Des progrès significatifs sont en cours en vue d’établir un texte d’accord dans les temps pour la COP21 organisée par la Conférence-Cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), mais des tensions persistent.
La dernière des 122 contributions nationales (INDC) a été publiée et l’outil proposé aux États par les coprésidents (le « co-chairs’ tool »)a été révisé pour encadrer les discussions lors des dernières négociations officielles avant Paris qui se tiendront la semaine prochaine à Bonn. Mais le montant très contesté des 100 milliards de dollars pour le financement climat reste un problème criant. Pour reprendre les termes de Christiana Figueres, secrétaire exécutive de la CCNUCC : « Le montant de 100 milliards de dollars est un chiffre politique, il a été sorti du chapeau. Il est néanmoins impératif de tenir cet engagement ». S’il est difficile de savoir si les pays développés sont sur la bonne voie pour atteindre cet objectif de « 100 milliards », certains progrès techniques et des engagements supplémentaires ont récemment permis de nous rapprocher d’un accord politique.
Le week-end dernier, à Lima, juste après les assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI, la France et le Pérou, qui assurent respectivement la présidence de la COP21 et COP20, ont organisé une réunion privée des ministres des Finances pour discuter des financements climat en amont de la COP21. Lors de cette réunion, en annonçant un financement annuel supplémentaire de 15 milliards de dollars en faveur du climat d’ici 2020, les banques multilatérales de développement ont renforcé l’ambition d’atteindre l’objectif de 100 milliards de dollars.
Par ailleurs, le groupe Banque mondiale s’est engagé à augmenter ses financements climat d’un tiers, financements qui atteindront 29 milliards de dollars par an d’ici 2020 ; la preuve que les programmes d’aides et de prêts du groupe se veulent de plus en plus conformes aux objectifs climatiques et signe de sa volonté de mobiliser le cofinancement privé. Si ces annonces nous rapprochent de la barre des 100 milliards, des incertitudes subsistent quant à la possibilité de cumuler ces différents montants.
En outre, certains pays entendent témoigner de leur ambition accrue en termes de financement climat. Plusieurs engagements individuels ont ainsi été annoncés, en particulier ceux de l’Union européenne, de l’Allemagne et du Royaume-Uni qui ont chacun promis de doubler leur effort financier d’ici 2020. Il faut rester prudent dans l’interprétation de ces promesses, car les sommes exactes qui en découlent ne sont pas indiquées. Ainsi, les 5,8 milliards de livres sterling (8,9 milliards de dollars) promis sur 5 ans par le Royaume-Uni sont en deçà des 4 milliards d’euros annuels (4,5 milliards de dollars) annoncés par l’Allemagne à l’horizon 2020. La Chine elle-même a proposé 20 milliards de yuans (3,1 milliards de dollars) pour les autres pays en développement, ce montant ne pouvant évidemment pas être comptabilisé dans l’enveloppe de 100 milliards dont la responsabilité incombe aux pays développés. Ceci soulève la question du montant pouvant être comptabilisé dans la contribution de la Banque mondiale mentionnée plus haut.
En résumé, malgré les différentes annonces, ces montants sont difficiles à comparer et à additionner. C’est pourtant la tâche qui a été confiée à l’OCDE, qui vient de publier une étude la semaine dernière, « Financements climat 2013/2014 et objectif de 100 milliards de dollars », qui dresse l’état des lieux des financements publics et privés mobilisés pour le climat par rapport à l’objectif de 100 milliards. L’étude indique qu’en 2014, les financements mobilisés par les pays développés ont atteint 62 milliards de dollars, un montant en nette augmentation par rapport aux 52 milliards de dollars en 2013.
L’étude fournit également pour la première fois une mesure globale des financements privés mobilisés pour le climat, soit 17 milliards de dollars en 2014. Ce montant a été estimé en se basant sur le montant des cofinancements. C’est un bon départ, mais indéniablement la méthode doit encore être améliorée. Ne nous trompons pas cependant, un exercice comptable ne va pas à lui seul résoudre la question. En dernier ressort, seul un accord amiable entre les pays en développement et les pays développés statuera sur la question des 100 milliards.
La crédibilité des engagements volontaires en faveur du financement de la lutte contre le dérèglement climatique pourrait être renforcée par une plus grande clarté d’un point de vue technique concernant les sources, circuits et instruments (de financement). Cette clarté augmenterait également les chances que les montants soient « acceptés » au sein de l’enveloppe de 100 milliards de financements par les pays en voie de développement. La France fait figure de bon élève avec son engagement de faire passer ses financements publics annuels pour le climat de 3 à 5 milliards d’euros (5,6 milliards de dollars) à l’horizon de 2020 ; la France s’est également engagée à augmenter le montant de son aide publique au développement (APD) de 4 milliards d’euros d’ici 2020 (2 milliards étant dédiés au climat, les 2 milliards restants pour des activités « non climat »).
Cependant, aucun des engagements pris n’indique un objectif précis en matière de subventions, un mécanisme financier dont les pays les plus défavorisés ont cruellement besoin. L’Union européenne fait figure d’exception en promettant d’apporter environ 2 milliards par an entre 2014 et 2020, uniquement sous forme de subventions. En parallèle, soyons bien conscients que les 100 milliards ne représentent qu’une partie des discussions sur la finance climat sous l’égide de la CCNUCC, le reste étant composé d’une part d’un ensemble de flux financiers devant être redéployés vers des investissements bas carbone pour s’aligner sur les 2 degrés et d’autre part de financements permanents destinés à la solidarité post-2020 (cf. article Iddri “Mapping issues and options on climate finance in 2015” [PDF – 395 Ko]).