À l'issue d'une semaine de négociations à Bonn sur le futur accord climat qui devrait être adopté à Paris en décembre, quelles sont les principales avancées et les questions encore en débat, tant sur la forme du texte (rôle des co-présidents, structure) que sur le fond (révision des engagements, finance, etc.) ?
En premier lieu, Ahmed Djoghlaf et Daniel Reifsnyder, coprésidents des négociations, ont obtenu une nouvelle confirmation de la légitimité de leur rôle à la tête des négociations. Hormis quelques manifestations de mécontentement à l’ouverture de la session, les Parties se sont mises sans tarder au travail autour du texte préparé par les présidents (document connu sous le nom de « co-chairs’ tool », l’outil d’aide proposé aux États pour les négociations climat).
Il faut se rappeler que trois mois avant le sommet de Copenhague, le processus s’était embourbé en l’absence de tout texte légitime et approuvé, présenté par le président des négociations et susceptible de constituer un socle de discussion pour démarrer les réelles négociations. À Bonn, la situation est différente et ceci constitue en soi une avancée significative. En effet, force est de constater que certains cofacilitateurs de groupes de négociation sur les thématiques les plus pointues (notamment les questions d’adaptation, d’atténuation ou de financement) ont fait avancer les débats de manière proactive en proposant des projets de texte et des moyens pour rapprocher les positions divergentes. Cependant, l’ensemble des groupes thématiques n’a pas avancé au même rythme et il reste beaucoup à faire. La reconnaissance du rôle des cofacilitateurs est malgré tout un signe encourageant pour le processus et sur leur thème respectif, la connaissance approfondie qu’ils détiennent des positions de chacune des Parties représente une base solide de négociations sur le chemin vers Paris.
En second lieu, des progrès substantiels ont été obtenus dans certains domaines, même s’ils n’ont pas encore été couchés noir sur blanc. À cet égard, mentionnons le consensus croissant autour de l’idée de « cycles » quinquennaux aux termes desquels chaque pays fera connaître des objectifs nouveaux et plus ambitieux en matière d’émissions, ainsi que des mesures supplémentaires en matière d’adaptation et de financement (une idée que nous avons abordée dans une récente publication). Cette proposition, sur laquelle les avis ont longtemps fortement divergé, constitue un élément majeur de l’accord de Paris. Ce n’est pas encore « dans la poche », mais de réels progrès ont été réalisés.
Un consensus de plus en plus large semble également exister autour de la nécessité d’intégrer dans l’accord des objectifs financiers internationaux, sous une forme ou une autre, c’est-à-dire la reconnaissance que la lutte contre le changement climatique exige la réorientation des investissements au sein de l’ensemble des secteurs économiques, et ne se cantonne pas à une problématique de financement public (voir la publication récente de l’IDDRI).
Concernant le deuxième axe de travail (les débats concernant les actions pré-2020), un consensus s’est dégagé sur un rôle renforcé et un processus d’examen technique réformé qui consolideraient les relations avec les organismes, acteurs et initiatives extérieurs à la Convention et amélioreraient la coordination et la mobilisation, y compris potentiellement sur un sujet tel que l’adaptation. Cette initiative permettrait également de garantir la durabilité du processus initié par la France, le Pérou, le Secrétaire-Général des Nations unies et le secrétariat de la CCNUCC et visant à encourager les acteurs de toute nature à mener des actions pour le climat d’ici la COP21 (appelé le « Plan d'action Lima-Paris »).
Ces progrès sont encourageants. Cependant, le rythme des négociations est inquiétant. Il ne reste que trois mois avant la Conférence de Paris. Lors de la session plénière du milieu de semaine consacrée au bilan, les Parties ont reconnu presque unanimement que, malgré l’accélération des négociations, les progrès étaient encore insuffisants. Pourtant, les Parties semblaient divisées quant à la marche à suivre. Certaines, la majorité probablement, ont pour l’essentiel demandé aux coprésidents de présenter un second projet de texte avant la nouvelle session de négociations prévue à Bonn au mois d’octobre 2015, un texte qui irait au-delà de l’actuel « co-chairs tool », serait rédigé dans des termes juridiques et sous la forme d’un projet d’accord. Les autres demandent aux Parties de prendre leurs responsabilités et de transformer eux-mêmes l’outil des coprésidents en projet d’accord, moyennant de laborieuses négociations sur les textes. La balance penchera sans doute vers la première option. L’histoire nous apprend en effet qu’un accord repose sur un juste équilibre entre des négociations multilatérales et une aide active des présidents.
Ainsi, cette session a été importante non seulement pour avancer sur les questions de fond mais également pour mettre les présidents en confiance. En premier lieu, les Parties leur ont confié la mission de proposer un nouveau texte. Au-delà, grâce à la session et au travail ardu au sein des groupes thématiques restreints, les présidents ont acquis une connaissance détaillée des positions de chacune des Parties ce qui leur permettra de « rester sur la corde raide » et d’apporter un texte neuf et ambitieux pour servir de base aux futures négociations à Bonn.