Beaucoup d’observateurs considèrent comme enjeux critiques de la négociation climat en cours le suivi des engagements d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre et l’augmentation progressive de leur ambition. L’une des dimensions d’une telle négociation relève des engagements clairs que devront prendre les pays du Nord en termes de financement, notamment de l’adaptation des pays en développement. Plus largement, l’accord de Paris pourra être jugé comme un progrès important s’il permet de donner à la coopération internationale pour l’adaptation une attention aussi forte que celle reçue par l’atténuation. Question donc : où en est-on aujourd’hui ?
Sur la question de l’atténuation, l’architecture du futur régime climatique se dessine. Sur la question de l’adaptation, et bien qu’il reste ici aussi divers points d’achoppement, le brouillon de texte daté du 5 décembre montrait déjà des avancées majeures. La principale consiste en l’émergence d’une approche qui ne se veut plus seulement cantonnée à la question historique du financement.
Les principes
Bien sûr, le sujet « financement » est largement présent dans le texte, mais diverses formulations ont fait leur apparition qui montrent une volonté, semble-t-il partagée, de porter plus haut le sujet. Certaines phrases du « Draft Agreement », qui doivent bien entendu être affinées, le précisent explicitement : « Parties hereby establish the global goal of enhancing adaptive capacity, strengthening resilience and reducing vulnerability to climate change… » (art. 4.1). L’adaptation est désormais vue comme un défi global, c’est-à-dire qui présente des dimensions internationales et non plus seulement nationales à locales : « Parties recognize that adaptation is a global challenge faced by all with local, subnational, national, regional and international dimensions, and that it is a key component of and contribution to the long-term global response to climate change to protect people, livelihoods and ecosystems » (art. 4.2). On sort donc progressivement d’une vision restreinte du problème, et nombre de pays demandent à ce que l’adaptation soit désormais considérée dans le cadre UNFCCC sur un pied d’égalité avec l’atténuation. Les Parties reconnaissent « that adaptation [will][may] be needed regardless the level of mitigation reached… » (art. 4.4) et qu’un « global goal for adaptation shall be the basis… » (art. 4.3). C’est donc bien l’idée d’un objectif global d’adaptation (voir « What adaptation chapter in the New Climate Agreement? », et « National adaptation is also a global concern ») qui fait son chemin. Et la notion d’évaluation régulière des progrès fait également son apparition, par exemple dans l’article 4.11 où l’on peut lire « Updated or submitted [periodically] [in conjunction with mitigation cycles] », ou encore dans l’article 4.14 : « [There shall be a [high-level session][global stocktake] on adaptation every [X] years ». Si la nature de ces « metrics » n’est pas précisée, le texte actuel ouvre en réalité la voie d’un nouveau chantier pour l’UNFCCC dans le régime climatique post-2015. Plus loin, dans la partie B du texte dédiée aux décisions, le brouillon de décision 38 propose « […to develop methodologies and approaches to recognize the adaptation efforts of developing countries to respond to climate change] ».
La déclinaison : exemple de la sécurité alimentaire
Petit à petit, on s’achemine donc vers un régime climatique qui prend pleinement en considération la complexité de la dimension adaptation du problème, et cela doit être salué, même si des parenthèses et des crochets vont encore disparaître dans les jours à venir. Concrètement, derrière ces principes généraux de coopération pour l’adaptation se positionnent des enjeux majeurs, telles la sécurité alimentaire et la transformation des systèmes agricoles, dans un contexte où le climat va de toutes façons changer, même dans la perspective d’une trajectoire proche des +2°C. Beaucoup d’INDCs contiennent déjà des mesures importantes d’adaptation des systèmes agricoles, avec d’ailleurs des co-bénéfices en termes d’atténuation. Les dispositions mettant au premier rang l’adaptation dans l’accord doivent permettre d’appuyer ces initiatives nationales par tous les ressorts de la coopération internationale, qu’il s’agisse de transferts d’argent public, d’orientation des investissements privés vers la transformation des systèmes alimentaires pour atteindre une sécurité alimentaire durable et résiliente, ou encore de la définition d’axes de coopération en matière de recherche et d’innovation, de formation, et de capacité à formuler et mettre en œuvre les politiques publiques nécessaires à cette transformation. Même si la sécurité alimentaire n’est pas au cœur des négociations ces jours-ci, l’accord de Paris doit aussi permettre de mettre en place les règles de revue et d’évaluation des engagements sur l’adaptation, car ces règles permettront un véritable processus d’apprentissage en matière de modalités de coopération, de transferts financiers, d’innovations, ou encore de manières pertinentes de tenir les gouvernements comptables de leurs engagements.