Cette session des Rendez-vous franciliens du développement soutenable, organisés par l'Iddri dans le cadre du Réseau de recherche sur le développement soutenable (R2DS), est assurée par Thierry Lefebvre, doctorant au sein du Laboratoire d’anthropologie sociale du Collège de France.
Raphaël Billé, directeur du programme Biodiversité et ressources naturelles à l'Iddri, sera le discutant de cette session. >> Télécharger l'invitation
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Contact : Nicole de Paula Domingos
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L’idée de créer des aires naturelles protégées, c'est-à-dire de soustraire des « espaces sauvages » des interventions humaines, correspond à une modalité particulière de domestication de la nature. À l’origine, il s’agit de protéger des écosystèmes et des espèces pour leur valeur esthétique ou patrimoniale. À mesure que se constituent des réseaux d’aires protégées à l’échelle nationale et internationale s’impose l’idée de conserver des « échantillons » représentatifs de la diversité biologique. Cette évolution témoigne du monopole pris par l’expertise scientifique, particulièrement l’ingénierie forestière et la biologie de la conservation, dans la définition de l’offre de conservation.
S’il existe de nombreuses analyses des politiques de conservation de la biodiversité, on dispose en revanche de peu d’informations sur les représentations et les modalités de fonctionnement interne des organismes prescripteurs de la conservation. Cette session du séminaire permettra ainsi de s’intéresser à la communauté épistémique des conservationnistes, aux critères qui déterminent les priorités en matière de protection de la nature et aux stratégies de légitimation politique de ce groupe dans le contexte péruvien. Au Pérou, comme dans la plupart des pays d’Amérique Latine, les premières initiatives de protection de la nature apparaissent dans le cadre du préservationnisme pan-américain et sont le fait d’une élite scientifique. Ce n’est qu’à partir des années 1960 que le secteur de la protection naturaliste se professionnalise au sein de la foresterie. La crise économique et le retrait de l’État face au développement du terrorisme dans les années 1980 conduisent à la création d’ONG environnementales qui importent les systèmes de planification et de gestion du secteur mondial de la conservation. À partir de la Conférence de Rio et avec le développement du socioenvironnementalisme, les scientifiques entrent en compétition avec d’autres formes de rationalité écologique pour définir les priorités en matière de conservation.
En partant de ce cadrage historique, Thierry Lefebvre analysera conjointement le procès de construction du système national d’aires naturelles protégées, les critères et les valeurs permettant de justifier la création de ces espaces qui incarnent un idéal de naturalité et la mise en place de dispositifs institutionnels pour assurer leur pérennité. Nous verrons que, loin d’être durable, ce processus est fragile, porté par des groupes minoritaires et fondé sur des systèmes de valeurs redéfinis en permanence. Les données sont issues d’entretiens réalisés auprès des principales organisations de conservation de la nature au Pérou, et complétés par des observations de terrain au sein d’aires naturelles protégées de l’Amazonie péruvienne et de la cordillère des Andes (Parc National Huascaran, Réserve Nationale Pampa Galeras, Réserve Nationale Pacaya Samiria).