En août 2015 était publiée au Journal officiel la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV). Moins de deux ans plus tard, en juillet 2017, le ministre Nicolas Hulot présentait le Plan climat de la France, articulé autour de nombreux objectifs, notamment celui « d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 ». En quelques années, la France s’est ainsi dotée d’un cadre d’action ambitieux pour lutter contre le changement climatique. Quels en sont les résultats et comment le renforcer ? Ce billet présente quatre contributions de l'Iddri pour comprendre et améliorer le pilotage de l'action climatique en France.
Tout d’abord, qu’est-ce que la neutralité carbone ? Inscrite dans l’Accord de Paris adopté lors de la COP21, la neutralité carbone est l’objectif de l’action climatique internationale : nous devons ainsi, collectivement, parvenir à un équilibre entre les émissions de gaz à effet de serre et les absorptions par les puits, qu’ils soient naturels (forêts, sols, océan) ou technologiques (capture et stockage de carbone). Cela implique que chaque pays définisse une vision de long-terme vers la neutralité carbone, ainsi qu’un plan détaillant les leviers d’action qui le positionneront sur une trajectoire crédible à court-terme pour faire de cette vision une réalité. Comme rappelé dans un Policy Brief Iddri, cette action passera en premier lieu par une réduction drastique des émissions d’ici à 2050, en combinant des technologies bas-carbone et une refonte de nos modes de production et de consommation, et nécessitera également de nouvelles approches de conservation des écosystèmes et des investissements dans les technologies dites « à émission négatives ».
Une revue historique et critique de la mise en place de la gouvernance climat française réalisée par l’Iddri révèle que la France s’est dotée d’instruments ambitieux sur bien des plans : des objectifs de long-terme juridiquement contraignants, assortis d’outils de mise en œuvre révisés au gré de cycles quinquennaux. Ces outils incluent les « budgets carbone », permettant de définir une trajectoire vers les objectifs de long terme, et les documents cadres détaillant la mise en œuvre (stratégie nationale bas-carbone – SNBC, et programmation pluriannuelle de l’énergie – PPE). Le fait de poser la neutralité carbone comme horizon à 2050 démontre en outre la volonté de la France de se mettre en cohérence avec l’Accord de Paris. Mais, en pratique, les outils de mise en œuvre de cette ambition ne pourront effectivement jouer leur rôle vers l’objectif de long-terme que s’ils sont accompagnés d’un véritable garde-fou : un mécanisme de suivi et d’évaluation solide.
Il existe actuellement en France neuf instances consultatives chargées de fournir des avis sur la mise en œuvre de la transition bas-carbone1 ; cette profusion nuit à la lisibilité et à la crédibilité des messages. Or l’évaluation est une condition nécessaire pour ancrer la révision des plans quinquennaux dans les progrès et défis réels de mise en œuvre, et donc, permettre de rectifier le tir si besoin pour atteindre les objectifs de long-terme. La publication à la rentrée des premières versions révisées de la SNBC et PPE, sans qu’elles s’appuient ou fassent référence à une évaluation des actions passées, alors même que le ministère de la transition écologique et solidaire a annoncé cet été que les deux premiers budgets carbone ne seraient vraisemblablement pas tenus2 , représente un signal d’alerte important sur ces points.
La gouvernance de l’action climatique française, définie dans la loi TECV, est encore relativement jeune. Mais pour avoir une action ambitieuse cohérente avec les objectifs de long-terme, il est urgent de réformer ses aspects liés au suivi et à l’évaluation. L’Iddri propose pour cela dix recommandations pour renforcer le suivi et l'évaluation de la transition bas-carbone en France.
Une des recommandations porte sur la création d’un « tableau de bord de la transition bas-carbone » qui permettrait une meilleure compréhension des leviers de politique publique et de leurs résultats à travers l’ensemble des secteurs ; nous suggérons une préfiguration de ces indicateurs dans une étude distincte, accompagnée d'un tableur.
Une autre recommandation a trait à la nécessité de rationaliser les différentes instances consultatives mentionnées plus haut, et notamment de clarifier le rôle du Comité d’experts pour le transition énergétique (CETE), créé en 2015. Pour cela, nous avons regardé chez nos voisins britanniques, qui célèbrent cette année les dix ans de leur Climate Change Act, pour comprendre et tirer des enseignements pertinents du fonctionnement du Comité pour le changement climatique (CCC) pour la France. Le CCC a une légitimité et une indépendance incontestée pour jouer ce rôle de garde-fou de l’ambition climatique de long terme. Elles s’appuient à la fois sur des moyens conséquents permettant d’asseoir sa capacité d’analyse et de conseil, un lien direct avec le Parlement et une autonomie de saisine, soit autant d’éléments qui pourraient inspirer la gouvernance française.
- 1Ensemble des instances consultatives publiques ayant un mandat d’évaluation de la mise en œuvre des plans stratégiques PPE / SNBC ou de production d’avis sur ces plans, cf. annexe 1 de l’étude « Le Comité pour le changement climatique au Royaume-Uni. Quel retour d’expérience et quels enseignements pour la France ? »
- 2Note/Présentation DGEC, comité suivi PPE/SNBC, 19 juillet 2018