En mars 2015, le ministre français de l’Agriculture Stéphane Le Foll lance l’idée du « 4 ‰ ». Il s’agit alors de développer un programme de recherche international afin d’identifier et de valider des options techniques pour accroître le stockage de carbone dans les sols agricoles « dans une perspective de lutte extrêmement efficace contre le changement climatique ». Complété par un programme d’action, il est intégré à « l’agenda des solutions » de la COP21. Au delà de l’ambition de stocker plus de carbone et d’améliorer la fertilité des sols, référence est faite à l’enjeu de production agricole et, plus largement, de sécurité alimentaire. Cette mise en politique de propositions portées initialement par des scientifiques s’est accompagnée de plusieurs réductions et simplifications inévitables, qui représentent aujourd’hui autant de défis pour le déploiement du 4 ‰.
Recommandations :
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1. Les ambitions du 4 ‰ doivent être resserrées et spécifiées de deux manières :
(a) en reconnaissant que le 4 ‰ ne peut traiter que partiellement des enjeux de sécurité alimentaire comme de changement climatique. En matière de sécurité alimentaire, il ne peut viser de manière centrale que l’augmentation et la stabilité de la productivité agricole, tout en tenant compte des effets induits sur la structure socio-économique des exploitations ; en matière d’atténuation, l’augmentation des stocks de COS n’est qu’une solution temporaire pour accroître le stockage de carbone et ne peut se substituer à des politiques de réduction des émissions ;
(b) en assumant la dimension institutionnelle et normative de l’initiative : il s’agit moins de générer une multiplicité de projets qui, pris ensemble, transformeraient les secteurs agricoles, que de contribuer à rendre crédibles et légitimes des pratiques et des systèmes agricoles aujourd’hui peu considérés dans les débats.
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2. La gouvernance du 4 ‰ doit prendre en compte quatre nécessités :
(a) affirmer l’originalité de l’initiative par rapport à d’autres approches similaires, en clarifiant les modalités d’adossement du programme d’action à un programme de recherche international permettant innovation, apprentissage et clarification des référentiels normatifs ;
(b) agir comme intermédiaire entre des mécanismes de financement pour le climat et des groupements d’agriculteurs, afin de favoriser le développement d’expériences pilotes ;
(c) articuler l’initiative aux politiques agricoles des pays du Nord comme du Sud afin de favoriser le transfert des expériences réussies sous forme de politiques publiques ;
(d) expliciter un cadre de redevabilité robuste, qui garantisse que les projets soient efficaces quant à leurs objectifs principaux sans avoir d’impacts négatifs sur la sécurité alimentaire (dans l’ensemble de ses dimensions), les droits fonciers et la biodiversité.