en septembre 2014 un avant la COP 21, doit permettre d’accélérer la mise en œuvre et de crédibiliser la capacité et la volonté de grands pays et de secteurs majeurs de l’économie à se transformer : le rôle des acteurs non étatiques, du secteur privé ou des collectivités pour lancer des initiatives sur une diversité de sujets sera donc très important, et une série d’annonces devrait rythmer cette semaine new yorkaise, notamment sur le climat.
Le signal envoyé par cette série de sommets est aussi celui de la convergence des grands enjeux (climat, biodiversité, océan), comme l’illustre par exemple l’accent mis sur les solutions fondées sur la nature, sujet confié à la Chine, qui accueillera en 2020 la COP 15 de la Convention sur la diversité biologique. Cette convergence, au-delà des enjeux environnementaux pour lesquels il est déjà complexe de trouver des solutions « gagnant-gagnant », signifie en fait de réussir à construire des coalitions politiques de convergences d’intérêt entre des pays aux aspirations pourtant potentiellement différentes, voire divergentes. Le sommet des chefs d’État des petits États insulaires en développement (SIDS en anglais), pays particulièrement vulnérables aux changements environnementaux, illustre le rôle charnière de certains États ou certains acteurs pour faire tenir des équilibres fragiles à la croisée des besoins de développement et de l’ambition en matière environnementale.
Concernant les ODD et le financement du développement durable, les attentes, notamment des pays en développement, sont très importantes, mais les réalisations dans les quatre premières années de l’Agenda 2030, et surtout l’engagement politique à haut niveau pour les ODD, sont encore insuffisantes alors que l’horizon 2030 devient très proche. Le SGNU a pourtant souligné à quel point l’Agenda 2030 est crucial pour la planète et comme projet pour le système multilatéral lui-même.
Chacun de ces sommets de la semaine du 23 septembre constitue donc un moment stratégique spécifique dans son champ propre de négociations, mais c’est en les tenant ensemble que le SGNU ambitionne de construire un élan politique et un leadership incarné par différents pays et différents acteurs. Compte tenu de la complexité des enjeux de cette mobilisation politique, il faudra l’aider à évaluer et faire connaître les avancées de cette semaine de sommets successifs, qui constitue une étape indispensable en amont de 2020.