EN DIRECT DE LIMA - Un groupe multilatéral d'experts gouvernementaux au titre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a publié hier un rapport évaluant les montants investis dans l’atténuation et l'adaptation au changement climatique à l'échelle mondiale. Une première série d'estimations de 340 à 650 milliards de dollars par an entre 2010 et 2012 a été faite, une fourchette large amenée à se préciser au fur et à mesure que la méthodologie s’affinera.
Ce rapport est une étape importante dans la construction d’une définition commune, au sein de la communauté climat, du concept jusqu'ici ambiguë de « financement climat ». Pour la première fois dans l’histoire de la CCNUCC, il propose une définition du financement climatique incluant les flux publics, privés, internationaux et domestiques.
Les deux autres nouveautés sont une méthodologie pour évaluer les flux de financement et une estimation approximative du montant des fonds disponibles. Ce rapport est le résultat d’un travail de deux ans et d’une nouvelle méthode de travail, en dehors du monde des négociations très politisé et sujet à des contraintes de temps. Il a été réalisé par un groupe d’experts, avec la consultation de praticiens de pays développés et en développement, d’organisations internationales, notamment l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et de banques multilatérales de développement comme la Banque mondiale.
Le rapport est loin d'être parfait, mais il constitue un bon point de départ pour la discussion. Cependant, s’il répond à un certain nombre de questions, il en soulève bien d’autres.
Tout d’abord, la définition du financement du climat sera-t-elle adoptée au niveau politique ? Avoir une définition commune au sein de la CCNUCC serait un grand pas en avant. Cela aiderait les gouvernements, les banques de développement et le secteur privé à renforcer la transparence de leurs investissements quant à leur impact climatique.
Deuxièmement, le rapport souligne le manque d’information sur le financement climatique privé. L’investissement privé est censé représenter la part la plus importante des flux de financement pour réduire les émissions. Il existe ici un besoin manifeste de renforcer la transparence et d’intensifier la collecte de données, afin de mieux comprendre dans quels domaines le secteur privé investit.
Troisièmement, le rapport apporte des données essentielles sur la situation des pays développés concernant leur engagement à Copenhague de mobiliser 100 milliards de dollars pour l’atténuation et l’adaptation des pays en développement, d’origine à la fois publique et privée. Le rapport estime que ce financement s’élève à près de 40 à 175 milliards de dollars par an. Donc, à l’extrémité supérieure de cette fourchette, l’objectif de 100 milliards de dollars a déjà été atteint. Formidable ! Et ensuite ?
Plus sérieusement, le large éventail d’estimations mentionné souligne les difficultés méthodologiques inhérentes à la quantification du financement climatique. En d’autres termes, il ne sera probablement pas possible d’apporter une réponse précise à la question de savoir si l’engagement de 100 milliards de dollars a été respecté. Le plus important est qu’il y ait un consensus politique général quant au besoin d’intensifier les investissements. Pour ce faire, les pays développés doivent s’attendre à intensifier leurs contributions, tandis que les pays en développement doivent renforcer leurs politiques nationales pour attirer les capitaux privés.
À cet égard, il est intéressant de noter que dans l’estimation de 40 à 175 millions de dollars citée plus haut, 35 à 50 milliards correspondent à de l’argent public. Certains pourraient toutefois faire valoir qu’il s’agit simplement de l’aide au développement rebaptisée financement du climat, qui aurait été dépensé même en l’absence de changement climatique. Ce débat est aussi vieux que les négociations climatiques – c’est-a-dire très vieux.
Il nous faut dépasser le débat simpliste opposant développement et changement climatique comme des priorités concurrentes pour l'aide au développement. De toute évidence, ces deux objectifs sont indissociables, mais pour les deux, le financement est loin d'atteindre les objectifs. Sur la route de Paris et d’Addis-Abeba en 2015, et au-delà, un aggiornamento de la notion même de l'action climatique doit être établi, autour d’un modèle de développement résilient et à faible intensité carbone.
Le rapport publié hier montre que des sommes significatives sont déjà investies dans un modèle de développement résistant au climat, mais nous avons encore besoin de travailler pour transformer ce courant en un flot de capitaux propres.