La semaine dernière a été chargée en matière de changement climatique, et a montré la voie pour un accord à Paris.

Le week-end du 26-27 septembre a été l’occasion d’un déjeuner rassemblant une trentaine de chefs d’État pour discuter de l’accord de Paris ; du discours du Pape aux Nations Unies, réaffirmant son message sur le changement climatique ; de la publication d’une douzaine d’INDC ; sans parler de nouveaux engagements financiers importants ; et d’une déclaration présidentielle commune sur le changement climatique de la Chine et des États-Unis. Oh, et les Objectifs de Développement Durable ont également été adoptés, par tous et applicable à tous, confirmant la convergence (nécessaire depuis longtemps) entre les agendas du développement et du climat !

Déclaration présidentielle commune des États-Unis et de la Chine sur le changement climatique

La déclaration présidentielle commune des États-Unis et de la Chine a dévoilé de nouveaux engagements nationaux pour l’action climatique et présente des éléments importants susceptibles d’augmenter les chances de réussite de l’accord de Paris. En voici quelques éléments :

  • La Chine s’est engagée à consacrer 3,1 milliards de dollars au soutien de l’action climatique. Cela peut changer la donne, car jusqu'à présent la Chine ne voulait pas être considérée comme source de financement climat à l’échelle internationale. Il s’agit peut-être là du « grand bond en avant » qui permettra de sortir de l’impasse sur la différenciation dans le financement climat.
  • Plus important encore, les deux pays s’engagent à veiller à ce que leurs investissements publics internationaux contribuent à une transition bas carbone. La Chine est devenue un acteur majeur de l’aide au développement (APD) au cours des dernières années, et tous les efforts réalisés pour verdir le financement international du développement seront inefficaces si des normes de transparence et de « cohérence climatique » ne sont pas appliquées au-delà du groupe des traditionnels pays donateurs. La déclaration sino-américaine peut jeter les bases de ce qui pourra être encore renforcé par l’accord de Paris.
  • La Chine a également confirmé que le pays prévoyait de démarrer un système national d’échange de quotas d’émissions en 2017, permettant de faire le lien entre les marchés carbone régionaux et locaux lancés depuis 2013. Cela augmentera de 10 % à 30 % la part des émissions de carbone à l’échelle mondiale couverte par les marchés carbone, et indique un fort leadership de la Chine pour l’utilisation des mécanismes de marché pour l’atténuation des émissions.
  • La déclaration progresse également sur certains aspects importants des négociations, en particulier la nécessité de renforcer le système de transparence dans le cadre de l’accord de Paris. C’est un enjeu crucial sur lequel la Chine s’était montrée réticente. Une esquisse de solution a émergé de la déclaration commune, à savoir un système de transparence plus forte applicable à tous les pays, mais avec une marge de flexibilité pour les pays en développement.

Réunion des chefs d’États sur le changement climatique

Ce week-end, le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a convoqué une trentaine de dirigeants pour un « déjeuner de travail informel » afin de parler de l’accord de la COP21, déjeuner qui a donné lieu à des conclusions intéressantes et à la publication du document : « Political understanding of the transformational, long term implications of a new climate change agreement » (PDF - 285 Ko). Sans se substituer aux négociations formelles, cette entente politique commune peut aider à jeter les bases de l’accord de Paris.

  • Les dirigeants ont conclu que l’accord de Paris devait « réaffirmer, clarifier et concrétiser l’objectif de limiter l’augmentation de la température moyenne en surface à moins de 2° C, sans exclure l’option d’une limitation de la hausse des températures à 1,5° C ». Cela permet d’envisager que l’accord de Paris puisse adopter une certaine forme de cible à long terme pour les émissions et/ou ait comme objectif directeur la transformation de l’économie mondiale. Ce serait là un signal fort.
  • Les dirigeants ont également conclu que l’accord de Paris devait reconnaître l’importance des pays développant des stratégies à long terme pour permettre la transition de leurs économies vers un modèle sobre en carbone (comme l’Iddri le soutien depuis longtemps dans son projet phare Deep Decarbonization Pathways Project).
  • Les dirigeants se sont ralliés à l’idée que l’accord de Paris devait inclure un processus de mise à jour et de renforcement régulier, ainsi qu’ « un processus de facilitation permettant de dresser un bilan périodique des progrès ». De nombreux pays ont fait valoir que cela devait avoir lieu tous les cinq ans, même si ce délai ne semble pas avoir été accepté par tous les participants. Néanmoins, l’idée de cycles réguliers de renforcement de l’action semble recevoir un appui croissant pour devenir un élément clé de l’accord de Paris, comme l’Iddri l’a fait valoir dans un récent document publié conjointement avec le NCSC (Regular Review and Rounds of Collective Action and National Contributions the 2015 Climate Agreement: A Proposal ).
  • Dernier élément, et non des moindres, les dirigeants ont insisté sur le besoin d’« actions immédiates, concrètes et coopératives » entre les pays, en particulier sur le financement du climat. Fait encourageant, plusieurs annonces nationales volontaires ont été faites sur le financement cette semaine. Outre l’engagement de la Chine à hauteur de 3,1 milliards de dollars, la France a annoncé sa volonté d’augmenter son financement climat international public, passant des trois milliards d’euros actuels à cinq milliards d’euros par an d’ici 2020, avec notamment une augmentation des subventions ciblées sur les mesures d’adaptation. Une partie de ce financement sera levée à partir d’une source innovante : la taxe sur les transactions financières. Le Royaume-Uni a promis de faire en sorte que son budget de l’APD prenne mieux en compte le climat, avec pour objectif l’augmentation de la part de son budget d’aide consacrée au climat à 5,8 milliards de £ entre 2016 et 2021, par rapport à moins de 4 milliards de £ pour la période de cinq ans précédente. Grâce à ces annonces, les pays développés ont clarifié les avancées permettant d’atteindre l’objectif de mobilisation de 100 milliards de $ d’aide climatique par an d’ici 2020.

« Tous sur le pont »

Les autres éléments importants de l’action climatique, qui seront complémentaires de ce que les pays font et vont s’engager à faire, sont les initiatives des acteurs non étatiques. Les différents événements de la semaine dernière ont appelé à poursuivre l’action immédiate avant 2020 et à reconnaître le « mouvement d’actions climatiques » déjà amorcé par les autorités locales, les entreprises, les investisseurs et la société civile. Le site internet du Programme d’action Paris-Lima a été lancé, mettant l’accent sur certaines initiatives de transformation, et de nombreuses autres devraient être présentées d’ici à Paris, puis à la COP21 lors de la Journée d’action du 5 décembre. L’UE, les États-Unis et la Chine soulignent également l’importance des actions complémentaires menées dans d’autres instances et les processus se déroulant en dehors de la Convention, par exemple dans le cadre de l’Organisation maritime internationale (OMI), l’Organisation internationale de l’aviation civile (OACI), le Protocole de Montréal, le G-20, l’Organisation Mondiale du Commerce ou la Conférence ministérielle de l’énergie propre.

Conclusion

Ce fut une semaine bien remplie, avec des accomplissements majeurs et des éclaircissements attendus depuis longtemps, mais aussi plusieurs annonces encourageantes, notamment sur le plan financier. Beaucoup reste encore à faire, en particulier la traduction de ces conclusions politiques en texte de négociation. Le prochain test sera la publication du nouveau texte des coprésidents, attendu d’ici le 1er octobre, puis la semaine de négociations à Bonn du 19 au 23 octobre, avant l’ouverture de la Conférence des Parties le 30 novembre. Il reste peu de temps pour réunir toutes ces pièces et parvenir à un accord à Paris, mais, finalement, nous commençons à voir quelle forme cela prendra.