Le commerce équitable a pour objet « d'assurer le progrès économique et social des travailleurs en situation de désavantage économique du fait de leur précarité, de leur rémunération et de leur qualification ». Cet engagement principalement socio-économique, pris dans le cadre de chaînes commerciales mondialisées, et qui s’inscrit dans une logique de production et de consommation plus responsables, est-il néanmoins suffisant pour traiter l’ensemble des enjeux de durabilité, notamment celui de la déforestation liée aux importations agricoles ? Analyse des certifications existantes, de leur efficacité, et de leur nécessaire évolution.
De multiples enjeux, une profusion d’initiatives
La quinzaine du commerce équitable se tient en France du 12 au 29 mai. Depuis 25 ans, le petit logo vert et bleu s’est imposé sur les étagères de beaucoup de commerces. Il devenu, pour le consommateur soucieux de son impact, un repère dans le foisonnement des marques et des produits alimentaires. En s’engageant à payer un prix correct au producteur, le commerce équitable est aujourd’hui la seule initiative de commerce « alternatif » qui place l’accent sur la rémunération des producteurs et des salariés du secteur agricole.
Mais le consommateur responsable est aussi appelé à se préoccuper des conditions de production, de la protection de l’environnement local et de l’impact climatique de ses achats. Parmi ces préoccupations, l’impact sur la biodiversité des produits agricoles s’impose aujourd’hui comme un enjeu majeur, du fait des conséquences fréquentes de ces productions sur la qualité de l’eau (via l’usage de pesticides), des écosystèmes et notamment de la forêt (via la déforestation).
Ces dernières années ont donc vu se multiplier les logos et les initiatives, au risque de perdre le consommateur dans une jungle de labels plus colorés les uns que les autres, mais dont la signification reste souvent obscure. Par exemple, pour s’assurer que la barre chocolatée qu’il ou elle achète assure un revenu correct aux producteurs, est produite sans pesticides et sans déforestation, le consommateur ou la consommatrice devra rechercher, sur l’emballage, pas moins de trois logos : celui du commerce équitable, celui de l’agriculture biologique, et, si un tel label existait, un label soutenable garantissant l’absence de déforestation.
Autant dire qu’on a plus de chance de tomber sur le ticket d’or de Willy Wonka que sur cette barre chocolatée, dont les méthodes de production devraient pourtant représenter la norme d’un marché pleinement respectueux de l’être humain et de la nature. Et si, en plus, il s’agit de chercher une barre chocolatée avec une huile de palme répondant aux mêmes critères, et de bonnes performances nutritionnelles, l’option la plus disponible est sans doute de fabriquer ladite barre soi-même.
Comment intégrer la norme « zéro déforestation » ?
Faut-il, de ce fait, renoncer et accepter de contribuer potentiellement à la déforestation ou à l’augmentation des pesticides dans les eaux des pays de production ? Nous ne le pensons pas, et ce d’autant que la France et l’Europe se penchent en ce moment même sur la rédaction de plans d’action pour éliminer la déforestation des importations agricoles, notamment du cacao, de l’huile de palme et du soja.
Mais les solutions pour que le marché produise un « signal-prix » qui favorise des produits « zéro déforestation » restent à trouver. Aujourd’hui, les deux principales labellisations (commerce équitable et bio) n’intègrent pas de garanties concernant la déforestation. De ce fait, soit ces labels sauront s’adapter et évoluer pour intégrer une norme « zéro déforestation », soit il faudra attendre que s’impose un troisième type de label, dédié à la question. Outre l’augmentation de confusion dans les signaux adressés aux consommateurs, il faudra alors penser à ce que cela représenterait de difficultés et de coûts supplémentaires pour les producteurs, et surtout les plus petits et les plus pauvres d’entre eux. Une troisième possibilité consisterait à faire évoluer les réglementations commerciales et les obligations des entreprises, par exemple dans la lignée de la loi sur le devoir de vigilance[2] voté l’année dernière par la France, pour que les valeurs sociales et environnementales promues par ces différents labels et initiatives deviennent la norme, et que la charge économique pèse sur les pratiques les moins vertueuses, et non plus sur les alternatives durables. C’est un horizon plutôt lointain. De ce fait, à court et moyen termes, il sera potentiellement plus prometteur d’interroger les responsables des labels déjà bien en place sur les évolutions prévues pour intégrer la déforestation dans les cahiers des charges à respecter par les acteurs de la chaîne d’approvisionnement.