Les controverses sur les dommages associés au changement climatique et sur les efforts de prévention ou d'adaptation qu'il faut envisager ne portent pas seulement sur les coûts des dommages, et aussi sur les coûts des mesures associées aux politiques de réponse prescrites. La difficulté des experts à s'accorder sur une évaluation des coûts associés à ces mesures peut toutefois surprendre et même discréditer pour partie les analyses proposées. En montrant pourquoi la notion de « coût » n'est pas univoque, mais dépend des agents concernés et du point de vue adopté, Jean-Charles Hourcade apporte un éclairage nécessaire à ces controverses, permettant de décrypter utilement les apports de l'analyse économique à la décision en matière d'action collective.
Résumé de l'intervention
La demande d'expertise économique pour les politiques environnementales à quelque chose de schizophrénique : on veut savoir combien ça coûte d'agir ou de ne pas agir ; on veut des chiffres mais on n'y croit pas quand ils paraissent déraisonnables ou qu'ils ne plaisent pas ; on les trouve fragiles mais on refuse d'accepter des études qui fourniraient des fourchettes trop larges. Pour finir on préfère se rappeler que « la planète n'a pas de prix » avant de repartir pour un tour sur ces mêmes questions lorsqu'on dépasse les effets d'annonce.
Cette schizophrénie perdure en partie à cause d'un « ces coûts sont trop élevés (bas) et bons pour des peureux (naïfs) », en partie à cause de la posture des économistes ; mais elle perdure aussi à cause de la polysémie de la notion : coût marginal, coût moyen, coût total, coût instantané ou coût actualisé, coûts en équilibre partiel ou général, coût technique ou macroéconomique, niveaux de la taxe ou variation du surplus des consommateurs.
Il n'y a pas là seulement un problème de clarification des catégories de présentation. Il y a de vraies difficultés de mesure, résolues tant bien que mal, et ces difficultés renvoient à des problèmes de fond, dont le moindre n'est pas que les indicateurs les plus utiles sont souvent les plus abstraits et que les indicateurs les plus tangibles sont les moins significatifs voire les plus fragiles dans les faits.
Mon exposé essayera de montrer les enjeux des diverses catégories ainsi mobilisées et l'usage rhétorique d'une notion faussement simple. Le risque existe de ne pas faire l'effort d'en maîtriser la complexité, que perdure la fuite de tout calcul, laissant les choix publics au jeu des rhétoriques les plus habiles à masquer la hiérarchie des enjeux.
Cette schizophrénie perdure en partie à cause d'un « ces coûts sont trop élevés (bas) et bons pour des peureux (naïfs) », en partie à cause de la posture des économistes ; mais elle perdure aussi à cause de la polysémie de la notion : coût marginal, coût moyen, coût total, coût instantané ou coût actualisé, coûts en équilibre partiel ou général, coût technique ou macroéconomique, niveaux de la taxe ou variation du surplus des consommateurs.
Il n'y a pas là seulement un problème de clarification des catégories de présentation. Il y a de vraies difficultés de mesure, résolues tant bien que mal, et ces difficultés renvoient à des problèmes de fond, dont le moindre n'est pas que les indicateurs les plus utiles sont souvent les plus abstraits et que les indicateurs les plus tangibles sont les moins significatifs voire les plus fragiles dans les faits.
Mon exposé essayera de montrer les enjeux des diverses catégories ainsi mobilisées et l'usage rhétorique d'une notion faussement simple. Le risque existe de ne pas faire l'effort d'en maîtriser la complexité, que perdure la fuite de tout calcul, laissant les choix publics au jeu des rhétoriques les plus habiles à masquer la hiérarchie des enjeux.