Avec les outils de l’anthropologie du développement, de l’anthropologie de la nature et de la sociologie des sciences, cette séance analysera une double ethnographie des institutions et des populations rurales sénégalaises sur la question de la mise en œuvre d’une gouvernance du risque climatique.
Le cas du Ferlo, situé en zone sahélienne semi-aride (Sénégal), montre comment se construit la convergence entre politiques de conservation de la nature et politiques de développement dans une zone en proie à la désertification, et où l’élevage extensif des Peuls se déplaçant toujours plus vers les zones soudaniennes présente de forts enjeux environnementaux. Ceux-ci se traduisent notamment par la mise en place progressive d’une ingénierie écologique, basée sur le développement de dispositifs de surveillance environnementale qui se superposent aux politiques publiques particulièrement centrées sur la « rationalisation » de la régulation de l’accès aux ressources pastorales.
La réalisation actuelle de la Grande Muraille Verte, projet de reboisement à visée panafricaine néanmoins considéré comme participatif, souligne les ambiguïtés et controverses qui persistent dans la reconnaissance institutionnelle de la mobilité pastorale comme d’un « savoir local » ou « traditionnel » propre à gérer l’incertitude climatique considérée comme croissante. En effet, malgré la prise en compte internationale des problèmes liés au changement climatique et la reconnaissance dans le monde de l’expertise de la nécessité de promouvoir des modèles de développement extensif du pastoralisme, on peut se demander à quel point la notion de « savoir local » reflète la réalité des pratiques des pasteurs, et est légitimement intégrée dans les projets de développement et de conservation. Ainsi, les savoirs locaux de gestion des risques s’opposent-ils aux savoirs scientifiques mobilisés dans les politiques publiques ? La séance expliquera que l’étude des représentations que les pasteurs ont de la nature amène à envisager les savoirs scientifiques mobilisés localement non comme de simples réalités objectives, mais comme étant diversement appropriées et instrumentalisées par les pasteurs comme par les acteurs de l’aide.
Vidéo de la conférence :
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Véronique Lassailly Jacob est professeur de géographie à l’université de Poitiers et membre du laboratoire Migrinter, Migrations internationales, Espaces et sociétés (UMR 6588, CNRS/Université de Poitiers). Ses recherches portent sur les migrations forcées de population en relation avec l’environnement et le développement et sur les dimensions de l’asile dans les pays du Sud. Ses terrains de recherche se situent en Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Ghana), au Machrek (Egypte) et en Afrique australe (Zambie, Mozambique). Elle a récemment coordonné (en collaboration) « l’Asile au Sud » publié aux éditions de La Dispute en 2009.
Florence Brunois est Docteur en Anthropologie sociale, chercheuse CNRS rattachée au MNHN de Paris de 2003 à 2008, puis à la Chaire d'Anthropologie de la Nature du LAS-Collège de France. Elle mène ses recherches en Nouvelle-Guinée auprès de la tribu kasua depuis 1994, cumulant cinq années de terrain. Elle a publié une monographie aux Éditions CNRS/MSH consacrée aux savoirs et savoir-être écologiques des Kasua ainsi que de nombreux articles. En 2006, elle ouvre un nouveau terrain en Ouganda en association avec la primatologue S.Krief du MNHN. Elle enseigne l'anthropologie de l'environnement au Master du MNHN.