Une nouvelle session de négociation s’est achevée vendredi à Genève, deux mois après la conférence de Lima. Étape encourageante, cette semaine a permis aux Parties de s’approprier le texte (qui avait été annexé à l’accord de Lima), d’ajouter leurs propositions, d’entendre et de mieux comprendre les positions de chacun, et d’aboutir dans une atmosphère constructive à un nouveau texte qui va servir de base de négociation pour l'accord de Paris, ce notamment grâce aux deux nouveaux co-présidents, Ahmed Djoghlaf et Daniel Reifsnyder, qui ont su mener les discussions d’une manière reconnue par tous comme étant efficace, inclusive et transparente.
Il reste cependant un long chemin à parcourir pour dessiner, parmi l’ensemble des options que comprend désormais le texte, une vision cohérente et partagée par l’ensemble des Parties du régime climatique post-2020.
Pour aboutir à un accord à Paris, il va falloir commencer réellement à négocier, c’est-à-dire à choisir entre les options, à trouver des compromis. Cela pose un double défi. D’une part celui d’aboutir, parmi de multiples options et par un processus de négociation point à point, à une vision d’ensemble cohérente. D’autre part, comme nous l’expliquions avant Genève, celui de définir les grandes lignes d’un nouveau régime climatique sans en avoir encore déterminé toutes les modalités précises.
L’une des questions structurantes est celle de l’équité et de la différenciation. Les pays se sont engagés à publier leurs contributions nationales au cours des mois à venir. C’est la première fois que tous les pays du monde s’engagent dans un tel exercice, et cela pose de nombreuses questions. Tous les pays ne vont pas contribuer à l’action globale de la même manière. Comment assurer néanmoins un sentiment d’équité entre les pays ? Faut-il créer un système unique ou accepter des systèmes différents pour la transparence, le suivi ou encore le caractère juridique de ces contributions ?
Surtout, comment atteindre collectivement un haut niveau d’ambition ? Les discussions actuelles sur un objectif de long terme esquissent ce que pourrait être une « ligne d’horizon collective », envoyant un signal fort, mais les trajectoires pour y aboutir restent à dessiner[1]. Les contributions nationales en seront une première étape, donnant certainement quelques indications (notamment des indicateurs et des objectifs) sur la façon dont les pays envisagent leurs actions pour les années à venir, non seulement concernant leurs efforts d’atténuation, mais aussi potentiellement, comme cela a été longuement débattu à Lima, sur leurs stratégies d’adaptation. Ensuite, afin d’atteindre un niveau d’ambition suffisant pour respecter l’objectif de long terme, mais aussi pour pouvoir tenir compte des changements de situation de chaque pays, il sera nécessaire de renouveler cet exercice régulièrement et d’imaginer un système de révision périodique. Comme nous l’expliquions dans une récente publication, des cycles (de 5 ans par exemple) pourraient être envisagés, au cours desquels les Parties présenteraient de nouveaux engagements pour la période suivante, et ce dans une logique de « spirale d’ambition ». En parallèle, afin d’assurer la prédictibilité et l’ambition de ce mécanisme, les Parties pourraient présenter à titre indicatif leurs objectifs couvrant plusieurs périodes ainsi que leur stratégie de développement bas carbone à long terme.
Ceci implique que soient mises en œuvre de nouvelles coopérations, ainsi que des mécanismes de soutien et de financement pour accompagner les pays dans cette transition. Il faudra pour cela répondre à des questions délicates - en plus de celles qui se posent déjà d’ici à 2020, liées à la capitalisation du Fonds vert - pour définir le système de financement post-2020. Comment mieux définir le « financement climatique » ? Quels objectifs crédibles et à la hauteur des enjeux ? Avec quelles sources et quels moyens de mobilisation de ressources additionnelles ? Le développement d’un cadre global visant à renforcer les mécanismes actuels d’adaptation et à mieux structurer la collaboration internationale sera également un enjeu clé pour ce nouveau système.
Alors que la confiance entre les pays semble, du moins pour l’instant, établie, et qu’une palette d’options est disponible, la prochaine étape s’annonce plus difficile : réduire le nombre d’options, tracer les grandes lignes de l’accord qui doit être adopté à Paris et trouver des consensus et des alliances, pour construire le prochain régime international pour le climat. C’est tout l’enjeu des mois à venir, à commencer par la session de négociations qui se tiendra en juin à Bonn.
[1] Le Deep Decarbonization Pathways Project réunit des équipes de recherche de quinze pays pour travailler collectivement sur cette question.