Le « paquet Climat Énergie » adopté en décembre 2008 contribue à l’architecture de la politique climatique européenne pour l’après-2012. Il comprend cinq directives ou propositions de texte pour parvenir à une diminution de 20 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à 1990 dans l’UE d’ici 2020 et à une part de 20 % d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation énergétique finale. Les textes du Paquet régissent notamment l’usage, pour l’après-2012, des crédits issus des mécanismes de flexibilité établis dans le cadre du protocole de Kyoto.
Cette synthèse vise à clarifier les dispositions en vigueur en Europe sur la quantité d’offsets autorisés sur la période 2008-2020 ainsi que les implications sur le niveau d’effort de réduction de l’Europe par rapport à une trajectoire unilatérale de décarbonation de l’économie à l’horizon 2020.
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Le « paquet Climat Énergie » adopté en décembre 2008 contribue à l’architecture de la politique climatique européenne pour l’après-2012. Il comprend cinq directives ou propositions de texte pour parvenir à une diminution de 20 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) par rapport à 1990 dans l’UE d’ici 2020 et à une part de 20 % d’énergie produite à partir de sources renouvelables dans la consommation énergétique finale. Des dispositions, non contraignantes, sur l’efficacité énergétiques sont contenues dans un second paquet présenté le 13 novembre 2008, « Energy Security and Solidarity Action ».
Les textes du Paquet régissent notamment l’usage, pour l’après-2012, des crédits issus des mécanis- mes de flexibilité établis dans le cadre du protocole de Kyoto. Les crédits provenant des Mécanismes de Développement Propre (MDP) sont des outils de mise en conformité, permettant de comptabi- liser, au titre des engagements de réduction pris dans le cadre du protocole de Kyoto, des réductions d'émissions réalisées dans les pays hors annexe I n'ayant pas d'engagement chiffré contraignant. Ils jouent ainsi le rôle d'offset" (crédits d'émissions de compensation).
L'Europe a, dès la période d'engagement de Kyoto instauré un plafond sur le volume de crédits qu'il est possible d'importer sur le territoire européen. Cette limitation renvoie au principe dit de "supplémentarité" du protocole de Kyoto2 selon lequel le recours aux mécanismes de flexibilité doit être complémentaire aux réductions d'émissions effectuées sur le territoire national.
Cette synthèse3 vise à clarifier les dispositions en vigueur en Europe sur la quantité d’offsets auto- risés sur la période 2008-2020 ainsi que les impli- cations sur le niveau d’effort de réduction de l’Europe par rapport à une trajectoire unilatérale de décarbonation de l’économie à l’horizon 2020.
Dispositions sur les offsets pour la période Kyoto (2008-2012)
L’UE a adopté, par le protocole de Kyoto, un enga- gement de réduction des émissions de 8 % en 2012 sous le niveau de référence 1990, déclinés en objec- tifs de réduction individuels pour chaque pays membre. Pour atteindre cet objectif, les secteurs de la production d’électricité et les industries sont sou- mis à un système d’échange de quotas (dit ETS pour « Emission Trading Scheme ») mis en place de façon anticipée et fonctionnant depuis 2005, couvrant environ 50 % des émissions européennes4. Sur les secteurs non couverts, les gouvernements sont en charge d’élaborer une stratégie nationale pour attein- dre en 2012 l’objectif global qui leur a été assigné. Dans l’ETS comme dans les secteurs non couverts, le recours aux offsets est autorisé sur la période 2008- 2012 mais les règles d’utilisation diffèrent.
Utilisation des offsets dans les secteurs non soumis à quotas
Pour la période 2008-2012, les gouvernements euro- péens n’ont pas de limite portant sur le recours aux mécanismes de Kyoto pour atteindre leur objectif de réduction. Plusieurs gouvernements ont déjà réalisé ou anticipe l’achat d’offsets, sous la forme de crédits URCE (Unité de réduction certifiée des émissions, issue du MDP). D’après les estimations de la Banque mondiale5, la demande gouvernementale en URCE mais aussi en crédits issus de projets MOC6 (mise en œuvre conjointe) et UQA7 (unités de quantités attri- buées) permettant d’être conforme à leur objectif Kyoto pourrait atteindre 450 Mt sur 2008-2012, dont 200 Mt ont déjà été sécurisés.
Utilisation des offsets dans les secteurs ETS
La Linking Directive8 encadre l’usage des crédits dans le secteur ETS au niveau européen, chaque État membre étant chargé de définir une limite à leur utilisation. Les États ont élaboré des plans d’allocation soumis à validation de la Commission (plan nationaux d’affectation des quotas, PNAQ). Pour la phase II (2008-2012), la Commission a largement amendé ces PNAQ et restreint notam- ment les volumes de crédits que les États avaient proposés9. Les plans d’allocation définissent les règles d’allocations par installation, les montants réservés aux nouveaux entrants, aux enchères, le volume de crédits MOC/MDP autorisés. Le tableau 1 résume les caractéristiques princi- pales de ces PNAQ et précise le montant de cré- dits issus de mécanismes de flexibilité autorisés par pays pour la période 2008-2012, exprimé en pourcentage des émissions vérifiées 2005 (cf. Idées pour le débat sur ce sujet pour un tableau plus détaillé).
Dispositions du Paquet pour la période 2012-2020
Dispositions sur les offsets dans les secteurs non soumis à quotas
Le paquet Climat Énergie introduit un objectif de réduction pour les secteurs non ETS différenciés par pays selon un critère PIB/habitant. Contraire- ment à la période précédente, l’usage des crédits par les gouvernements est limité.
Pour la période 2013-2020, la quantité annuelle de crédits autorisée est plafonnée à 3 % des émissions vérifiées 2005 des secteurs non couverts par la direc- tive quota, ce qui représente environ 90 Mt/an10.
Elle pourra être augmentée d’un 1 % supplémen- taire sous certaines conditions, en particulier en fonction de l’impact économique estimé de la mise en œuvre du paquet11. Le volume addition- nel représenterait plus de 10 Mt/an sur la période 2013-2020. Ces crédits ne pourront provenir que de projets réalisés dans les pays les moins avancés (PMA) ou les petits États insulaires. Ils ne seront ni banquables, ni échangeables entre pays ce qui rend peu probable que le volume supplémentaire accordé soit intégralement utilisé.
Dispositions sur les offsets dans les secteurs soumis à quotas
À partir de 2013, l’allocation globale du système ETS, le cap, sera définie au niveau européen, met- tant un terme à l’élaboration de PNAQ au niveau national. La proposition initiale de la Commission limitait le volume de crédits sur la période 2008- 2020 aux montants autorisés sur la période 2008- 2012 (définis dans les PNAQ II) soit 1,4 Gt12. Le texte final autorise le recours à des crédits supplémentai- res, au niveau global par la définition d’un nouveau plafond, et au niveau de chaque pays en introdui- sant un seuil minimal de droit aux crédits :
définition d’un plafond pour les installations déjà incluses dans l’ETS. Ce plafond est défini comme 50 % de l’effort de réduction sur 2008- 2020. Pour les nouveaux entrants (incluant ceux de 2008-2012 n’ayant reçu ni allocation gratuite ni crédits) et l’aviation, le plafond est établi à 50 % des réductions sous le niveau 2005 pour la période 2013-2020. Ceci pourrait mener à un volume global de 1,7 Gt sur 2008-2020 pour le secteur ETS13.
définition d’un plancher :
> pour les opérateurs déjà inclus dans l’ETS, le texte établit un droit exprimé en un pourcen- tage minimum de l’allocation 2008-2012 de 11 %. Ceci permet de redistribuer davantage de crédits aux installations ayant reçu initiale- ment dans les PNAQ II un faible droit à l’usa- ge de crédits ;
> pour les nouveaux entrants et nouveaux sec- teurs, le texte propose un volume minimum de crédits à la hauteur de 4,5 % des émissions vérifiées 2013-2020 ;
> pour les opérateurs de l’aviation, le pourcen- tage minimum correspond à 1,5 % des émis- sions vérifiées 2013-2020.
Le plafond maximal, et donc les quantités sup- plémentaires qui seront disponibles pour les dif- férents pays, ne pourra être précisément défini qu’une fois le plafond 2020 stabilisé, en fonction des ajustements de périmètre et des allocations pour la seconde période14.
En cumulant les volumes autorisés dans le paquet Climat Énergie dans les secteurs ETS et non ETS, le volume d’offsets maximal autorisé sur le terri- toire européen pourrait ainsi atteindre près de 2,5 Gt sur la période 2008-2020. En tenant compte de la demande gouvernementale (secteur non ETS) estimée sur 2008-2012, le volume de crédits atteint 2,7 Gt.
Dans le secteur ETS comme hors ETS, les types de crédits autorisés sont limités à ceux générés par les projets qui sont éligibles pendant la période 2008-2012, ce qui suppose que les crédits ont été émis avant fin 2012 ou, s’ils sont émis à partir de 2013, qu’ils proviennent expressément de projets enregistrés par le Conseil exécutif au cours de cette même période.
Clauses de restrictions sur les types de crédits
La directive ETS révisée donne la possibilité de définir des mesures établissant des critères per- mettant de restreindre le recours à certains types de crédits. Cette clause introduit la possibilité de telles restrictions mais ne présage en rien des critè- res qui seront adoptés. Elle laisse cependant à l’Eu- rope la possibilité d’établir des critères plus sévères que le Comité exécutif du MDP en vue d’accroître les exigences sur la qualité des projets acceptés sur le territoire européen, par le recours par exemple à des labels comme le Gold Standard.
La directive ETS révisée prévoit également la possi- bilité d’établir des accords bilatéraux avec des pays tiers pour obtenir des crédits issus de nouveaux projets, dans la limite des types de projets accep- tés en 2008-2012 et des volumes totaux autorisés. Les nouveaux projets mis en œuvre dans les PMA sont également acceptés sans nécessiter d’accords spécifiques avec ces pays. En dépit des possibles restrictions, ces dispositions tendent à assurer aux acteurs suffisamment de flexibilité pour mobiliser, s’ils le souhaitent, par différents moyens l’intégra- lité du volume de crédits autorisé, en cas d’absence d’un accord international régissant le post-2012.
Contribution des offsets à l’effort européen à l’horizon 2020
Pour un objectif de réduction de 20 %, dans le cas où l’ensemble du volume d’offsets autorisé serait effectivement utilisé sous forme d’offsets, soit près de 2,7 Gt15 (dont environ 2,5 Gt pour les seules dis- positions du Paquet), les mécanismes de flexibilité contribueraient très substantiellement au niveau de réduction qui serait attendu sur le territoire européen.
En effet, ce volume représenterait 40 % du volume de réduction cumulé à réaliser d’ici 2020 par rap- port aux projections d’un scénario tendanciel16 et plus de 60 % du volume de réduction à réaliser d’ici 2020 par rapport au niveau de référence établi à l’année 2005 (voir tableau 2).
Une représentation des effets sur la trajectoire des émissions européennes à 2020 d’un total usage des volumes de crédits autorisés est représentée dans la figure 1, selon une trajectoire de référence (théo- rique) correspondant à une décroissance linéaire du cap annuel établi auquel s’ajoute le volume annuel de crédits autorisé.
Selon cette configuration, les émissions en 2020 atteindraient environ 4700 Mt soit – 15 % par rap- port au niveau de référence 1990 au lieu des – 20% annoncés, 5% des émissions étant compensées par des réductions extra-territoriales. En pratique, les quotas alloués ainsi que les URCE sont banqua- bles sur l’ensemble de la période (le report est possible pour des crédits délivrés en phase II vers la phase III dans la limite des droits d’utilisation accordés). La trajectoire d’émissions et d’utilisa- tion des crédits est susceptible de différer de la trajectoire linéaire de référence et tout excédent pouvant se reporter sur le reste de la période, le niveau d’émissions atteint en 2020 pourrait être encore supérieur.
Conclusion
Les dispositions du Paquet Climat Énergie sur les offsets ne remettent pas en cause l’objectif global de réduction de – 20 % sous le niveau de référence 1990 annoncé par l’Europe. Cependant, par rap- port à l’affichage de choix politiques cohérents avec un réchauffement limité à 2 °C, les disposi- tions du Paquet européen laissent la possibilité à l’Union de réaliser près de la moitié de l’effort de réduction attendu par le recours aux offsets. Ceci place l’Europe bien en deçà d’une trajectoire de réduction domestique comprise dans la fourchette 25-40 % comme préconisée par le GIEC pour les pays développés.
Ceci soulève plus largement la question de la nature et de la réalité de la transition vers une économie moins carbonée sur le territoire européen à court et moyen terme. Parvenir à une pente de réduc- tion accélérée à partir de 2020 suppose que des investissements supplémentaires ont été amorcés bien avant 2020. La période 2012-2020 est donc décisive pour l’amorce d’investissements qui régi- ront les émissions à moyen terme, indépendam- ment du niveau d’émissions réel atteint en 2020. Une remise en cohérence des différents objectifs et dispositions du Paquet ainsi qu’une vision com- mune de la transition et de son accompagnement seraient nécessaires afin d’appréhender la réalité de la transformation de l’économie européenne à l’horizon 2020 au regard des objectifs climatiques annoncés et des ambitions de plus long terme. En particulier, il apparaît nécessaire d’assurer dans le système sous quotas un mécanisme de signal prix à même de fournir une incitation durable à pour- suivre la transformation des différents secteurs économiques.
1. http://ec.europa.eu/environment/climat/climate_action.htm
2. Article 6 et 17 du protocole de Kyoto. Les accords de Marrakech ont interprété ce principe en affirmant que l’action intérieure devait constituer un élément significatif des efforts nationaux mais se sont abstenus de le quantifier.
3. Une publication Iddri à paraître (dans la collection Idées pour le débat) développera plus largement l’impact des dispositions du Paquet sur les offsets sur la trajectoire de transformation de l’économie européenne.
4. http://ec.europa.eu/environment/climat/emission/index_en.htm
5. Banque mondiale, State and Trends of the Carbon Market, 2009
6. Ces crédits, issus d’un autre mécanisme de flexibilité de Kyoto, ne sont pas des offsets.
7. Quotas du marché européen.
8. http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2004:338:0 018:0023:FR:PDF
9. http://ec.europa.eu/environment/climat/emission/2nd_phase_ep.htm
10. Estimations réalisées à partir des données du tableau 1 et des données d’émissions totales pour l’année 2005.
11. Les pays concernés sont : l’Autriche, la Belgique, le Danemark, Chypre, l’Espagne, la Finlande, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, le Portugal, la Slovénie et la Suède.
12. Volume obtenu à partir des montants définis dans les PNAQ II (voir tableau 1).
13. En estimant que le plafond conduit à 1,5 Gt pour les installations existantes et que les volumes maximaux de crédits pour l’aviation et les nouveaux secteurs couverts sont respectivement de 50 et 100 Mt sur la période.
14. Plusieurs recours en justice pour les allocations du PNAQ II ont été lancés.
15. Pour les volumes d’offsets du secteur non ETS sur la période 2008- 2012, nous tenons compte de l’estimation de la demande gouvernemen- tale en mécanismes de Kyoto réalisée par la Banque Mondiale (State and Trends of the Carbon Market 2009), soit 200 Mt sur 2008-2012.
16. Scénario 2007 de la DG ENV réalisé avec le modèle PRIMES, tenant compte des politiques et mesures annoncées jusqu’à la fin de l’année 2006.