La gouvernance internationale de la biodiversité, à l'instar d'autres arènes internationales, cherche à concilier universalité et flexibilité, en permettant aux pays de contribuer à la réalisation d'objectifs communs tout en tenant compte de leurs circonstances spécifiques. Alors que la coopération environnementale est confrontée à des obstacles importants et à des changements transformateurs difficiles à atteindre, il est plus important que jamais de soutenir les innovations mondiales émergentes (Iddri, 2025). Le premier examen mondial (Global Review) de la biodiversité illustre ces efforts. Fondé sur les principes de transparence et de responsabilité, il implique une évaluation technique au cours des deux prochaines années et, espérons-le, une phase politique lors de la COP 17 en 2026 pour renforcer une responsabilité insuffisamment développée. Inspiré par le Bilan mondial sur le climat (GST), cet examen doit tirer les leçons des limites du GST pour garantir un impact transformateur. Alors que la COP 16 se poursuit à Rome en février prochain après avoir dû s'arrêter à Cali début novembre, les pays doivent encore parvenir à un consensus sur des questions cruciales. Il s'agit notamment des modalités de l'examen nécessaire pour mettre en évidence les progrès, identifier les lacunes pour atteindre les objectifs de 2030 et identifier des voies pour atteindre les objectifs de 2050. Ce billet de blog propose des pistes pour un examen ciblé, multi-partite et fondé sur une pluralité de preuves afin de soutenir la mise en œuvre et d'améliorer les efforts si les objectifs de 2050 restent hors de portée.
L'opportunité (et la nécessité) d'un examen mondial susceptible de renforcer la responsabilité, la confiance et la définition de solutions concrètes
Compte tenu de la souveraineté des pays sur leurs ressources naturelles (article 3 du traité de la Convention sur la diversité biologique de 1992), garantir des progrès suffisants sans être normatif est un défi complexe. Comment, dans ce contexte, faire en sorte que la COP 17 produise des recommandations tangibles pour la prochaine phase d'action (2026-2030) ? Une « évaluation honnête et constructive » est cruciale pour restaurer la confiance dans ces processus (Iddri, 2025), en particulier 10 ans après l'adoption d'engagements internationaux novateurs majeurs tels que l'Accord de Paris sur le climat et les Objectifs de développement durable (Iddri, 2025), et alors que le multilatéralisme traverse une période de turbulences (Iddri, 2025).
Il est essentiel d'identifier les progrès et de comprendre les facteurs de blocage et de facilitation dans la mise en œuvre du Cadre mondial pour la biodiversité (CMB) pour s'attaquer aux obstacles qui peuvent être levés par ses propres mécanismes (décisions de la COP et d'autres organes), en lançant des appels à d'autres acteurs et fora (par exemple les acteurs financiers et les bailleurs de fonds), et en créant des partenariats le cas échéant (non seulement entre les Parties, mais aussi avec les acteurs non étatiques). Des recommandations prospectives devraient être élaborées pour guider les actions et les politiques futures et entretenir un sentiment de solidarité entre les pays et les acteurs non étatiques afin de créer un cycle d'ambition positif (Iddri, 2024).
Pour rendre le mécanisme de transparence et de responsabilité du CMB opérationnel, les Parties à la CDB doivent adopter des modalités de travail pour ce processus. Lors de la COP 16 à Cali, les principaux points d'achoppement relevaient de sa gouvernance – la recherche d'un équilibre entre l'ouverture et l'inclusion, tout en restant dirigé par les Parties et non intrusif. Un autre défi consistait à intégrer de multiples types de dialogues1 et à déterminer des critères pour des sources solides et légitimes à incorporer dans le rapport et l'examen mondiaux. Une question à peine abordée est celle de savoir comment l’examen mondial débouchera sur un suivi tangible et des décisions spécifiques de la COP qui pourraient effectivement permettre un processus de renforcement de l’ambition. Il sera utile de tirer des leçons des succès et des lacunes des suites du Bilan mondial opéré dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat (GST en anglais), notamment en ce qui concerne son adoption et sa capacité à susciter une plus grande ambition et une meilleure mise en œuvre, pour poursuivre l'élaboration de l'examen mondial de la CDB. Les difficultés rencontrées pour traduire les conclusions du GST en stratégies d'engagement réalisables, comme on l'a vu lors de la COP 29 où les débats sur le financement ont retardé les progrès, soulignent la nécessité d'une approche plus stratégique et coordonnée pour garantir l'impact du GST.
Des solutions concrètes et fondées sur la science : inclure des perspectives diverses et les données scientifiques les plus récentes
De nombreuses organisations prévoient d'évaluer les progrès réalisés ou de formuler des recommandations pour renforcer la mise en œuvre du CMB. Les premières leçons tirées de l'évaluation de la mesure dans laquelle les ambitions collectives des Parties et des acteurs non étatiques sont suffisantes pour atteindre les objectifs du CMB en 2050 (voir Kok et al., 2024, pour une analyse de l'impact potentiel d'un CMB pleinement mis en œuvre) seront cruciales pour informer l'examen mondial. Les études récentes et à venir, y compris les derniers rapports de l'IPBES et d'autres rapports et articles scientifiques et techniques contribuant à une « analyse des lacunes en matière de biodiversité » (comme le Rapport sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions du PNUE), fourniront des informations précieuses. Il est également important de prendre en considération les rapports des acteurs de terrain (comme les Local Biodiversity Outlooks) et des populations touchées par la perte de biodiversité ou par les mesures mises en œuvre pour y remédier, ainsi que les rapports sectoriels et thématiques (la FAO pourrait présenter un rapport sur les trajectoires de transformation pour une agriculture « positive pour la nature », tout comme l'AIE présente des rapports sur les trajectoires menant au « zéro émission nette »).
Ces contributions alimenteront l'examen mondial, en veillant à ce qu'il soit complet et alimenté par les dernières connaissances scientifiques et techniques disponibles, ainsi que par les expériences pratiques des différentes parties prenantes.
L'importance de dialogues inclusifs et informés
L'équité procédurale est primordiale, en tant que condition nécessaire (mais non suffisante) de l'appropriation du processus (Iddri, 2025). Alors qu'un nouvel organe de représentation des populations autochtones et communautés locales (IPLCs en anglais) a été créé lors de la COP 16, toutes les voix – IPLCs, Parties sous-représentées, petites ONG et entreprises, populations vulnérables – doivent être entendues de manière constructive et soutenues de manière proactive dans les anciens et les nouveaux processus tels que l'examen mondial.
Il est essentiel de poser le bon cadrage et les bonnes questions. Un groupe consultatif technique devrait être constitué après la session de Rome pour superviser les travaux scientifiques et techniques. Les principaux groupes de parties prenantes doivent également être mobilisés, au sein du groupe consultatif et tout au long du processus, que ce soit par domaines thématiques tels que la conservation, le financement, l'utilisation durable ou le partage des avantages, et/ou par secteurs. Par exemple, l'identification et la levée des obstacles qui entravent les pratiques durables dans les entreprises constituent un domaine d'intérêt essentiel. Les questions clés qui pourraient guider le processus (à la fois le rapport technique global et le dialogue technique) ne devraient pas seulement se concentrer sur les progrès réalisés et les lacunes identifiées, mais aussi sur les moyens de combler ces lacunes au niveau mondial. Bien qu'il soit convenu que l'examen ne porte pas sur des pays spécifiques, des questions similaires concernant des groupes de pays plus restreints devront être soulevées dans l'analyse pour être pertinentes et exploitables par les Parties. Par exemple : quelles sont les capacités ou les technologies qui font le plus défaut à l'échelle mondiale ou régionale et existe-t-il des pratiques qui pourraient être transposées à plus grande échelle ? Quels sont les obstacles à une transformation durable de l'agriculture et quels sont les outils et les incitations les plus efficaces pour y parvenir ? Comment les flux financiers peuvent-ils être réorientés vers des pratiques qui soutiennent des résultats favorables à la biodiversité, en particulier dans des secteurs tels que la sylviculture et l'agriculture ?
Cela pourrait faire l'objet d'un ou de plusieurs dialogues techniques en 2026 – si cela est convenu lors de la COP à Rome –, après la production de l'évaluation technique écrite (le rapport global). Ces dialogues doivent être adoptés pour s'assurer que le processus suit l'approche « société dans son ensemble » du CMB, permettant l'inclusion de diverses perspectives et empêchant la non prise en compte d'éléments clés qui pourraient entraver un examen complet et percutant. Une prise de recul constructive sur des processus innovants similaires qui ont été organisés, par exemple les dialogues techniques du GST, peut éclairer l'organisation de ce(s) dialogue(s) (Winkler & Akhtar, 2025).
La présidence arménienne de la COP 17 pourrait également choisir d'orchestrer la discussion politique de « haut niveau » autour des résultats du processus et envisager un processus de suivi en 2027 pour accélérer la mise en œuvre des transformations identifiées. En substance, l'examen mondial pourrait être la pierre angulaire des efforts de la CDB pour faire avancer la mise en œuvre efficace du CMB et ne doit pas être négligé car il offre une occasion cruciale de renforcer le dialogue et la cohérence dans un monde de plus en plus fragmenté.
Créer une « communauté d'examen » informelle
Afin de faciliter les dialogues informels et d'informer l'examen mondial, l'Iddri et le PBL invitent les parties prenantes et les experts à exprimer leur intérêt pour recevoir des informations ou une participation en s'inscrivant ici (formulaire en anglais). Notre projet sera l'occasion de contribuer à la discussion au cours des deux prochaines années.
- 1
De nombreux types de dialogues ont été organisés ou envisagés ces dernières années, y compris des dialogues régionaux ou sous-régionaux pour échanger des expériences et des leçons par les représentants des pays, un « forum ouvert » mondial piloté avant la COP 16 de Cali et qui pourrait devenir un « dialogue interrégional », et le nouveau « dialogue technique » potentiel de l'examen mondial.