Éditorial de Laurence Tubiana, directice de publication.
Mer fermée et espace ouvert sur trois continents, la Méditerranée constitue un ensemble aux contours flexibles, une zone de fortes interactions, de complémentarités et d'antagonismes. Au cours des siècles s'est construit le mythe d?une mer d'échanges fertiles, berceau civilisateur.
« L'histoire, nous dit Fernand Braudel, n'est pas autre chose qu'une constante interrogation des temps révolus au nom des problèmes et curiosités — et même des inquiétudes et des angoisses — du temps présent qui nous entoure et nous assiège. Plus qu'aucun autre univers des hommes, la Méditerranée en est la preuve, elle ne cesse de se raconter elle-même, de se revivre elle-même. Par plaisir sans doute, non moins par nécessité. Avoir été, c'est une condition pour être. » (Fernand Braudel, L'espace et l'histoire)
La « nécessité » est celle d'apaiser par des actions concertées cette zone tourmentée où s'enchevêtrent intérêts et passions. La Méditerranée, qui cristallise les crises du monde, doit affronter des menaces (environnement, sécurité) et réduire ses fractures : religieuses, culturelles, démographiques, économiques et politiques. Des fractures qui accentuent les frustrations et attisent les conflits et tensions (Balkans, Moyen-Orient, Chypre, Sahara occidental, etc.), facteurs d'une instabilité permanente, certes, mais pas irrémédiable.
Le « plaisir » serait donc celui de restaurer l'imaginaire d'une Méditerranée cosmopolite, ouverte et tolérante, creuset de Lumières d'Orient et d'Occident. En somme, « être » à nouveau pour (re)devenir un espace commun de coopération et de partenariat.
Mais cet espace éclaté, mouvant au gré des représentations que s'en font les grandes puissances, Union européenne et États-Unis en tête, constitue-t-il une échelle pertinente de gouvernance ? Les dynamiques existant dans l'économie, l'agriculture, la culture ou la gestion du littoral portent-elles les germes d'un nouveau mode de coordination régionale ?
Le développement durable ouvre le débat sur la représentation et l'urgence des problèmes à traiter : ce débat ne pourrait-il pas fournir l'occasion de faire converger les stratégies des différents acteurs pour redonner le sens d'un avenir commun à cette région ?
Autant de questions auxquelles ont répondu les auteurs sollicités pour ce nouveau numéro du Courrier de la planète consacré à la Méditerranée, cinq ans après le précédent. Des auteurs qui, pour la plupart, ont participé aux « Rendez-vous méditerranéen » de Marseille (17-18 mai 2004), organisé par le ministère de l'Écologie et du Développement durable et l'Institut du développement durable et des relations internationales.