Alors que l’Union européenne débat de son avenir et tente de définir ses priorités politiques pour la décennie à venir, elle doit – en parallèle – élaborer son prochain cadre bugdétaire pour l’après 2020. Le cadre financier pluriannuel (CFP, MFF en anglais) 2014-2020 arrivant à échéance, les discussions pour son successeur ont commencé ; et une réunion des 27 a notamment lieu à Bruxelles le 23 février. Dans un contexte marqué par le Brexit et la montée des enjeux de sécurité et de défense, les enjeux environnementaux sont encore absents du débat sur le prochain CFP.
Comment faire du budget européen l’un des leviers de la transition écologique, en Europe, et avec ses pays partenaires dans le cadre de sa politique de coopération ? Comment en faire un levier d’investissement pour mettre l’Europe sur la voie des engagements internationaux qu’elle a pris : sur le climat à Paris, dans le cadre de l’Agenda 2030 des Nations unies ou, sur la biodiversité, en 2010 lors de la conférence d’Aichi et en 2020 lors de celle de Pékin ?
Soulignons d’abord que le budget européen est composé d’une multitude de programmes et de fonds, destinés à l’innovation, aux infrastructures trans-européennes (énergie, transport, communication), aux infrastructures dans les pays et régions européennes sous dotés, aux agriculteurs ou encore au développement des pays du Sud. Il est donc primordial que tous ces fonds, et pas seulement ceux dédiés à la transition écologique, concourent à cette transition. Et – a minima – ne la rendent pas impossible, avec des investissements de long terme dans les énergies fossiles par exemple.
Cet objectif de mainstreaming environnemental – au cœur du concept de développement durable – a progressé dans le CFP 2014-2020, sur le thème du climat et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre essentiellement. L’UE s’était alors dotée d’un objectif de « 20 % des dépenses pour le climat », objectif qui pourrait être atteint. Surtout, cet objectif transversal à l’ensemble du budget a conduit de nombreux fonds à se doter d’objectifs propres et à mesurer leur contribution climatique. L’augmentation de cet objectif climat pour l’après 2020 est donc un enjeu important pour accélérer l’investissement dans une économie neutre à carbone et se rapprocher des montants nécessaires. Par ailleurs, se pose la question d’étendre cet objectif ou d’en fixer d’autres pour l’adaptation aux changements climatiques, la protection de la biodiversité et des ressources naturelles. Quoiqu’il en soit, ce ou ces objectifs qui s’appliquent à l’ensemble du budget devront être déclinés dans les différents fonds européens. Et le diable se cachant dans les détails, une attention particulière devra être portée à la définition, au suivi et au reportage des dépenses considérées comme vertes, au niveau du budget global et dans chaque fonds. La transparence et la qualité de ces informations sont essentielles au bon fonctionnement du débat démocratique.
Parallèlement, devra aussi se poser dans le prochain CFP la question des conditions que tous les investissements doivent respecter pour être en cohérence avec les objectifs environnementaux de long terme. Le mainstreaming, ce n’est pas seulement s’assurer qu’une partie suffisante des dépenses budgétaires soit investie dans la transition écologique, mais aussi qu’aucune dépense ne rende impossible l’atteinte des objectifs environnementaux de long terme. Actuellement, chaque programme, chaque fonds a ses propres conditions « climat et/ou biodiversité » pour ses projets investissements. L’harmonisation et le renforcement de ces règles devront être évoqués. Une manière de procéder pour les infrastructures pourrait être d’élaborer une liste des investissements exclus de tout soutien européen, ou recevant un co-financement européen réduit et appelé à diminuer dans le temps.
Qu’il s’agisse ou non de mainstreaming, le prochain CFP pourrait être, enfin, l’occasion d’ancrer la fiscalité écologique dans l’ébauche de fiscalité européenne. L’UE ambitionne en effet de développer ses ressources propres, qui ne représentent qu’un dixième de son budget aujourd’hui, le reste venant de contributions des États membres. Plusieurs idées sont sur la table pour un impôt européen, comme la taxation des géants du numérique ou la taxe sur les transactions financières (TTF). Parmi les autres pistes permettant de verdir la fiscalité : une taxe commune sur l’énergie, sur les plastiques, sur les billets d’avion, la mise aux enchères des quotas sur le marché carbone, voire la taxe carbone aux frontières que la France persévère à défendre. Autant d’options dont la faisabilité technique et politique reste à évaluer.
Pour conclure, revenons sur une étrangeté des discussions sur le prochain CFP : comment définir le budget de l’UE jusqu’en 2025 ou 2027 alors même que les priorités politiques de la prochaine décennie ne sont pas encore actées ? Et que le Parlement et la Commission seront renouvelés en 2019 ? Le débat sur l’avenir de l’Europe est loin d’être terminé, et l’UE ne dispose pas d’une stratégie à l’horizon 2030, comme elle avait une Stratégie Europe 2020 quand le précédent CFP fut adopté. Il y a, ici, un enjeu de calendrier majeur.