La version finale du troisième Plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC-3) sera présentée ce lundi 10 mars. Sa mise en œuvre débute en 2025, notamment à travers sa territorialisation qui va mobiliser les parties prenantes autour de l’élaboration de stratégies d’adaptation propres à chaque région, qui devront concerner les différents secteurs (pour un décryptage des enjeux d’intégration de l’adaptation dans les gouvernances sectorielles existantes, voir Iddri, 2025). Pour faire du PNACC-3 un cadre opérationnel et évolutif, il devra s’accompagner de mécanismes de retour vers le niveau national afin qu’il puisse s’ajuster au gré des besoins qui émergeront pour soutenir les secteurs et les territoires dans leurs transformations.
Quel potentiel de transformation des secteurs ?
Le Plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC-3) sera finalement présenté ce lundi 10 mars, après un calendrier maintes fois repoussé puis une présentation et une mise en consultation à l’automne qui s’est clôturée en décembre 2024. Ce document doit offrir un cadre pour l’action au niveau national, notamment autour d’une trajectoire de référence pour l’adaptation au changement climatique (TRACC), fixée à 4°C de réchauffement en 2100. Cette TRACC doit ainsi être inscrite dans tous les documents de politique publique territoriale d’ici à 2030 (SCoT, PLUi, SRADDET, PCAET). Mais au-delà de l’action publique, le PNACC-3 a aussi vocation à mobiliser tous les acteurs, y compris dans les différents secteurs de l’économie (avec par exemple, les mesures 36 et 37 sur l’agriculture, la mesure 9 sur l’adaptation des logements aux fortes chaleurs, ou encore la mesure 30 sur la résilience des transports et mobilités), pour lesquels il reprend ou renforce des plans et politiques existants, ou annonce leur mise en œuvre, et détaille les besoins en termes de renforcement des connaissances.
La science reconnaît que l’adaptation doit se faire de manière plus transformationnelle, c’est-à-dire qu’elle requiert des transformations profondes dans nos modes d’organisation et nos systèmes (Secrétariat de la CNUCC, 2024). C’est le rôle de l’action publique de permettre cette adaptation plus ambitieuse : les changements structurels demandent une vision de long terme, et requièrent d’identifier ce qui pourrait mener à des reports de vulnérabilité entre groupes sociaux, entre territoires, ou entre secteurs. Cela demande entre autres une planification des transformations requises dans chaque secteur, incluant l’ensemble des acteurs concernés. En effet, l’adhésion aux choix d’adaptation sera d’autant plus forte que les parties prenantes auront été intégrées à la délibération pour établir la stratégie et que les arbitrages auront été collectivement négociés.
Or le PNACC-3 reste plutôt orienté vers le court terme autour de mesures incrémentales (Ecoact, 2024). De plus, ce cadre national ne statue pas sur des objectifs sectoriels à décliner pour engager vers ces transformations (Iddri, 2024), mais reprend plutôt ou renforce les politiques sectorielles existantes. C’est en ligne avec l’esprit du plan qui n’entend pas trancher ni gouverner de manière descendante les choix d’adaptation, mais plutôt poser le cadre de leur discussion au niveau territorial, afin de mettre en dialogue les acteurs et de définir des objectifs propres à chaque territoire.
Des dialogues territoriaux à venir pour trancher sur les choix d’adaptation
Cette territorialisation du PNACC-3 devrait notamment se faire via les COP régionales, qui mobiliseront les acteurs des territoires autour de l’adaptation en 2025. Pour faire de l’adaptation une priorité, cela nécessite d’aller plus loin que de prendre en compte la trajectoire de réchauffement (la TRACC) dans les documents de politique publique territoriale. En effet, l’adaptation demande de mobiliser les acteurs des différents secteurs d’un territoire (chambres d’agricultures, chambres de métiers et de l’artisanat, mais aussi syndicats, associations de représentation citoyenne, etc.) pour prendre des décisions qui concernent l’organisation économique et sociale du territoire et la mise en place de nouvelles pratiques.
L’échelon régional permet un dialogue politique autour des transformations à venir qui doivent s’inscrire dans un projet de développement économique et social d’un territoire au sens large – par exemple, concernant des questions qui touchent des bassins d’emploi, comme l’avenir des stations de ski de moyenne montagne. Ces dialogues devraient permettre de mettre en cohérence les différents secteurs d’un territoire autour de ces projets. Mais les secteurs ont aussi leurs propres instruments, mécanismes, outils de politiques publiques et instances de dialogues entre acteurs à plusieurs niveaux. Ces gouvernances sectorielles permettent d’envisager les évolutions à plus ou moins long terme pour des objectifs multiples : environnementaux par exemple, comme ceux d’atténuation et de biodiversité, en vue de mettre en œuvre la SNBC et la SNB, mais aussi plus largement, économiques, sociaux, etc. Il est donc important d’inclure l’adaptation dans ces discussions qui ont lieu autour des transformations de ces secteurs (Iddri, 2025).
Un mécanisme de retour vers l’échelon national indispensable
L’adaptation est souvent présentée comme un enjeu local, qui demande donc une gestion politique locale – ce que souligne la stratégie sur l’adaptation de l’Union européenne de 2021. Or, dans les faits, la complexité du sujet amène à mobiliser plusieurs échelles politiques, en fonction des mandats et compétences de chacune (Iddri, 2025), et nécessite une coordination pour éviter les reports de vulnérabilité, la gestion en silo de risques partagés au-delà des frontières administratives (adapter les normes et la législation, encadrer le support dont pourront bénéficier les autres acteurs, y compris le support technique et financier), ou pour organiser la solidarité entre territoires et secteurs (OCDE, 2023).
Comment faire pour que l’échelon national reste à l’écoute des besoins qui pourraient émerger de ces dialogues politiques territoriaux, pour s’engager dans des choix d’adaptation ambitieux ? Comment s’assurer que des options plus transformationnelles ne soient pas balayées par manque de faisabilité ou de visibilité sur l’accompagnement et la réalisation des conditions de mise en œuvre ?
Il sera essentiel que la mise en œuvre du PNACC-3 s’accompagne d’un mécanisme d’itération avec l’échelon national, pour que celui-ci soit en capacité de répondre aux besoins qui en émergeront, que ce soit en termes d’évolution des politiques sectorielles nationales, de mécanismes de solidarité entre territoires et secteurs, de mise en place de compensations, de résolution d’arbitrages entre priorités ou d’accompagnement. Cette question de l’accompagnement est cruciale dans un contexte de forte incertitude sur les budgets qui seront alloués aux dispositifs financiers existants pour la transition écologique et aux agences de l’État qui participent à l’accompagnement des acteurs (Ademe, Cerema, agences de l’eau, etc.).